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Des règles jamais vues pour les élections au Barreau

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Jean-francois Parent

2017-04-04 15:00:00

Y a-t-il un déficit démocratique au Barreau? Ses règles électorales seraient uniques au sein des ordres professionnels québécois...

Me Marc Bellemare a qualifié d’ « ignobles et antidémocratiques » ces balises délimitant le carré de sable des candidats aux élections bâtonnales
Me Marc Bellemare a qualifié d’ « ignobles et antidémocratiques » ces balises délimitant le carré de sable des candidats aux élections bâtonnales
Le Barreau du Québec est le seul ordre professionnel à interdire la publicité faite par les candidats briguant un poste électif. Une exception: produire un dépliant annonçant les couleurs d’un candidat, et de distribuer ce dépliant.

La semaine dernière, Me Marc Bellemare a qualifié d’ « ignobles et antidémocratiques » ces balises délimitant le carré de sable des candidats aux élections bâtonnales. Elles les empêcheraient « de s'exprimer et de rejoindre les 26 500 membres du Barreau disséminés sur l'ensemble du territoire québécois », dénonce l’avocat de Québec, qui renonçait ainsi à briguer un siège d’administrateur au CA du Barreau.

Selon les «Procédures d’élection pour les élections 2017 du Barreau du Québec », on peut lire qu’ « aucune publicité n’est permise à l’exception de celle offerte par le Barreau » et ce, tant pour les administrateurs que pour les aspirants bâtonniers.

De plus, « au cours de la période électorale et celle du scrutin, il est interdit, pour un candidat ou son représentant, de communiquer par courriel et texto avec les membres du Barreau habiles à voter afin de promouvoir sa candidature ».

Des restrictions uniques

Me Lu Chan Khuong
Me Lu Chan Khuong
Une analyse des règles encadrant la publicité des candidats de cinq autres ordres professionnels révèle que les restrictions de ce type sont rares dans l’univers professionnel québécois.

Par exemple, à l’Ordre des dentistes, on interdit seulement les publicités portant atteintes à la réputation des autres candidats. À l’Ordre des architectes, on impose un code de bonne conduite et on prohibe la publicité qui porterait ombrage à l’honneur de la profession.

À l’Ordre des comptables professionnels agréés, on impose sensiblement les mêmes règles et à l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, on n’impose que des règles de bonne conduite.

Le Collège des médecins, l’Ordre des inhalothérapeutes et la Chambre des notaires, pour ne nommer que ceux-là, ne proposent pas non plus d’encadrement aussi rigide que celui du Barreau.

Éviter les esclandres

Me Steve Flanagan, fondateur de la firme éponyme.
Me Steve Flanagan, fondateur de la firme éponyme.
« On veut clairement éviter les débordements de la dernière campagne », observe le spécialiste du marketing et de l’image Steve Flanagan, fondateur de la firme éponyme.

Celui qui a fait office de consultant lors des dernières élections au Collège des médecins constate que le Barreau « veut garder la campagne à l’intérieur des rangs » et éviter qu’elle ne se transporte ainsi sur la place publique.

La suspension de la bâtonnière-élue Lu Chan Khuong de son poste, à la suite de révélations, en juin 2015, de sa participation au programme de déjudiciarisation des infractions, avait provoqué plusieurs réactions publiques qui avaient embrasé les relations entre le Barreau et ses assujettis.

Dans ce contexte, Steve Flanagan croit que ces règles peuvent se justifier. « Il faut faire attention cependant de ne pas aller trop loin, car cela peut défavoriser des candidats qui seraient moins connus des membres. »

L’imposition de telles restrictions ne surprend Bernard Motulsky, titulaire de la Chaire de relations publiques et communication marketing à l’UQAM.

« Le Barreau a longtemps interdit purement et simplement toute forme de publicité », explique celui qui a d’ailleurs conseillé le Barreau de sa première campagne de promotion de la profession dans les années 1980.

Traditionnellement, la publicité a toujours été perçue comme une pratique risquant d’entacher l’image de la profession, explique Bernard Motulsky. Il n’est donc pas étonnant, au vue des débordements de 2015, que le Barreau ait décidé de sévir dans la présente campagne.

« Lorsqu’il y a consensus autour de grandes questions, la publicité a peu d’importance », dit-il. Mais lorsque les positions sont tranchées il est normal de vouloir circonscrire les débats.

Quant au qualificatif « antidémocratiques », utilisé par Marc Bellemare, Bernard Motulsky constate que « pour un candidat dont la notoriété est supérieure à celle de tous les autres candidats réunis, cette restriction peut effectivement être mal perçue ».

Au Barreau du Québec, on se refuse à commenter quoi que ce soit concernant la présente élection.

Médias sociaux interdits ?

Me Paul-Matthieu Grondin
Me Paul-Matthieu Grondin
Il n’a donc pas été possible de savoir si la récente sortie de Lu Chan Khuong sur Facebook, accusant la bâtonnière sortante Claudia Prémont de faire de la publicité « détournée », est conforme ou pas.

Sur son fil d’actualités Facebook, Me Khuong dénonçait les activités de Me Prémont qui, à titre de bâtonnière, commandite une chronique juridique dans le quotidien Le Soleil. Voici quelques semaines sur LinkedIn, Me Khuong qualifiait les activités régionales appelées «entretiens avec la bâtonnière», organisées par le Barreau, de « publicité pré-électorale » et ce, alors que les autres candidats ne peuvent faire de pub.

L’autre aspirant-bâtonnier, Paul-Matthieu Grondin, distille quant à lui son programme sur les réseaux sociaux en commentant les enjeux qu’il souhaite aborder.

Les règles du Barreau disposent que l’interdiction de faire de la publicité « comprend, sans restreindre la définition, notamment tout site Web, outil de promotion électronique y compris les médias sociaux, objet promotionnel, bandeau de publicité, annonce publicitaire, lettre ouverte dans un média ».

Cependant, dans un bulletin électoral qui date du 15 février 2017, on peut lire que les «Procédures d’élection pour les élections 2017 du Barreau du Québec n’interdit pas les échanges des candidats avec les membres du Barreau du Québec sur les réseaux sociaux. Ces échanges sont permis ».

Ainsi, dans la section portant sur les dépenses électorales, on peut lire que « selon les procédures d’élection, constitue une dépense électorale pour le poste de bâtonnier du Québec et pour un poste d’administrateur, le coût de tout bien ou service utilisé pendant la période électorale pour :

a. favoriser ou défavoriser, directement ou indirectement, l’élection d’un candidat au poste d’administrateur;
b. diffuser ou combattre le programme ou une partie du programme d’un candidat au poste d’administrateur;
c. approuver ou désapprouver les mesures préconisées ou combattues par un candidat au poste d’administrateur;
d. approuver ou désapprouver des actes accomplis ou proposés par un candidat au poste d’administrateur ».
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