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Mon avocat bientôt chez Walmart!

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Emeline Magnier

2014-12-08 15:00:00

En magasinant pour les fêtes, vous risquez peut-être de tomber nez à nez avec un confrère qui ne sera pas en train de choisir des cadeaux mais d’offrir des services juridiques à un client...

Me Mark Morris, avocat-fondateur de Axess Law
Me Mark Morris, avocat-fondateur de Axess Law
Inscrire sur la liste d'épicerie « consulter un avocat » entre les céréales et les fruits pour la semaine, les clients du Walmart à Markham, près de Toronto, y sont déjà habitués. Depuis plusieurs mois, le cabinet Axess Law propose ses services dans les locaux de la grande surface nord américaine qui se targue de toujours vouloir faire économiser plus sa clientèle.

99 dollars pour un testament, 1288 dollars pour la conclusion d'une transaction immobilière tous frais inclus : les honoraires affichés par les avocats répondent à la politique de bas prix de l'enseigne. Et le succès semble être au rendez-vous : le cabinet est en pleine expansion et s'implantera dans sept autres Walmart au cours des six prochains mois, rapporte The Globe and mail.

Québec dans la ligne de mire ?

Me Nicolas Plourde, associé chez Sarrazin+Plourde.
Me Nicolas Plourde, associé chez Sarrazin+Plourde.
Pour Mark Morris, l'avocat fondateur de Axess Law, la conquête de l'Alberta et de la Colombie Britannique n'est qu'une question de temps. La province de Québec pourrait-elle se trouver sur le plan de croissance de ce cabinet d'avocats ?

« C'est quelque chose que j'anticipais et qui se rapproche de nous; il faut s'attendre à ce que cette pratique s'installe prochainement au Québec », indique Me Nicolas Plourde, associé chez Sarrazin+Plourde.

Selon lui, ce phénomène est intimement lié aux mutations que vit actuellement le marché des services juridiques. « Les gens ne sont plus capables de payer des taux horaires très élevés, ce qui engendre le développement de nouveaux modèles d'affaires », souligne l'ancien bâtonnier du Québec.

« Si les services offerts le sont en respect des lois et des règlements applicables aux avocats, il n'y a aucun obstacle déontologique de prime abord pour ce type de pratique », considère Me Anthony Battah, qui exerce en droit professionnel.

Comme l'ensemble des membres du Barreau, ces avocats seraient assujettis aux pouvoirs d'enquête de l'Ordre et devraient agir en toute indépendance, ce qui impliquerait notamment que seul un bail commercial les lie à Walmart.

« Il faudrait aussi s'assurer que les clients soient reçus dans un espace fermé qui garantit la confidentialité ; ils ne peuvent être rencontrés au comptoir devant tout le monde », ajoute Me Plourde.

Pour une meilleure accessibilité

Pour Me Claude Provencher, l'endroit où la profession est exercée importe peu tant que la compétence est au rendez-vous.
Pour Me Claude Provencher, l'endroit où la profession est exercée importe peu tant que la compétence est au rendez-vous.
Pour Me Claude Provencher, l'endroit où la profession est exercée importe peu tant que la compétence est au rendez-vous. « Certains avocats pratiquent chez eux, dans un grand bureau ou sont même mobiles. Au final, seule la qualité des services compte », considère le directeur régional au Ministère de la Justice du Canada.

Ce type de pratique présenterait aussi certains avantages en matière d'accessibilité à la justice. « L'avocat est disponible dans le milieu de vie des justiciables, ce qui leur permet une plus grande proximité avec les professionnels », indique Me Plourde.

Toutefois, il considère que tous les services juridiques ne pourront pas être offerts au sein de la grande surface. « Il serait étonnant que ces avocats prennent en charge des dossiers complexes. La prestation sera plus de l'ordre de la commodité sans valeur ajoutée importante, comme des contrats-types avec quelques modifications », dit-il.

Un propos que partage Me Battah qui évoque une pratique de « niche » avec des prestations simples et répétées dans des causes peu ou pas contestées.

Service juridique et commercialité

Me Anthony Battah exerce en droit professionnel.
Me Anthony Battah exerce en droit professionnel.
Grâce à l'achalandage de l'enseigne commerciale, le volume de dossiers traités sera plus important ce qui permettra de faire baisser les prix. « C'est un principe de base en affaires, et ça s'applique aussi à l'activité juridique », souligne-t-il.

S'il considère que les services juridiques ne peuvent être considérés comme un produit de consommation, il indique toutefois que la position du Barreau du Québec évolue quant à la qualification de la prestation de ses membres.

L'article 3.08.03 du Code de déontologie dispose : « L'avocat doit éviter toutes les méthodes et attitudes susceptibles de donner à sa profession un caractère de lucre et de commercialité.» Or, dans le nouveau code de déontologie qui entrera prochainement en vigueur, cette disposition, reprise à l'article 7, a été modifiée et la notion de commercialité a été effacée. « Il y a une tendance vers l'ouverture », note Me Battah.

Le fait que des avocats établissent leur bureau chez Walmart ne pourrait-il pas nuire à l'image de la profession ? « Il faut évoluer, lance Me Provencher. Il y a des bien-pensants qui considéreront que c'est néfaste pour l'image du Barreau, ce à quoi les justiciables pourraient répondre que c'est positif en terme d'accès à la justice. Ce n'est pas un droit de second ordre, ça reste du droit pratiqué par des avocats.»
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