Cinéma

Séance ciné : faut-il aller voir L’oubli ?

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Céline Gobert

2013-04-19 14:00:00

Tom Cruise + le réalisateur de Tron + l’apocalypse + des aliens = du grand spectacle SF de qualité ? Critique.

Oblivion ressemble à Tron : Legacy, sorti sur les écrans québécois en décembre 2010 et signé également par Joseph Kosinski. Il y a ce même parfum de SF rebelle, un même arrière fond de solitude, une même volonté de muer l’ensemble en space opéra électro-philosophique.

Dans Tron:Legacy, on avait tendance à taper du pied au rythme de la bande originale des Daft Punk plutôt que de suivre l'intrigue en place. Même chose chez Oblivion, les formidables morceaux de M83 emplissent l’écran, font naître des instants magiques là où il n’y a finalement rien de nouveau sous le soleil.

Soit, au départ, un réparateur de drones-sentinelles sur une Terre ravagée, radioactive, perdue. Un homme seul (incarné par Tom Cruise), guidé par une femme rousse (excellente Andrea Riseborough, vue dans Shadow Dancer), et la promesse d’un refuge sur une autre planète. Kosinski, qui adapte ici son propre roman graphique co-créé avec Arvid Nelson, fait preuve, les premières minutes, d’un minimalisme scénaristique qui rappelle le Moon de Duncan Jones : les décors uniques faits de verre et de blancs immaculés, les secondes qui s’égrènent dans un espace-temps mélancolique, une figure masculine laissée pour compte, abandonnée à elle-même, dérivant dans un ciel vide, fantasmant sur un avenir meilleur (ici, une petite maison paisible, de la verdure et un lac).

Oblivion commence donc comme un objet hybride, l’épuration du récit se mêle aux vrombissements des machines, les silences des pièces vides aux tiraillements intérieurs du personnage principal. L’ouverture demeure, de loin, le passage le plus intéressant du film : Kosinski y donne à contempler une apocalypse en lumière, un monde trop ordonné, atrophié, vidé de toute humanité. Un prologue radieux, qui se refuse en finesse à l’esprit déconne des blockbusters, et sur lequel planent des maux plus obscurs : la guerre passée, les aliens cachés, les souvenirs arrachés.

Patatras

Lorsque Kosinski emprunte un virage à 180° au milieu du film (virage qui par ailleurs a du mal à nous surprendre), Oblivion cesse d’intriguer et de bluffer, et se met à servir du réchauffé. Exit l’anticipation froide et désespérée, place à l’action, aux bons sentiments, et aux ressorts scénaristiques habituels.

La déception surgit avec l’entrée en jeu d’Olga Kurylenko (à retrouver bientôt dans le formidable A la merveille), incarnant une sorte de femme-poupée quasi mutique, reléguée à un rôle de faire valoir. Oblivion manque de forme et de force dans l’esquisse de ses portraits féminins : la première femme représente grossièrement l’intellect, la seconde le physique. Kosinski prive invariablement le dit bras droit-cerveau de tout désir de rébellion et fait de la femme qui pense, une femme que l’on ne désire pas.

A l’inverse, il réduit tout du long Kurylenko à un physique : souvenir-fantôme, corps attractif, épouse-matrice. Comme dans Tron : Legacy, toujours, où les geeks fantasmaient sur l’image d’une femme parfaite.

A l’écran, les possibles du triangle amoureux sont vite balayés par des rebondissements qui lorgnent chez les Wachowski, réalisateurs de Matrix, (Freeman en clone Fishburne) sans jamais égaler la puissance latente (et révolutionnaire) de la filmographie du duo. Pas de surprise : Oblivion- in fine très artificiel- est bien un blockbuster comme les autres. Pas transgressif pour un sou, armé d’un happy end éminemment ridicule et balourd, qui se fait trop vite hara-kiri en retournant sagement sur des chemins communs, balisés, ordinaires.
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