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«Donner sans compter les premières années»

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Dominique Tardif

2014-12-17 14:15:00

Cette semaine, Me Dominque Tardif, de ZSA, s’entretient avec Me Josée Kouri, directrice principale affaires juridiques de Dollarama et lauréate du prix conseiller juridique d’avenir...

1. Pourquoi avez-vous, à l’origine, décidé d’être avocate plutôt que de choisir un autre métier ? Était-ce de famille, un choix évident ou le fruit de longues réflexions ?

J’ai commencé par éliminer le droit des choix disponibles ! Dans mon entourage, on me disait que je n’avais pas vraiment le profil de l’emploi. Ma mère travaillait dans une banque et collaborait avec des avocats de litige en cabinet : elle en concluait que sa fille, de nature plus réservée et introvertie, n’avait pas la même personnalité qu’eux.À ma sortie du Cégep, j’ai donc commencé un baccalauréat en orthopédagogie. Parallèlement, j’enseignais les mathématiques au secondaire. Or, concluant que ni l’enseignement ni l’orthopédagogie n’étaient ce que je voulais faire pour les quarante prochaines années de ma vie, je n’ai pas complété mon baccalauréat.

J’ai alors opté pour un autre baccalauréat, cette fois en études internationales : je passais ainsi de quelque chose de très concret à quelque chose de bien différent. C’est dans ce cadre que j’ai découvert le droit : je me suis aperçue que cela correspondait très bien à ma façon de voir les choses, à savoir avec rigueur, logique, esprit d’analyse et raisonnement. Une fois ce baccalauréat complété, je me suis donc inscrite en droit !

2. Quel est le plus grand défi professionnel auquel vous avez fait face au cours de votre carrière ?

Me Josée Kouri, directrice principale affaires juridiques de Dollarama et lauréate du prix conseiller juridique d’avenir
Me Josée Kouri, directrice principale affaires juridiques de Dollarama et lauréate du prix conseiller juridique d’avenir
Mon plus grand défi, je suis en train de le relever, à titre de seule avocate interne d’une société publique d’importance ! Ce sont des responsabilités énormes et cela constitue un défi de tous les jours. D’un rôle de secrétaire corporatif adjoint au départ, mon poste et ses responsabilités se sont beaucoup élargis depuis : je suis désormais la responsable des affaires juridiques à l’interne, ce qui signifie faire beaucoup avec peu. Nous sommes une toute petite équipe qui essaie d’accomplir de grandes choses, ce qui oblige à beaucoup de créativité et de débrouillardise. La hiérarchie, peu présente, rend d’ailleurs la prise de décision facile et les virages, plus rapides à amorcer. Sur ce plan, la compagnie est ‘très agile’.

3. Si vous aviez une baguette magique, que changeriez-vous à la pratique du droit ?

Si je le pouvais, je ferais disparaître le concept d’heures facturables ! Je l’ai vécu en cabinet, et je ne suis pas certaine que cette méthode d’évaluation soit une bonne mesure de l’évaluation de la créativité et de l’efficacité des avocats. Travaillant toujours étroitement avec des cabinets, je demeure d’avis que les heures facturables ne constituent pas la meilleure façon de facturer les services juridiques. L’avenir est aux cabinets qui sauront innover. Il faut garder à l’esprit que les entreprises veulent avoir le sentiment de retirer une réelle valeur pour les services obtenus.

4. La perception du public envers la profession et les avocats en général est-elle plus positive, égale ou moins positive qu’elle ne l’était lors de vos débuts en pratique ? Et pourquoi ?

Depuis mes débuts il y a dix ans, peu de changements de perception sont à mon avis survenus. Les gens ont longtemps associé la pratique du droit à celle du litige. Les Prix ZSA des conseillers juridiques du Québec sont un exemple du fait qu’on reconnaît aujourd’hui aux avocats un rôle qui est bien différent d’antan. Je suis heureuse de voir que la profession valorise ce rôle, en insistant non tant sur la résolution de conflits que la recherche de solutions ou d’éléments pouvant permettre de bonifier cette solution. Ça ne peut, à mon sens, qu’être profitable à la perception du public. Cela dit, les perceptions sont évidemment ancrées dans les mémoires, et changer les choses nécessite du temps!

5. Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un débutant sa carrière ? Comment réussit-on, si tôt, pour être aux commandes d’une compagnie publique comme chef des affaires juridiques ?

Il y a certainement un peu de chance dans tout cela : il faut être au bon endroit au bon moment ! Hormis cela, je crois qu’il faut aussi se donner sans compter pendant ses premières années de pratique. La courbe d’apprentissage est importante, même après plusieurs années d’université. Je ne suis pas certaine que la conciliation travail-famille doit être un objectif pendant les premières années de pratique, même si cela peut certainement le devenir à long terme. Pourquoi ? Parce que ça ne me paraît pas très réaliste. Il faut voir à long terme et accepter que de trop compter ne serait pas se rendre service pour la suite des choses.

Je suis beaucoup plus près d’un équilibre aujourd’hui que je ne l’étais au tout début. Il a cependant fallu, pendant mes premières années, m’entourer de gens qui me disaient de ne pas lâcher ! Il faut savoir passer à travers cette période, pour ensuite avoir amassé suffisamment de connaissances pour accéder à des postes plus intéressants. Personne n’est jamais trop préparé !

En vrac…

Le dernier bon livre qu’elle a lu – Le Chardonneret (auteur : Donna Tartt )

Le dernier bon film qu’elle a vu – The Grand Budapest Hotel (réalisateur : Wes Andreson)

Son expression ou diction préféré – ‘Reach for the stars’, comme lui disait son grand-père!

Son péché mignon – Acheter des livres, toujours et encore plus!

Ses restaurants préférés – Impasto (Rue Dante, dans la petite Italie) et Alep ( Marché Jean-Talon)

Le pays qu’elle aimerait visiter – le Liban, le pays de ses ancêtres.

Le personnage historique qu’elle admire le plus – Nelson Mandela. C’est quelqu’un qu’elle admire pour son leadership très fort. Il était très déterminé et faisait en même temps preuve de beaucoup d’humilité. Il respectait l’opinion des autres et était très sage. Il fallait quelqu’un comme lui pour aider le pays à se réconcilier avec ‘ses démons’.

Si elle n’était pas avocate, elle serait…possiblement professeure, parce qu’elle aime l’idée de transmettre la connaissance, d’expliquer et de vulgariser les choses.

Me Josée Kouri est directrice principale, affaires juridiques et secrétaire corporatif adjoint de Dollarama, une société inscrite à la cote de la Bourse de Toronto et qui exploite plus de 900 magasins à l’échelle du Canada. Elle s’est joint à Dollarama en 2011 et a mis sur pied et organisé le département des affaires juridiques de l’entreprise. Elle travaille de très près avec la haute direction et conseille ses membres sur divers dossiers touchant notamment au financement, aux valeurs mobilières, à la régie d’entreprise, à la responsabilité du fait des produits, à la propriété intellectuelle et aux technologies de l’information.

Me Kouri agit également à titre de conseillère juridique pour tous les projets importants de l’entreprise et, à titre d’exemple, a joué un rôle de premier plan lors de la conclusion d’une entente commerciale entre Dollarama et une chaîne de magasins à un dollar d’Amérique centrale. Avant de se joindre à Dollarama, elle a œuvré pendant six ans au sein du groupe de pratique du droit des sociétés d’un grand cabinet canadien. Sa pratique portait essentiellement sur les valeurs mobilières et le financement des sociétés.

Me Kouri est membre du barreau du Québec depuis 2006. En novembre 2014, elle s’est vu octroyer le prix « Conseiller juridique d’avenir » lors de la 6e édition des Prix ZSA des conseillers juridiques du Québec.
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