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Essentielle et nécessaire défense de troubles mentaux

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Mélanie Dugré

2016-04-19 11:15:00

Lorsqu’on conclut à la non-responsabilité pour cause de troubles mentaux, la saga judiciaire ne prend pas pour autant fin sur une note triomphante, selon cette avocate …

Me Mélanie Dugré est avocate titulaire de baccalauréats en droit civil et common law de l’Université McGill
Me Mélanie Dugré est avocate titulaire de baccalauréats en droit civil et common law de l’Université McGill
Si notre système judiciaire est présentement confronté à des défis de coûts, d’accessibilité et d’efficacité, il n’en demeure pas moins que chaque jour, des jugements importants sont rendus et façonnent l’histoire du droit canadien et québécois.

Ainsi, le jury chargé de juger Idelson Guerrier, accusé de deux meurtres et de deux tentatives de meurtre à l’hôpital Notre-Dame en juin 2012, a conclu après cinq jours de délibération, qu’il était non criminellement responsable de ses crimes en raison de troubles mentaux.

Il s’agit donc d’un article 16, en référence à la disposition du Code criminel qui prévoit que la responsabilité criminelle d’une personne ne peut pas être engagée si cette dernière, au moment du crime, soit ne faisait pas la distinction entre le bien et le mal, soit n’était pas en mesure d’apprécier la nature et la qualité de ses actes.

Il faut souligner le peu d’attention accordé dans les médias à ce verdict, qui a rapidement été éclipsé par celui rendu dans l’affaire Ghomeshi. On se rappellera néanmoins que depuis le premier procès de Guy Turcotte, à l’issue duquel l’ex-cardiologue avait été reconnu non criminellement responsable des meurtres de ses deux enfants, plusieurs scrutent à la loupe l’actualité judiciaire afin de nourrir la rumeur voulant que l’article 16 soit en voie de devenir une défense fourre-tout dont la portée serait trop généreuse et qui permettrait à des accusés d’éviter facilement une condamnation sans être inquiétés.

L’article 16, un article pertinent

L’histoire d’Idelson Guerrier confirme plutôt la pertinence de l’article 16 du Code criminel, qui s’inscrit dans nos principes de justice fondamentale et qui protège l’individu atteint de troubles mentaux contre une condamnation erronée. Lors du procès, deux psychiatres ont expliqué au tribunal que l’accusé souffrait de schizophrénie paranoïde au moment des faits et qu’il ne pouvait apprécier la nature des actes qu’il posait.

Malgré le scepticisme collectif qui plane sur l’article 16, il faut comprendre qu’une défense fondée sur cet argument ne s’achète pas au dépanneur du coin et ne se coud pas de fil blanc, selon le bon désir d’un accusé.

D’ailleurs, les annales judiciaires regorgent de dossiers où la défense de non-responsabilité pour troubles mentaux a échoué. On n’a qu’à penser aux récentes affaires de Luka Rocco Magnotta, Francis Proulx, le meurtrier de Nancy Michaud, attachée politique du ministre Claude Béchard, et au deuxième procès de Guy Turcotte.

Pour qu’une défense fondée sur l’article 16 soit retenue, la preuve de la maladie doit d’abord être solide pour que le juge ou le jury y adhère.
Cette preuve est faite grâce à des experts, mais le juge ou le jury n’est pas lié par leurs conclusions puisqu’une personne peut être mentalement troublée au sens de la médecine sans être aliénée au sens juridique.

Lorsque le juge ou le jury conclut à la non-responsabilité pour cause de troubles mentaux, la saga judiciaire ne prend pas pour autant fin sur une note triomphante. L’individu est confié à la Commission d’examen des troubles mentaux, qui évalue son cas ponctuellement.

Prudence et retenue

Une hospitalisation en psychiatrie d’une durée parfois indéterminée est souvent incontournable lorsque l’individu a commis un crime grave et représente toujours un danger pour lui-même ou pour autrui. Comme le soulignait l’avocat d’Idelson Guerrier lors du prononcé du verdict, son client a absolument besoin de soins et il risquerait de se désorganiser s’il était remis en liberté.

Nul doute, donc, que ce verdict est bien fondé juridiquement et socialement. Le calme et la relative indifférence avec lesquels il est accueilli dans la population démontrent d’ailleurs l’acceptation générale de la règle de droit codifiée à l’article 16 du Code criminel.

D’où l’importance de faire usage de prudence et de retenue avant de condamner un principe aussi fondamental et ce faisant, de semer le doute sur l’équité et l’intégrité de notre système judiciaire.

Me Mélanie Dugré est avocate Titulaire de baccalauréats en droit civil et common law de l’Université McGill, elle a toujours exercé en litige, d’abord au sein du cabinet McCarthy Tétrault jusqu’en 2007 et depuis, en contentieux d’entreprise à la Great-West/London Life/Canada Vie.
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