Apprendre à contrôler sa colère

Amélie est une jeune avocate qui pratique le droit commercial au sein du contentieux d’une entreprise montréalaise.

Sophie Audet, coach d’affaires, l'assiste dans le développement de son leadership et répond aux questions qu’elle se pose quand elle est mise en difficulté dans le cadre de situations professionnelles.

A: Coach
De: Amélie
Sujet: Je bouille
Date: 15 octobre – 10: 33

Salut Coach,

J’espère que tu vas bien.De mon côté, cela va moyen. J’ai eu hier mon premier accrochage dans le cadre de mon nouveau boulot. Pour te mettre dans le contexte, j’adore les gens avec qui je travaille, la nature de mes tâches ainsi que les activités de l’entreprise.

Il y a seulement une personne avec qui la chimie ne passe pas du tout : notre directrice des finances. Elle est continuellement sur la défensive et complètement obnubilée par les détails, même les plus futiles. Pour te donner une idée, elle crie de joie à la moindre coquille trouvée pendant nos réunions.

Elle s’est même octroyée elle–même le surnom d’œil de lynx » (complètement insupportable). C’est un type de personnalité avec qui j’ai énormément de difficulté à travailler. Je ne lui fais pas confiance et j’ai l’impression qu’aucune collaboration n’est possible dans un tel climat.

Nous avons eu une rencontre hier où sa réaction m’a vraiment mise en colère. Je travaille depuis mon arrivée sur une transaction importante dans laquelle nous sous-traitons une partie de notre technologie. Comme les enjeux d’affaires, technologiques et juridiques sont complexes, nous avons formé une équipe de négociations, à laquelle nous sommes toutes les deux parties.

J’avais préparé en vue de la rencontre une première ébauche de contrat avec des commentaires préliminaires visant à diriger l’attention de mes collègues sur les enjeux importants méritant discussion et clarification. J’y ai travaillé très fort et j’en étais très fière. Il était évidemment qu’il s’agissait d’un document interne de travail.

Or, qu’elle ne fut pas ma surprise de l’entendre débuter la rencontre en faisant état « du brouillon plein de coquilles », et énumérer les erreurs typographiques qu’elle avait trouvées, avec l’enthousiasme d’un chercheur d’or.

J’ai immédiatement pris la parole en précisant que l’objectif de cette rencontre (que j’avais moi-même conviée) était de discuter des enjeux importants et que la forme du document serait arrangée lors de la prochaine version à être soumise à l’autre partie. Alors que je commençais à recueillir les commentaires de tout le monde, elle s’est fait un plaisir de revenir à la charge en me donnant une leçon sur l’« importance de la rigueur » et du souci de la perfection peu importe l’étape d’un processus. Piquée au vif, j’ai hoché la tête en bouillant intérieurement.

Je réalise qu’en voulant acheter la paix et éviter à mes collègues masculins un combat de poules qui se crêpent le chignon, je me suis fait marcher sur le dos et ne me suis pas affirmée suffisamment. J’en fulmine encore intérieurement.

En même temps, qui est contre la vertu ? Dans un monde idéal, j’aurais aimé ne pas faire de coquilles et éviter de mal paraître devant mes collèges.

Quelles sont les stratégies pour gérer sa colère ? Comment réagir plus habilement la prochaine fois ? Comment gérer ma relation avec « œil de lynx »?

Ciao et merci d’avance !

Amélie

A : Amélie
De : Coach
Sujet: Gestion des émotions négatives
Date: 15 octobre 2015 – 14 : 45

Bonjour Amélie,

Le cerveau ayant été programmé pour permettre à l’être humain de se protéger des dangers, sa première réaction est toujours émotionnelle.

La façon typique de réagir à une émotion forte comme la colère est de l’imposer aux gens qui nous entourent ou de la réprimer. Or, il existe une troisième option qui est beaucoup plus habile : celle de la maîtriser.

La maîtrise de soi est l’aptitude qui permet de faire face aux émotions qui émergent en nous, sans en être envahis, et de choisir par la suite le comportement que nous jugeons le plus approprié. Pour y parvenir, on doit apprendre à gérer ses pulsions et à focaliser sur nos objectifs les plus importants, ceci peu importe les circonstances ou les individus (1). Il va sans dire que cette compétence est extrêmement utile dans un contexte professionnel, que ce soit dans nos relations avec nos clients, nos collègues, nos patrons ou nos employés.

Comment procéder ?

1) Prendre immédiatement une pause pour se calmer et se centrer. Même si c’est souvent contre intuitif, la meilleure chose à faire lorsque nous sentons que la colère émerge en nous est de s’arrêter pour prendre le temps de respirer quelques minutes afin de différer notre réaction.

Pour nous permettre de retrouver notre sang froid rapidement, la qualité de notre respiration sera ensuite un facteur déterminant. Travis Bradberry et Jean Greaves dans Intelligence émotionnelle 2.0 expliquent que nous avons tous, sans nous en rendre compte, tendance à prendre de courtes inspirations peu profondes. Ceci est particulièrement vrai lorsque nous sommes stressés, irrités ou en colère. Pour être en mesure de nous calmer, les auteurs suggèrent d’inspirer profondément par le nez jusqu’à ce que nous sentions notre ventre se durcir d’air, de retenir l’air pendant deux secondes et d’expirer ensuite doucement par la bouche en poussant l’air jusqu’à ce que nous ayons vidé complètement nos poumons.

2) Sentir ses émotions physiquement. Lorsqu’une émotion envahit quelqu’un, des signaux électriques atteignent son cerveau et déclenchent des sensations physiques dans son corps. Ces sensations peuvent être multiples : estomac qui se noue, muscles qui se contractent, cœur qui s’emballe, respiration qui s’accélère, bouche qui se dessèche etc. Prendre conscience des différentes sensations physiques qui se manifestent lorsque nous sommes en colère nous permettra de métaboliser cette colère et de ne pas la traîner avec nous lors de nos prochaines actions (2).

3) Gérer son discours intérieur. Le plus intense d’une émotion ne dure que très peu de temps et se chiffre en secondes plutôt qu’en minutes et en jours (3). C’est notre discours intérieur qui nous fait rester dans cet état plus longtemps.

Ce discours intérieur, qui émet des autoverbalisations régulières et négatives (ex. « elle est conne ») est formé de nos pensées et de notre façon de percevoir ce qui nous arrive. Une façon habile de prendre conscience du contenu de notre discours intérieur et de nous assurer qu’il nous est utile, est de procéder à l’exercice suivant (4) :

i ) Analyse de notre discours intérieur: Tout d’abord, décortiquer la situation afin de distinguer :

A) les faits objectifs de la situation (qui ? quoi? quand? où?) ;
B) la façon dont nous percevons ou interprétons la situation (pourquoi?).;
C) la conséquence (nos émotions et nos comportements).

ii) 3 questions pour déterminer si notre perception est utile pour nous : Ensuite, nous poser les trois questions suivantes afin de déterminer si la façon dont nous percevons la situation est utile pour nous : a) cette perception est-elle totalement appuyée par des faits ? b) nous aide t’elle à accomplir nos objectifs à long terme? et c) nous aide t’elle à nous sentir comme nous voulons nous sentir ?

iii) Recadrage : Si nous répondons « non » à au moins une de ces trois questions, c’est que notre perception n’est pas utile pour nous. En pareil, cas, il est nécessaire de faire un recadrage. Pour y arriver, il faut se demander quelle autre perception de la situation ou autre façon de voir les choses pourrait être plus utile pour nous ?

Faire un choix stratégique quant au meilleur comportement à adopter

Lorsque nous aurons retrouvé suffisamment de calme pour ne plus être envahi par notre colère et que nous aurons géré, au besoin, notre discours intérieur, pour pourrons alors choisir le comportement que nous jugeons le plus stratégique et approprié dans les circonstances.

Quels sont tes constats ?

Ton coach

A : Coach
De : Amélie
Sujet : Merci!
Date: 16 octobre 2015 – 8 : 45

Allo Coach,

J’adore le modèle que tu as proposé pour gérer son discours intérieur.

Voici comment je décortique ma situation :

A) Les faits : la directrice des finances a relevé plusieurs fois des coquilles dans mon document lors d’une rencontre avec plusieurs autres collègues;
B) Ma perception \ mon discours intérieur: elle est complètement obnubilée par les détails, manque de sens stratégique, manque de jugement et de sensibilité et d’empathie par rapport à moi.
C) La conséquence : je suis en colère et j’ai peur que ceci ait donné une mauvaise opinion de moi à mes collègues. J’ai été sur la défensive pendant la réunion. Je n’ai plus envie de la voir ou de plus parler.

Réponses aux 3 questions : Ma perception n’est pas totalement appuyée par des faits. De plus, comme j’ai besoin de développer une bonne relation avec la directrice des finances pour réussir mon travail, cette perception de la situation ne m’aidera pas dans mes objectifs à long terme. Enfin, ma perception ne m’aide pas non plus à me sentir de bonne humeur et en paix. J’en conclu que ma perception de la situation n’est pas utile pour moi.

Je vais réfléchir à une nouvelle façon de voir les choses qui pourrait être plus utile pour moi. J’aimerais ensuite avoir un coaching en « one-on-one » pour en discuter et déterminer du meilleur comportement adopter pour la suite des choses.

J’aimerais te voir lundi matin à mon bureau pour en discuter. Es tu disponible?

Amélie

Un coach professionnel est une personne bien placée pour vous aider à développer votre leadership personnel. Pour plus d’informations, consultez mon site web à www.sophieaudet.ca. Suivez moi sur Faceboook.

(1), Pour plus de détails sur l’intelligence émotionnelle, voir ma chronique « Comment développer son intelligence émotionnelle ». Voir aussi, Daniel Goleman « L’intelligence émotionnelle au travail » Village Mondial 2005 et Search Inside Yourself, ,Chan Men Tang, 2012;
(2) What To Do When Anger Takes Hold, Peter Bregman, Business Harvard Review, Octobre 2014
(3) Pour plus de détails, voir L’intelligence Émotionnelle de Daniel Goleman
(4) Il s’agit du modèle ABC du psychologue américain Robert Ellis. Pour un outil pratique permettant de pratiquer cette technique, voir « Mind Over Mood » de Dennis Greenberg Phd et Christine A. Padesky Phd