Granatstein

Bye bye !

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Gabriel Granatstein

2011-12-19 14:15:00

À l'instar de Françoise Hardy qui se demandait ''Comment se dire adieu?'' dans une toune des années 60, l'avocat Gabriel Granatstein s'interroge cette semaine sur les cas où la loi exige de gérer son départ...afin d'éviter tout litige.

Il est souvent difficile de dire au revoir. Nos amis viennent nous visiter, puis repartent. Les relations s’épanouissent et parfois s’estompent. Les gens déménagent à l’autre bout du pays ou de la ville. Les "au revoir" font partie de la vie. Dans la majorité des cas, nous sommes bons à dire "au revoir". Nous passons à autre chose. C’est dans la nature humaine.

Ceci étant dit, dans plusieurs cas, les au revoir doivent être « gérés ». La loi règlemente souvent la manière dont nos chemins se séparent. La loi peut même interdire les gens de se quitter trop rapidement ou trop brutalement. Par exemple, si un couple marié décide de se dire au revoir, les partenaires auront éventuellement besoin d’un ordre de la cour attestant leur divorce et s’ils ont des enfants, peut-être ne pourront-ils jamais séparer leur chemin définitivement. Les divorces doivent être gérés. S’ils sont mal gérés, les coûts – tant émotionnels que financiers – peuvent être astronomiques. Dans mon domaine de travail (droit du travail et de l’emploi), les au revoir sont parfois comme des divorces – ils doivent être gérés et peuvent être à la fois coûteux et déchirants.

Il y a quelques mois, j’ai rencontré un nouveau client en vue de discuter de la terminaison d’emploi d’un employé qui était au service de l’entreprise depuis relativement longtemps. Le client, une moyenne entreprise, envisageait la possibilité de remplacer une gestionnaire junior qui occupait cet emploi depuis cinq ans. Suivant la description donnée par le client, la gestionnaire n’était pas formidable, mais n’était pas terrible; elle (nous l’appellerons Ellen) n’avait seulement pas « ce qu’il fallait » pour gravir les échelons. Le client avait récemment eu l’opportunité de remplacer Ellen par quelqu’un qui avait de meilleures chances de succès et d’accéder à un niveau supérieur. Le client n’avait aucun mauvais ressentiment envers Ellen et il était prêt à lui payer un délai de congé plus que raisonnable. Le client m’a demandé des conseils sur ce qui devrait être offert à Ellen, et sur la façon dont devrait être organisé son départ. De leur point de vue, l’au revoir était très bien géré.

Ce que mon client ne réalisait pas, c’est qu’au Québec, les employés sous réglementation provinciale ayant cumulé deux années ou plus de services continus (et qui rencontrent les autres conditions de la Loi sur les normes du travail), n’ont pas seulement droit au délai de congé (ou à l’indemnité compensatoire) avant le congédiement, ils peuvent également avoir droit au travail comme tel. La loi prévoit que les employés rencontrant certains critères et qui sont d’avis que leur emploi a été terminé sans cause juste et suffisante peuvent déposer une plainte auprès de la Commission des normes du travail. Normalement, la Commission représente gratuitement l’employé devant la Commission des relations du travail – un tribunal qui peut ultimement ordonner que l’employé soit réintégré dans ses fonctions (quoique cela est plutôt rare avec les plus petites entreprises). En tous les cas, perdre devant la Commission des relations de travail donnera généralement droit à un employé à sa perte de salaire encourue depuis la date de sa terminaison d’emploi jusqu’à la date de la décision (souvent plus d’un an), et si la réintégration n’est pas ordonnée, le paiement d’un montant pour compenser la perte d’emploi futur. Les montants s’additionnent.

Malheureusement pour mon nouveau client, ne pas « avoir ce que ça prend » pour gravir les échelons ne constitue généralement pas une « cause juste et suffisante » en vertu de nos lois. La performance d’un employé, sa conduite ou des raisons économiques peuvent constituer des causes justes et suffisantes, mais elles doivent être documentées. Alors que mon client savait depuis quelques années qu’il allait éventuellement devoir laisser aller Ellen, aucune évaluation substantive de son travail n’avait été faite et Ellen avait reçu des augmentations salariales automatiques à chaque année de son emploi. En résumé, il n’y avait aucune paperasse, aucune gestion de la performance et mon client n’avait pratiquement pas de dossier pour une « cause juste et suffisante » de congédiement.

Les avocats sont payés pour trouver des solutions et ce dossier n’était pas différent. Il était important d’éviter un litige non nécessaire. Nous avons négocié une entente avec Ellen selon laquelle elle recevrait un délai de congé très raisonnable, la compagnie a engagé un chasseur de tête pour elle et elle a été transférée auprès d’un nouvel employeur qui appréciait ses champs de compétences spécifiques. En fin de compte, tout le monde était content et les frais juridiques déboursés étaient minimes. La morale de l’histoire? Les "au revoir" font partie de la vie. C’est payant de se préparer et de les planifier lorsque possible.


Sur l'auteur
Gabriel Granatstein est avocat en droit du travail et de l'emploi chez Norton Rose à Montréal.
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