Un médiateur peut-il être poursuivi en responsabilité professionnelle?

Main image

Jean H. Gagnon

2016-07-13 11:15:00

Un médiateur est-il assujetti à une forme de responsabilité professionnelle et pourrait-il être poursuivi dans l’éventualité qu’une médiation tourne au vinaigre? Un expert vous répond…

Me Jean H. Gagnon a plus de 40 années d’expérience à titre d’avocat de négociateur, de médiateur et d’arbitre
Me Jean H. Gagnon a plus de 40 années d’expérience à titre d’avocat de négociateur, de médiateur et d’arbitre
La médiation n’étant pas reconnue comme une véritable profession (du moins au sens du Code des professions du Québec) et le titre de « médiatrice » ou « médiateur » n’étant aucunement protégé par la loi (n’importe qui pouvant prétendre être médiatrice ou médiateur), une médiatrice ou un médiateur est-il quand même assujetti à une forme de responsabilité professionnelle et pourrait-il être poursuivi dans l’éventualité où une médiation, ou une entente conclue au terme d’une médiation, tourne au vinaigre?

Plusieurs personnes croient que non parce que la médiatrice, ou le médiateur, ne fournit aucun conseil juridique et ne prend aucune décision sur le fond du différend. D’autres croient par ailleurs que cette question est quelque peu académique puisque, en raison de la nature même de son rôle comme personne neutre non décisionnelle, il n’existerait à peu près pas de situations pratiques dans lesquelles l’on pourrait exercer un recours en responsabilité contre une médiatrice ou un médiateur.

Je ne suis pas du tout de cet avis.

En premier lieu, autant à titre de personne qui prétend posséder des connaissances et des habiletés en médiation que comme prestataire de service, toute médiatrice, ou médiateur, est, à tout le moins, lié aux obligations du prestataire de service prévues à l’article 2100 du Code civil du Québec, soit « d’agir au mieux des intérêts de leur client », « d’agir conformément aux usages et règles de leur art » et « de s’assurer, le cas échéant, que (…) le service rendu est conforme au contrat ».

En deuxième lieu, la médiatrice, ou le médiateur, est aussi tenu de respecter les dispositions du Code de procédure civile du Québec traitant des modes privés de règlement des différends.

En troisième lieu, il est aussi important de souligner que le Barreau du Québec a publié, en mars dernier, un Guide des normes de pratique en médiation civile et commerciale dont l’un des objectifs est d’établir « les normes de conduite et les devoirs que doivent respecter les médiateurs envers leurs clients et le public, peu importe l’approche choisie ».

Quoique ces normes ne soient pas, en soit, obligatoires, elles définissent les bonnes pratiques en médiation et pourraient, en cas de manquement important à l’une d’entre elles, constituer un fondement d’un recours en responsabilité professionnelle contre un médiateur.

En pratique, y a-t-il vraiment des situations où la responsabilité d’une médiatrice ou d’un médiateur pourrait être recherchée en justice? J’en vois plusieurs. En voici quelques exemples.

À l’occasion d’un caucus (rencontre confidentielle entre le médiateur et une seule des parties), le médiateur apprend que des faits importants avancés par cette partie en séance plénière sont faux. Or, après que, quelques semaines plus tard, l’autre partie ait appris que des faits sur la base desquels elle a accepté de conclure une entente lors de cette médiation sont faux, elle institue un recours en annulation de l’entente sur la base de son erreur provoquée par le dol et réclame aussi, autant de la partie ayant fourni ces fausses informations que du médiateur (pour avoir participé à la conclusion d’une entente qu’il savait être fondée sur un dol) les dommages causés par ce dol survenu en cours de médiation.

Nous pouvons aussi penser (i) à un conflit d’intérêts non divulgué, (ii) à des gestes de pression indue de la part du médiateur, (iii) à un bris de confidentialité (tant à l’égard de la médiation elle-même qu’à l’égard de renseignements confidentiels obtenus lors d’un caucus), (iv) à une entente conclue par une partie qui, à la connaissance du médiateur, n’a pas la capacité ou n’est pas en mesure de prendre une décision libre et éclairée, etc.

C’est d’ailleurs là une des raisons pour lesquelles l’une des conditions d’accréditation à titre de médiatrice ou médiateur en matière civile ou commerciale par le Barreau du Québec ou de médiatrice ou médiateur par l’Institut de médiation et d’arbitrage du Québec consiste dans la détention d’une assurance responsabilité professionnelle.

Malheureusement, les médiatrices et les médiateurs qui ne sont pas accrédités par le Barreau du Québec ou par l’Institut de médiation et d’arbitrage du Québec ne sont pas tenus à une telle exigence.

En outre, les médiatrices et médiateurs accrédités par l’Institut de médiation et d’arbitrage du Québec doivent aussi respecter son Code d’éthique des médiateurs, lequel leur crée aussi des obligations qui, bien que d’ordre déontologique, pourraient être invoquées au soutien d’un recours en responsabilité professionnelle.

Je vous invite à me contacter (par courrier électronique à jhgagnon@jeanhgagnon.com ou par téléphone au 514.931.2602) pour toute question ou tout commentaire.

Jean
6822

Publier un nouveau commentaire

Annuler
Remarque

Votre commentaire doit être approuvé par un modérateur avant d’être affiché.

NETiquette sur les commentaires

Les commentaires sont les bienvenus sur le site. Ils sont validés par la Rédaction avant d’être publiés et exclus s’ils présentent un caractère injurieux, raciste ou diffamatoire. Si malgré cette politique de modération, un commentaire publié sur le site vous dérange, prenez immédiatement contact par courriel (info@droit-inc.com) avec la Rédaction. Si votre demande apparait légitime, le commentaire sera retiré sur le champ. Vous pouvez également utiliser l’espace dédié aux commentaires pour publier, dans les mêmes conditions de validation, un droit de réponse.

Bien à vous,

La Rédaction de Droit-inc.com

PLUS

Articles similaires