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L’expert, un mal plus que nécessaire

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Martine Turenne

2016-06-22 11:15:00

Les avocats ont tendance à attendre la dernière minute pour faire appel à un expert. Et ils ont tort!, selon ce juricomptable. Entrevue avec un expert de la question…

Denis Hamel
Denis Hamel
Denis Hamel a sa petite idée sur la place qui revient aux experts comme lui lors de litiges. Plus ils arrivent tôt dans le processus, plus on se donne des chances de régler avant que la cause ne se rende devant les tribunaux. « Il y a deux façons de voir le rôle de l’expert », dit le juricomptable, qui vient de prendre la tête de la nouvelle équipe de juricomptabilité de Mazars Canada, cabinet international de l’audit, de services comptables, de fiscalité et de services-conseils financiers aux entreprises.

« On peut le voir comme un coût additionnel dans le processus judiciaire. Les avocats attendent ainsi parfois à la dernière minute, quand il n’y a plus d’autres options, pour faire appel aux experts, comme moi, qui décortiquent les chiffres et peuvent les expliquer. Ou bien, on peut nous inclure dès le départ, et là, on obtient de bien meilleurs résultats. » Un mal plus que nécessaire, donc, et très rentable au demeurant.

Faire parler les chiffres

Fort de ses trente années d’expérience, Denis Hamel en connaît un bail sur le litige et les conflits. Il a commencé sa carrière comme syndic de faillite. Il a vu défiler dans son bureau des gens, en larmes, qui avaient tout perdu. « Les histoires étaient toujours les mêmes. On est dans le drame. Même si j’étais du côté des banques, on peut faire ce travail de manière très humaine. C’est ce que je fais, encore aujourd’hui, avec mes clients. Il faut les écouter et avoir de l’empathie. »

Après des séances parfois éprouvantes, et hautement émotives, Denis Hamel est capable de décrocher. « Il y a un tiroir qui se ferme quand je quitte le bureau. » Aujourd’hui, sa clientèle a bien changé. Il y a encore des drames humains, des causes de divorces, où les actifs de l’un des conjoints doivent être déterrés dans des montagnes de chiffres, et des guerres de succession, aussi, où le rôle du liquidateur sera mis en doute.

Encore là, il faut faire parler les chiffres et éclaircir les mystères. Y a-t-il, ou pas, une petite fortune cachée en Suisse, dont seul un membre de la famille a pris connaissance? « Les émotions sont souvent dans le tapis. On doit ramener les parties sur terre. Moi, je deale avec les chiffres. Et souvent, ils finissent pas apaiser les tensions. »

Sa clientèle chez Mazars est variée. Elle va du très gros (Bombardier, en litige avec la compagnie italienne Leonardo-Finmeccanica, pour 120 millions de dollars, au sujet d’un différend sur la C-series), à un simple conseiller financier qui s’est fait injustement renvoyer.

Dans ces deux cas, où les sommes en jeu sont à des années-lumière, le travail est le même : évaluer les dommages. « Je ne suis pas dans l’aspect moral des choses, mais dans le quantifiable et le mesurable. Je m’assure que les montants réclamés soient justes. »
C’est Norton Rose, qui représente Bombardier, qui lui a confié ce délicat mandat. « Je développe mes affaires avec les avocats de litige, et les contentieux des grosses compagnies. Je me fais connaître des deux côtés. »

Un nouveau Code civil facilitant

Six mois après l’adoption du nouveau Code civil, Denis Hamel a vu le rôle des experts changer
Six mois après l’adoption du nouveau Code civil, Denis Hamel a vu le rôle des experts changer
Six mois après l’adoption du nouveau Code civil, Denis Hamel a vu le rôle des experts changer sensiblement, et pour le mieux, contrairement à bien des avocats, qui jugent leur tâche alourdie. « La philosophie sous-jacente au nouveau Code, c’est la médiation. Et cela se passe en amont des tribunaux. Les experts sont appelés à intervenir à cette étape de manière plus systématique. »

Les parties sont assises autour de la même table. « Chaque expert expose ce qu’il a en mains. On peut critiquer, poser des questions et déjà dresser une liste d’éléments sur lesquels ont est d’accord, et une autre pour laquelle on est en désaccord. » Le juge et les avocats peuvent par la suite se concentrer sur les éléments litigieux, ce qui dégage un temps précieux. « En faisant un tel ménage au préalable, le processus des concessions est déjà enclenché. »

Récemment, Denis Hamel a travaillé sur un cas qui devait être tranché devant la Régie de l’énergie. « Les deux parties savaient que si ça se rendait jusqu’aux tribunaux, ça allait être long, et coûter cher. Ils voulaient régler. Et les deux m’ont approché. On est environ une douzaine, à Montréal, sur la short list. Je leur ai demandé : ‘vous ne voulez pas un expert commun?’ Ils préféraient avoir chacun le leur. »

Mais la volonté était là, malgré des positions distantes au départ, poursuit Denis Hamel. « Les avocats étaient motivés, les experts aussi. Nous avons réglé, sans avoir à aller devant la Régie de l’énergie. » Ce n’est pas toujours comme ça. Mais même lorsqu’ils doivent aller en cour, les procédures ont désormais changé.« Puisque notre rôle débute dès la médiation, nous passons moins de temps en cour par la suite. »

En fait, leur présence y sera de plus en plus limitée, et courte, dit Denis Hamel. « Avec le nouveau Code, il n’y a plus d’interrogatoire et de contre-interrogatoire des avocats, explique-t-il. C’est le juge, qui a pris connaissance du document préparé par l’expert, qui pose les questions. C’est mieux ainsi. Avant, un contre-interrogatoire pouvait durer une journée entière, voire plusieurs. »

Mazars veut devenir la référence

Ancien de Deloitte et de MNP, Denis Hamel voit avec enthousiasme son nouveau défi chez le géant Mazars, qui compte 17 000 employés dans 77 pays, et est la cinquième plus importante firme en Europe.

Présente au Canada depuis 2009, après l’intégration du cabinet Harel-Drouin, Mazars n’avait pas de département de juricompatablité au Canada. Depuis mai, Denis Hamel est donc responsable de former une toute nouvelle équipe, et de la faire croître.

« On veut devenir la référence en juricomptabilité en Amérique du Nord », dit-il.
Le bureau montréalais compte 120 professionnels, dont 14 associés, avec une parité entre les hommes et les femmes. « C’est une fierté pour nous. »

Denis Hamel connaissait déjà la culture Mazars. « Leur siège social est à Paris, et j’ai travaillé dans cette ville durant deux ans. Je savais qu’ils avaient une excellente réputation. Et chose précieuse pour nous, ils ont un vaste réseau international sur lequel on peut s’appuyer. »
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