La chronique de l’ABC Québec

Échanges avec l’ex-juge CSC Louis LeBel

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Stéphanie Parent

2015-09-29 15:00:00

L’ancien juge de la plus haute cour du pays revient sur certaines questions relatives au droit pénal, droit du travail, et droit constitutionnel. Quand un ancien sage s’exprime...

Me Stéphane Lacoste
Me Stéphane Lacoste
Le juge Louis LeBel s’est retiré de la Cour suprême du Canada en novembre 2014 après une carrière juridique de plus de 50 ans.. Il pratique désormais comme avocat-conseil au sein du cabinet Langlois Kronström Desjardins.

L’ABC-Québec présente un colloque hommage en son honneur le 29 octobre prochain. Pour l’occasion, Me Stéphane Lacoste, l’un des organisateurs de l’événement, s’est entretenu avec l’ancien juge sur ses années à la Cour suprême. Voici des extraits de cette rencontre entre deux juristes passionnés.

Me Stéphane Lacoste : En droit pénal, vous avez joué un rôle déterminant dans l’élaboration des principes de proportionnalité et d’individualisation de la sentence. Depuis quelques années, il y a une intervention législative pour imposer des peines plus lourdes. Est-ce que vous croyez que ces principes continuent d’être respectés ?

L’honorable Louis LeBel : Ce sont les tribunaux qui auront à décider si ces principes de proportionnalité sont respectés. Mais c’est clair que je vois des problèmes potentiels là-dedans, car ça ne respecte pas certains principes d’individualisation de la peine. Je pense à l’application du droit criminel lorsqu’on détermine la peine. On regarde évidemment le crime, mais on regarde aussi l’individu. La tradition juridique en matière de détermination de la peine est qu’il faut analyser la situation, non seulement dans la perspective du crime, mais dans la perspective de la personne qui l’a commis.

Certains vous diront « Qu’en est-il des victimes ? »

Le droit criminel a une fonction de dissuasion et de punition dans laquelle on tient compte de l’impact du crime. Mais que veut dire l’appel à la protection des victimes dans ce contexte ? Est-ce que ça signifie que l’on doit mettre de côté la considération de ce qu’est la personne qui a commis le crime ? Quand on établit un rapport de proportionnalité, on regarde le crime et ce qui est arrivé à la victime. Et on évalue évidemment si certains objectifs de dissuasion seront respectés.

C’est donc un travail compliqué, mais au cas par cas...

La détermination de la peine reste fondamentalement au cas par cas. Des tentatives ont été faites au Canada pour essayer d’établir des grilles pour déterminer les sanctions. On n’y est pas parvenu.

Passons au droit du travail. Comment voyez-vous l’avenir des relations de travail ?

Le juge Louis LeBel s’est retiré de la Cour suprême du Canada en novembre 2014 après une carrière juridique de plus de 50 ans
Le juge Louis LeBel s’est retiré de la Cour suprême du Canada en novembre 2014 après une carrière juridique de plus de 50 ans
Mon point de vue est plus distant que lorsque j’étais praticien, mais je crois constater un affaiblissement marqué du syndicalisme. Les rapports m’apparaissent plus conflictuels qu’avant. Il y a également des questionnements, en particulier du point de vue économique, sur la légitimité même du syndicalisme.

Nos lois et la Charte acceptent la légitimité du syndicalisme. La globalisation de l’économie de même que l’intensification des rapports économiques et de la concurrence entre les différents pays ont un impact sur les conditions de travail et la perception du rôle des syndicats.

Du côté du droit constitutionnel, la Cour suprême a eu depuis sa création des approches plus ou moins centralisatrices. Depuis quelques années, elle a développé une approche de fédéralisme coopératif et a donc remis en cause des décisions antérieures. Y a-t-il un problème à ce que la Cour suprême change son approche dans l’interprétation de la constitution ?

Ça soulève tout le problème de ce qu’on appelle en common law le stare decisis, la question de savoir si le droit est fixé de façon immuable. Je pense que dans le Commonwealth, en règle générale, depuis ce qu’on a appelé le statement of practice à la Chambre des Lords, on a abandonné une conception rigide du stare decisis. Ça demeure une valeur importante et ça n’empêche pas les cours de réévaluer les solutions adoptées. À mon sens, le droit ne peut être totalement rigide et doit, jusqu’à un certain point, accompagner l’évolution des sociétés. Évidemment, il faut de bonnes raisons pour mettre de côté un précédent.

D’un côté plus personnel, vous avez mentionné avoir subi un choc culturel lorsque vous êtes devenu membre de la Cour suprême. Quel était ce choc ?

Il y a eu le choc culturel de découvrir que j’étais désormais membre d’un tribunal de dernière instance, qui avait la responsabilité ultime de régler certains dossiers et de déterminer des orientations du système juridique. De prendre conscience que nous ne pouvions nous fier qu’à nous-mêmes. Nous ne pouvions pas, en rendant une décision, penser : « Bon, la Cour d’appel pourra le regarder encore ou la Cour suprême pourrait y penser. »

Vous êtes retourné à la pratique du droit chez Langlois Kronström Desjardins. Comment voyez-vous l’avenir de votre carrière ?

J’ai conçu cette carrière non pas comme une véritable troisième carrière, mais simplement comme l’exercice d’une fonction de conseil et de consultant. Mon expérience de procureur et de juge fait partie de ce que je suis, de ma culture personnelle et juridique.

Pour lire l’entrevue complète, cliquez ici.

Inscrivez-vous au Colloque hommage à l’honorable Louis LeBel, en cliquant ici.
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