Pierre Arcand

Y a-t-il des questions illégales en entrevue ?

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Pierre Arcand

2017-03-21 10:15:00

Oui il y en a… Mais en convoitant un poste, vous ne voulez pas vous mettre à dos votre futur employeur. Et ses intentions ne sont pas toujours illégales. Les conseils de M. Arcand...

Question:

Comme vous savez, cette semaine se déroulait les premières entrevues de la course au stage. Lors de mon entrevue dans un grand cabinet, un associé, qui devrait avoir un certain jugement, m'a demandé si j'étais conservatrice. En d'autres termes, il voulait connaître mes positions politiques.

Je me demande si ce genre de question est légal en entrevue?

Réponse:

Chère lectrice,

Pierre Arcand, recruteur juridique, répond à vos questions
Pierre Arcand, recruteur juridique, répond à vos questions
D’un point de vue purement juridique, la réponse est non. Cette question n’est pas légale, car en contradiction avec les principes énoncés à la Charte des droits et libertés de la personne. Il y est prévu que toute personne a droit d’être traitée en pleine égalité dans l’embauche, sans distinctions ou préférences fondées sur les motifs de discrimination.

Donc toute question reliée à la race, la langue, l’état civil, la religion, à un handicap, au sexe, à une grossesse potentielle ou existante, à l’orientation sexuelle, l’âge, aux convictions politiques, à l’origine ethnique ou nationale, et la condition sociale est considérée comme illégale. Une exception à cette règle existe pour les cas où il existe une véritable exigence reliée à l’emploi, comme un programme d’accès à l’égalité ou lorsqu’un emploi requiert des qualités ou aptitudes bien spécifiques.

Dans votre cas, il est clair que la question était illégale, mais ce qui me surprend le plus est son manque de pertinence. Il y a des questions qui, bien que proscrites, pourraient à la limite se justifier dans le cadre de la course aux stages. Mais le fait d’être d’allégeance conservatrice, libérale ou rhinocéros n’a aucune espèce de pertinence à mon avis. Ceci dit en tout respect pour l’opinion contraire.

Que faire dans une telle situation ? C’est bien beau que la question soit illégale, mais vous postulez pour un stage et vous ne voulez pas vous mettre à dos l’associé impliqué. De plus, le gros bon sens doit quand même prévaloir. Allez-y selon vos convictions personnelles. Est-ce que honnêtement, cette question et le fait d’y répondre vous place dans une situation inconfortable ? Est-ce que votre réponse risque de vous discriminer dans le processus ? Je ne crois pas que cette question en particulier soit intrusive ni ne constitue une première étape visant à discriminer les candidats d’allégeances divergentes.

Mais plus important encore, - et ici je précise qu’il s’agit de mes convictions personnelles et non du résultat d’une recherche juridique exhaustive sur la question- dans les principes d’interprétation des lois, une des techniques que j’apprécie le plus est celle d’essayer de déterminer l’intention du Législateur au moment de l’adoption du texte législatif. Dans le cas qui nous occupe, est-ce que ledit Législateur visait ce genre de situation au moment de rédiger le texte de loi ? Permettez-moi d’en douter.

Outre le texte de loi et son interprétation, tout est une question de contexte. Si, par exemple, vous avez inscrit dans votre CV avoir été bénévole lors d’élections, je crois que vous consentez implicitement à ce que des questions de nature politique vous soient posées. La dynamique de l’entrevue au moment où la question est posée doit être aussi considérée. Si vous donnez de votre propre initiative votre point de vue sur un sujet délicat, votre interlocuteur pourrait vous poser des questions plus personnelles dans le seul but de mieux comprendre votre point de vue. Auquel cas, aucune forme de discrimination ne pourrait être invoquée à mon avis. Si on doit se pencher sur l’intention du Législateur, on doit en faire de même pour l’intention de votre interlocuteur.

En conclusion, si juridiquement parlant, une infraction pouvait avoir été commise, il faut aller voir plus loin afin de bien comprendre ce que sous-tendait la question posée et le but visé par celle-ci.

J’espère que ma réponse vous sera utile et je vous souhaite une excellente semaine.

La Question au Recruteur

Chaque semaine, le recruteur juridique Pierre Arcand répond à une question posée par vous, chers lecteurs.

La Question au Recruteur de la semaine est choisie parmi toutes celles reçues sur le site. Toutes les questions sont bonnes pour autant qu’elles concernent votre carrière de juriste.

Sur l'auteur

Pierre Arcand s'est spécialisé en recrutement juridique après avoir pratiqué le droit pendant une douzaine d'années. Ayant été associé au sein de cabinets boutiques ainsi que d'un important cabinet de Montréal, il connaît bien la communauté juridique et les enjeux reliés à la pratique du droit tant en cabinet qu'en entreprise. Arcand et Associés, une entreprise spécialisée dans le recrutement de cadres et de professionnels, a été fondée en 1999. Pierre Arcand et son équipe apporte un soutien professionnel tant aux entreprises qu'aux cabinets qui cherchent à recruter les meilleurs candidats disponibles.
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8 commentaires

  1. NB
    Sens du mot
    Avez-vous songé au fait que le terme "conservatrice" n'était peut-être pas utilisé dans le sens politique?

    Voir la définition du Larousse
    http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/conservateur_conservatrice/18366

  2. Me Un tel
    Me Un tel
    il y a 6 ans
    CISSS Chaudière Appalache
    Lors du dernier processus de recrutement au CISSS de Chaudière-Appalaches pour un poste d'avocat(e), les questions suivantes étaient posées aux candidat(e)s avant l'entrevue:

    Avez-vous déjà manqué plus que 5 jours de travail en raison d'un problème de santé? Si oui, en raison de quel diagnostic, la durée de l'arrêt de travail, le traitement et la liste des médicaments prescrits.

    Ironiquement, l'avocat(e) recherché(e) devait êtes responsable de mandats en matière de droit du travail et de santé et sécurité au travail!

    Je vous rassure par contre, aucune discrimination n'a été faite lors de ce processus d'embauche. (Ici je laisse au lecteur la discrétion de décider si ce commentaire constitue de l'ironie).

    Drôle de hasard, quelques semaines plus tard le Tribunal des droits de la personne rendait une décision sur les processus d'embauche du CISSS des Laurentides 2017 QCTDP 2 et déclarait que "que le questionnaire médical pré-affectation du Centre intégré de santé et de services sociaux des Laurentides auquel a répondu A.A. le 15 octobre 2012 est, en regard du poste de psychologue, discriminatoire et contrevient aux dispositions de la Charte, incluant les articles 18.1, 4, 5 et 10 de la Charte;".

    Je me pose encore la question à savoir si depuis les pratiques ont été révisées et je ne comprends pas pourquoi des pratiques semblables sont encore en place en 2016-2017 !!!

    • Avocat
      Avocat
      il y a 6 ans
      Il faut croire que..
      Je ne suis pas le seul que cette question a fait sursauter. C'était une question invasive et j'étais heureux de simplement pouvoir y répondre "non".

      J'imagine mal quel regard on aurait pu poser sur un candidat qui aurait vécu une maladie qu'il aurait dû déclarer à ce moment.

  3. Anonyme
    Anonyme
    il y a 6 ans
    conjugaison
    si juridiquement parlant, une infraction pourrait avoir été commise...on se révise svp...

  4. Tiburo
    Tiburo
    il y a 6 ans
    Foutaise!
    "C’est bien beau que la question soit illégale, mais vous postulez pour un stage et vous ne voulez pas vous mettre à dos l’associé impliqué."

    Quelle mentalité déplorable. Belle façon d'enseigner l'aplaventrisme durant le processus de course au stage. Une question illégale demeure une question illégale. Qui a-t-il de mal à se mettre un associé à dos, surtout s'il se croit au dessus des lois.

  5. DSG
    Does it matter?
    Lawyers will ask whatever they want and if you don't like it they'll politely cut the interview short. They play by their own rules with zero oversight. Who will you complain to, the Barreau?

    • Maurisse
      Maurisse
      il y a 6 ans
      Dans le bon vieux temps
      Ça me rappelle le bureau montréalais qui, dans les années 1980, faisaient signer à leurs employés un document dans lequel ceux-ci renonçaient à l'application de la Loi sur les normes du travail.

  6. Camille Aja
    Camille Aja
    il y a 6 ans
    CRHA
    Je suis d'accord avec M. Arcand, il faut voir l'intention et on peut s'en tirer avec un gentil : "mes convictions envers (exemple ici, la politique) sont personnelles mais je peux vous affirmer qu'elles ne viendront jamais nuire en quoi que ce soit à mon travail."
    Ou parfois : "afin de mieux répondre à votre questions, je suis curieuse de savoir le but de cette question ?"

    Si on sent un malaise, une intention un peu tordue, il faut alors se demander si on veut travailler pour une entreprise qui a ce type de pratiques dans son recrutement. Et plus important, sont-elles représentatives du reste de l'entreprise... Si on a un doute, on peut en profiter pour aider les suivants en dénonçant clairement ce qui nous semble illégal. Si on a encore de l'intérêt, il faut rester subtil ou mentir, ce qui est dommage.

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