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Une indemnité de départ contraire au Code civil

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François Leduc

2015-02-04 11:15:00

L’indemnité de départ d’un demi-million de dollars accordée au président d’Hydro-Québec serait, selon cet avocat spécialisé en droit du travail, totalement injustifiée s’agissant d’une démission….

Me François Leduc est spécialisé en droit du travail
Me François Leduc est spécialisé en droit du travail
Après l’indemnité de départ de plus d’un million de dollars accordée à Gaétan Barrette à la suite de sa démission de la Fédération des médecins spécialistes, après les cadres supérieurs de l’Université du Québec qui s’attribuent une indemnité de départ supplémentaire d’une année en plus de leur retraite, voilà le tour de Thierry Vandal d’empocher une indemnité de départ de près d’un demi-million de dollars.

Les tribunaux ont, à maintes reprises depuis plus de 20 ans, consacré le droit des employés de recevoir une indemnité de départ raisonnable en cas de fin d’emploi, en prenant appui sur l’article 2091 du Code civil du Québec, mais non lors d’une démission, au contraire.

Cette obligation de l’employeur a pour réciproque l’obligation pour l’employé de donner un préavis raisonnable en cas de démission, et non de recevoir une indemnité pour démission. La jurisprudence énonce même que toute clause de non-concurrence s’applique contre les employés démissionnaires, laquelle est souvent assortie de fortes pénalités.

Un tel paiement contre nature vicie le sens même du droit à l’indemnité de départ en cas de congédiement et banalise ce droit tellement essentiel pour les personnes congédiées injustement ou victimes d’une restructuration économique. À titre d’illustration, rappelons-nous que tout employé qui démissionne volontairement de son emploi est privé automatiquement de prestations d’assurance-chômage.

Alors, comment imaginer que le haut dirigeant de la plus importante entreprise publique du Québec puisse obtenir, deux ans avant la fin de son mandat — lequel a été renouvelé en catastrophe par le premier ministre Charest avant le déclenchement des élections de 2012, par crainte d’un limogeage par le gouvernement qui suivrait — une indemnité de départ ? Alors que M. Vandal prend l’initiative de démissionner.

Un système parasitaire

Comment se fait-il que, à l’heure du redressement budgétaire et de la rigueur, le président du Conseil du trésor, Martin Coiteux, ne mette pas la hache dans ce système parasitaire d’indemnités de départ déraisonnables ? Comment se fait-il qu’il ne suspende pas le versement de ce cadeau empoisonné ? Comment ce gouvernement déjà aux abois peut-il gagner en crédibilité auprès des employés syndiqués et non syndiqués devant de tels abus injustifiables en droit ?

Gaétan Barrette a reçu plus d'un million de dollars à la suite de sa démission de la Fédération des médecins spécialistes
Gaétan Barrette a reçu plus d'un million de dollars à la suite de sa démission de la Fédération des médecins spécialistes
La réponse est fort simple : parce que les hauts dirigeants de ces entreprises publiques se ménagent entre eux des privilèges hors du commun et qu’ils se négocient librement et de gré à gré des parachutes dorés pour mieux piller les ressources financières de l’État ; nos impôts, malgré le discours officiel sur l’austérité.

Y a-t-il un seul dirigeant d’entreprise au Québec qui verse des indemnités de départ à ses cadres ou à ses employés lorsque ceux-ci démissionnent en cours de mandat ? Y a-t-il une seule entreprise au Québec qui, pour remercier son cadre de l’avoir laissé tomber avant la fin du contrat de travail, lui octroie 500 000 dollars pour lui faire concurrence ou relever de nouveaux défis ?

Un tel paiement ne fait que dévaloriser la fonction des hauts dirigeants des entreprises publiques, car comment pouvait-il être si indispensable et si efficace à la tête d’Hydro-Québec si, au moment même ou à cause de sa décision personnelle de démissionner, il faut en plus le payer et payer celui qui va le remplacer ? Il suffit de réfléchir un instant à ce dédoublement pour en mesurer toute l’absurdité et tout le mépris envers les contribuables.

Le gouvernement Couillard montre encore une fois son incompétence et sa duplicité alors qu’il applique deux poids, deux mesures aux privilégiés du système. Une indemnité de départ vise à favoriser l’obtention d’un nouvel emploi ; pas à garder le beurre et l’argent du beurre.

Toute personne raisonnable qui démissionne de son emploi le fait en prévision d’un nouvel emploi ou parce qu’elle est sur le point d’être embauchée chez un nouvel employeur. Une telle démission est planifiée et repose sur l’existence d’une option de rechange. Personne parmi les hauts dirigeants d’entreprise ne démissionne sans cette sécurité certaine. Il sera intéressant d’observer là où va atterrir M. Vandal.

C’est un message totalement contre-productif envoyé par le premier ministre Couillard et le Conseil du trésor, à l’aube des grandes négociations dans le secteur public. Le gouvernement libéral doit agir sans délai et mettre en demeure Hydro-Québec de suspendre tout paiement. Ce serait lancer un fort signal de cohérence et de fermeté, alors que les contribuables doivent acquitter des hausses tarifaires importantes et consentir à des sacrifices difficiles.

Me François Leduc pratique en droit du travail et de l'emploi à Québec et représente les employés cadres (cadre intermédiaire, directeur, cadre supérieur) et non-cadres (journalier, préposé, technicien, employé de bureau, représentant, professionnel).
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9 commentaires

  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a 9 ans
    Peut être
    Peut être qu'il ne s'agit pas d'une démission.....

    • blablabla
      blablabla
      il y a 9 ans
      on les aime gras au Québec
      casse pas ton bicycle! on ne le saura jamais! Ils ont la bouche pleine de mots pour étourdir le peuple! Continu à travailler, il y en a d'autres qui attendent que le bas de laine se remplisse afin de nous mâcher leur gomme dans le micro!

  2. Stéphane Lacoste
    Stéphane Lacoste
    il y a 9 ans
    Complètement faux.
    Le Code civil du Québec n'empêche pas le paiement d'une indemnité de départ dans le cas d'une démission. Il ne l'impose tout simplement pas. Tout dépends du contrat de travail ou, possiblement, d'une autre loi.

    Il ne s'agit alors pas d'une indemnité de préavis, laquelle n'est bien entendu par due lors d'une démission qui ne serait pas un congédiement déguisé, mais plutôt d'une véritable indemnité de départ (ce qu'en anglais on appelle "severance pay") qui n'est en fait qu'une forme de salaire différé. Ce sont des concepts connus en droit du travail et de l'emploi.

    Est-il approprié pour tel ou tel employeur de d'accorder de telles indemnités? Tout dépend des cas. On reporte à plus tard le paiement. On encourage la rétention d'employés. On aide les employés dans leur transition. Je suis plutôt d'opinion que tous les employeurs devraient avoir de tels programmes pour tous les employés -- indépendamment de possibles indemnités de préavis.

  3. Anonyme
    Anonyme
    il y a 9 ans
    Voyons donc
    Et la liberté contractuelle, c'est contre le droit civil aussi?

  4. Anonyme
    Anonyme
    il y a 9 ans
    Gouvernement Couillard??
    Je ne suis pas en droit du travail mais je me demande ce que vient faire un gouvernement élu l'an dernier dans tout ceci.

    Il me semble que Martin Coiteux n'a pas été engagé lorsque le gouvernement Couillard était au gouvernement. Aussi, il me semble - à moins que je me trompe - que nous parlions ici de "parachutes dorés", pratique créée et généralisée il y a plus de 20 ans chez les grands patrons d'entreprises privées américaines puis généralisées peu à peu aux entreprises publiques du monde entier afin d'attirer les meilleurs gestionnaires. Il y a peut-être des dérapages mais il me semble que de cibler le gouvernement actuel pour la situation c'est franchement fort. Encore une fois je ne suis pas expert dans le domaine, mais j'attends impatiemment une explication si on veut bien la donner.

  5. Marc L.
    Marc L.
    il y a 9 ans
    avocat
    You don't get what you deserve; you get what you negotiate...;)

  6. Anonyme
    Anonyme
    il y a 9 ans
    Hydro
    Would this be the same Hydro Quebec that has a monopoly, and applies for, and gets, regular rate increases, for their needs?
    If so, we may pay for this severance by our electricity bills, not our taxes. Either way, we consumers and taxpayers lose, the rich guy wins.
    Plus ca change....

  7. Anonyme
    Anonyme
    il y a 9 ans
    Faudrait enquêter dans d'autres organisnes pubilques
    Vous vous questionnez sur la prime de départ de m. Vandal. Des enquêtes devraient être faites dans des organismes publiques. Des primes de départ equivalant a plus d'une annee de salaire a des fonctionnaires alors qu'ils ont un fond de pension indexé.

  8. Jonathan
    Jonathan
    il y a 9 ans
    Allons...
    Tout ça est très con puisque de toute façon cette indemnité aurait pu être stipulée au contrat de travail. prochain appel.

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