Entrevues

Un psy nous dit tout sur ses patients avocats!

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Marie Pâris

2016-02-10 15:00:00

Dettes, sexe entre confrères, sales histoires cachées et pression des associés sur les juniors : un psy pour avocats s’est confié à Droit-inc…

Will Meyerhofer, ancien avocat devenu psychothérapeute à New York.
Will Meyerhofer, ancien avocat devenu psychothérapeute à New York.
« Je vois des avocats, mais aussi d’anciens avocats, des femmes ou maris d’avocats, des étudiants en droit ou d’autres patients reliés au domaine, commes des éditeurs juridiques », indique à Droit-inc Will Meyerhofer, ancien avocat devenu psychothérapeute à New York.

Il a maintenant des clients de partout dans le monde, et fait régulièrement des consultations via Skype avec des avocats du Japon ou d’Australie. « Combien y a-t-il d’avocats malheureux ? Des milliards », plaisante-t-il. En tout cas, beaucoup trop. Et ils viennent souvent consulter pour les mêmes raisons...

Le plus gros problème selon le thérapeute, c’est l’argent, qui dirige tout le milieu.

« Les jeunes avocats arrivent souvent avec des dettes significatives ; un de mes clients en est à 275 000 USD de déficit, confie Will. Ils se sentent alors coincés dans le métier à cause de cette dette à rembourser. Parfois, ces jeunes avocats garderont leur dette à vie à cause des intérêts. Et ils finissent par détester le droit... » Une sensation d’être pris au piège dans un métier qui paye bien et où se brassent d’énormes sommes d’argent.

Il y a aussi le prestige du métier, qui empêche beaucoup d’avocats de démissionner.

« Un de mes clients rêverait de reprendre le garage de son père, une affaire qui marche bien, mais il n’ose pas lui dire qu’il voudrait quitter le droit, explique Will. Il est la fierté de la famille... » Et puis il y a la difficulté à trouver un travail, dans un contexte américain où l’on compte environ un poste pour deux avocats. Les patients disent au thérapeute qu’ils ne savent pas quoi faire d’autre, tout en ayant l’impression d’avoir gâché des années d’études : ils ont toute cette carrière devant eux mais n’en veulent plus.

« Je connais toutes les sales histoires ! »

« Le monde juridique peut être très destructif pour le mariage ! » s’exclame le thérapeute.
« Le monde juridique peut être très destructif pour le mariage ! » s’exclame le thérapeute.
Enfin, le rythme et de la quantité de travail beaucoup trop intenses sont souvent à l’origine du mal-être des avocats. « Beaucoup s’en plaignent, même les associés qui adorent leur travail, indique le thérapeute. Et à cause du principe de l’heure facturable, les cabinets sont pris dans une sorte de système de Ponzi où les associés et les seniors font travailler encore plus les juniors… »

Et qui dit trop de travail et trop de temps passé au bureau dit problèmes de couple, un des sujets que les patients de Will abordent souvent.

« Le monde juridique peut être très destructif pour le mariage ! s’exclame le thérapeute. Il y a beaucoup de distractions au bureau, et les avocats, qui sont épuisés et ne voient pas beaucoup de monde en dehors, craquent parfois. Quand je vois le nombre d’adultères et de relations qui ont lieu dans les cabinets… Tout le monde a des aventures avec tout le monde ! Les conjoints qui viennent me voir se plaignent aussi que leur époux n’est jamais là ; et quand il est à la maison il se plaint de son quotidien au cabinet. »

Sa clientèle d’avocats, qui comprend aussi bien des stagiaires que des associés seniors, se répartit en un tiers de jeunes avocats qui ne trouvent pas de travail, un tiers qui en ont mais détestent ce qu’ils font et un tiers qui adorent ce qu’ils font mais trouvent qu’ils travaillent trop…

Avec tout ce qu’il entend, le thérapeute doit vraiment faire attention quand il parle : « Je connais plein de secrets d’avocats, de cabinets, d’associés, et toutes les sales histoires ! J’ai une très bonne idée de ce qui se passe dans le milieu juridique new-yorkais ».

Une mauvaise expérience en droit

« Parfois, je me couchais sur le sol avec mon chien et je pleurais… » Will Meyerhofer n’a pas de très bons souvenirs de ses études de droit ; il a d’ailleurs suivi une thérapie pendant sa formation pour gérer son anxiété.

L’étudiant avait pourtant de bonnes notes et s’est fait ensuite engager dans un grand cabinet de New York, Sullivan & Cromwell. Au bout de deux ans et demi pendant lesquels il a été « très, très malheureux », il se fait licencier. « Je savais que je ne pourrai jamais refaire de droit, j’avais détesté mon expérience », se souvient-il.

 « Quoi qu’on en dise, ajoute Will, le milieu juridique est vraiment particulier et ne ressemble pas aux autres milieux professionnels.»
« Quoi qu’on en dise, ajoute Will, le milieu juridique est vraiment particulier et ne ressemble pas aux autres milieux professionnels.»
Will travaille alors en marketing dans l’édition littéraire, avant de reprendre les études en 2002, cette fois-ci en psychologie. Il ouvre son cabinet dans le quartier new-yorkais de TriBeCa, où il reçoit toutes sortes de patients ; il voulait au début vraiment s’éloigner du milieu juridique. Finalement, le droit l’a rattrapé. Le psychothérapeute commence à écrire une chronique sur le monde juridique (dont des articles comme I suck at law, qui a fait des millions de vues) et reçoit beaucoup de réactions et de lettres en retour.

Il compile alors ses chroniques et les publie sous le titre Life is a Brief Opportunity for Joy, avant de sortir le livre Way worse than being a dentist - dont le titre est inspiré du haut taux de suicide dans la profession dentaire. Dans sa salle d’attente, des hommes en costumes et cravates commencent à se mêler à son ancienne clientèle d’homosexuels atteints du sida, de danseurs ou d’acteurs, jusqu’à aujourd’hui, avec une grande majorité d’avocats dans son cabinet.

Sa carrière de juriste, un atout

Si au début de sa carrière Will devait souvent rassurer ses patients en leur disant qu’ils étaient loin d’être seuls dans leur mal-être, la situation est aujourd’hui beaucoup plus connue.

D’autant que dans ses livres le psychothérapeute a fait un état des lieux assez complet du quotidien dans les cabinets d’avocats et des problèmes de stress et de pression. « J’ai dénoncé beaucoup de choses, indique-t-il. En fait, j’ai dit ce que tout le monde pensait. »

Selon lui, son passé d’avocat est un vrai plus dans sa carrière actuelle, car les patients qu’il aide vivent des choses qu’il a lui-même vécues, et il connaît l’environnement des cabinets.

« Et quoi qu’on en dise, ajoute Will, le milieu juridique est vraiment particulier et ne ressemble pas aux autres milieux professionnels. Un thérapeute qui n’a jamais travaillé dans un cabinet conseillerait à son patient : “Dites à votre boss que vous ne pouvez pas travailler autant, mettez des limites.” Haha ! Vous imaginez ? Moi je sais très bien que l’associé va juste virer le junior qui lui dit ça… »
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