Jurisprudence

Défaite punitive pour Revenu Québec

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Emeline Magnier

2013-11-13 13:15:00

En raison de sa conduite téméraire et de sa malveillance dans la gestion d'un dossier, l'Agence du revenu a été condamnée à payer quatre millions de dollars, dont deux en dommages et intérêts punitifs…

Me Yacine Agnaou, du cabinet Dupuis Paquin.
Me Yacine Agnaou, du cabinet Dupuis Paquin.
«Travail malveillant et intentionnel», «acharnement administratif», «abus de pouvoir» et «incurie grave»: le juge de la Cour supérieure Steven Reimnitz n'a pas manqué de qualificatifs pour décrire la façon dont Revenu Québec a conduit le dossier du Groupe Enico Inc., PME spécialisée dans l'automatisation, et de son fondateur Jean-Yves Archambault.

Dans un jugement long de plus de 200 pages rendu le 23 octobre, le juge décrit la longue descente aux enfers de cette entreprise alors qu'elle faisait l'objet d'un contrôle fiscal en 2006.

Si 80 000 dollars était dus à l'Agence du Revenu du fait d'erreurs survenues à la suite du changement du système comptable, c'est une somme totale de 1,8 million de dollars qui sera cotisée.

Retenues des crédits d'impôts, saisies des comptes de la compagnie, un enchaînement de mesures ont été prises pour exécuter l'avis de cotisation. Ces mesures ont rapidement mis la société dans une situation de défaut de paiements, entraînant sa cessation d'activité à la fin 2010.

«Revenu Québec a poussé l'entreprise à la faillite. L'Agence savait qu'elle attentait à la vie de l'entreprise mais elle a continué», a déclaré Me Yacine Agnaou, du cabinet Dupuis Paquin, qui a représenté l'entreprise.

Agonie fiscale et combat judiciaire

Après cinq ans de procédures, la Cour supérieure a condamné le fisc pour plus de quatre millions de dollars, dont deux millions en dommages et intérêts punitifs.

«Ce jugement rend justice aux milliers de contribuables qui ont été traités injustement par Revenu Québec», estime Me Agnaou.

Il indique que tout au long du dossier, Revenu Québec a démontré une volonté de ne pas reconnaître les évidences et a tenu les demandeurs dans une véritable noirceur informationnelle.

«Il faut s'interroger sur le degré d'intégrité que doit avoir une administration publique dans le cadre d'un litige avec un citoyen», dit-il.

Accès à la justice

Pour l'avocat, cette affaire met aussi en évidence une autre trame de fond: celle de l'accès à la justice, alors que ses clients étaient dans une situation d'impécuniosité notoire.

«Trois autres avocats nous ont précédés dans ce dossier, pour lequel nous avons travaillé sans être payés en prenant une entente avec le client sur la base d'un pourcentage». Au total, 700 000 dollars d'honoraires seraient dus à la firme.

Pour garantir sa créance, le cabinet Dupuis Paquin a signé avec ses clients un contrat de cession de créance, un mécanisme pensé par la firme pour permettre aux justiciables de bénéficier des services d'un avocat alors qu'ils ne peuvent en payer les honoraires.

Ce contrat, attaqué par Revenu Québec au cours des procédures, a été invalidé par la Cour supérieure, dont la décision a été confirmée par la Cour d'appel. Une demande d'autorisation est actuellement pendante devant la Cour suprême.

Il s’agit du deuxième jugement en quelques semaines qui épingle l’Agence du Revenu quant à ses méthodes de recouvrement et ses techniques de vérification.

À la suite de contrôles fiscales, l’Agence du Revenu avait saisi les biens de GPBR, une entreprise spécialisée en pose de gypse et en tirage de joints, qu’elle soupçonnait d’être impliquée dans un stratagème de fausse facturation.

La compagnie, qui avait fait affaire sans le savoir avec un sous-traitant frauduleux, s’est vue par la suite exonérer de toute faute.

Pour lire le jugement, Groupe Enico Inc et Jean-Yves Archambault c. Revenu Québec, cliquez ici.
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