Le cerveau des avocats serait-il LE problème?

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Jean H. Gagnon

2017-08-08 10:15:00

Il les rendrait incapables de surmonter les changements importants qui touchent l’économie mondiale et la pratique de la profession...

Me Jean H. Gagnon a plus de 40 années d’expérience à titre d’avocat de négociateur, de médiateur et d’arbitre
Me Jean H. Gagnon a plus de 40 années d’expérience à titre d’avocat de négociateur, de médiateur et d’arbitre
Dans un article publié le 21 novembre dernier sur Droit-Inc.com (que vous pouvez relire en cliquant ici), le Dr Larry Richard, un psychologue et avocat américain, faisait état de tests et de recherches démontrant que, selon lui, les avocats ont un cerveau différent des autres professionnels, « alors que les indicateurs tels l’intuition, le raisonnement, l’ambition, les placent aux antipodes de la population en général. Les pires scores obtenus en matière de résilience face au changement et l’empathie le sont chez les avocats. Et meilleurs sont les avocats, pires sont les scores. Cela se confirme tant empiriquement qu’anecdotiquement. »

Toujours selon ce psychologue avocat, « alors que le monde entier concède que l’économie ne sera plus jamais la même depuis la crise financière des dernières années, les avocats sont, pour l’immense majorité, convaincus que tout reviendra à la normale, qu’ils n’ont qu’à laisser passer la vague et que les affaires reprendront ».

En résumé, notre cerveau nous rendrait incapables de surmonter les changements importants qui touchent toute l’économie mondiale, ainsi que la pratique de notre profession, depuis maintenant plus d’une bonne décennie.

Est-ce vraiment le cas?

Est-ce là l’une des explications à la réticence de plusieurs d’entre nous à vraiment intégrer les modes non judiciaires de règlement des différends à leur pratique professionnelle et à apprendre à en tirer avantage (autant pour nos clients que pour nous)?

Le marché des services juridiques n’échappe pas aux changements de plus en plus importants qui affectent tous les secteurs de l’économie.

Malgré que ces changements soient pour la plupart visibles et prévisibles, plusieurs grandes entreprises possédant pourtant des ressources importantes n’ont pas réussi à y faire adéquatement face. Je pense notamment ici à la déconfiture de plusieurs grands détaillants (dont Sears Canada) et aux remous qui secouent l’industrie du taxi (avec l’arrivée de nouveaux joueurs apportant une offre actualisée, tels Uber et Téo Taxi) et le monde de l’hébergement à court terme (avec l’arrivée de AirBnB et de ses semblables).

Pensons aussi à la disparition quasi complète, au cours de la dernière décennie, des clubs vidéo qui généraient d’importants revenus jusqu’à l’arrivée des services de films en ligne et aux secousses importantes auxquelles sont confrontées depuis quelques années maintenant les agences de courtage immobilier et les agences de voyages.

Plus près de nous, le Barreau du Québec et la Chambre des notaires du Québec annonçaient récemment que la Cour supérieure du Québec avait rejeté leur recours en jugement déclaratoire et en injonction institué en 2011 contre des entreprises d’assurances-titres « afin, notamment, que ces sociétés cessent de préparer, de rédiger ou de dresser des actes (prêts hypothécaires, actes de prêts pour fins de subrogation, actes de quittance subrogatoire et actes de radiation) et de donner des avis et des consultations d’ordre juridique pour le compte d’autrui, ces actes étant du ressort exclusif des notaires et des avocats. »

Voyez-vous le lien entre tout cela et la médiation (ainsi que les autres modes privés de règlement de différends)?

Il y en a pourtant un, et il est de taille.

La médiation et les autres modes privés de règlement des différends constituent à la fois une immense opportunité et un immense risque pour notre profession.

Ils sont là pour rester, ils progressent rapidement dans un nombre sans cesse croissant de secteurs d’activités et ils sont en train de prendre la première place comme moyens pour régler des différends et des litiges.

Or, tout comme cela semble être le cas pour la préparation d’actes hypothécaires, les pratiques de médiateur, d'arbitre, de coach en règlement de différends ou d’expert dans la mise en place d’outils privés de règlement de différends et de litiges ne sont pas des champs d’activités exclusifs aux avocats.

Par ailleurs, les avocats (qui sont encore, quoique de moins en moins, parmi les premiers professionnels consultés en cas de différend sérieux) sont dans une position privilégiée pour occuper une place de choix dans l’univers de la médiation et des modes privés de PRD.

Par contre, si les avocats n’occupent pas dès maintenant ce secteur d’activités en pleine croissance, d’autres le feront (plus précisément, le font déjà), ce qui aura comme conséquence d’accélérer la diminution (qui est déjà amorcée depuis quelques années) du nombre de litiges confiés à des cabinets d’avocats.

Face à ces changements inéluctables dans notre marché, demeurerons-nous, comme le prévoirait sans doute le Dr Larry Richard, passifs en étant « convaincus que tout reviendra à la normale, qu’ils n’ont qu’à laisser passer la vague et que les affaires reprendront » ou déciderons-nous plutôt d’évoluer en changeant notre rôle en matière de différends et de litiges pour devenir de véritables « Maîtres en solution » plutôt que, comme nous sommes souvent perçus, des professionnels qui attisent et prolongent un différend.

Je vous invite à me contacter (par courrier électronique à jhgagnon@jeanhgagnon.com ou par téléphone au 514.931.2602) pour toute question ou tout commentaire.

Jean


Me Jean H. Gagnon a plus de 40 années d’expérience à titre d’avocat de négociateur, de médiateur et d’arbitre.
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4 commentaires

  1. Personne Morale
    Personne Morale
    il y a 6 ans
    avocat
    Le problème n'a jamais été le cerveau des avocats ou la capacité d'adaptation des acteurs dans l'économie mondiale. Il n'y a pas d'entité abstraite appelée "économie mondiale", pas plus que de main invisible (que trop visible s'il y en a une). L'économie mondiale est faite d'acteurs qui sont des entités physiques et morales, et ce sont les acteurs les plus puissants qui déterminent la tendance, ce qui ne signifie d'aucune manière que la tendance soit celle à laquelle on doive s'associer.Nous n'avons pas à nous "adapter" pour la seule fin de s'adapter, parce que les plus puissants disent que c'est dans cette direction qu'il faut aller. Ce qu'il faut c'est se "solidariser" et déterminer ensemble la direction dans laquelle nous voulons aller. Déterminer si c'est bien dans cette direction qu'il est souhaitable d'aller pour le bien-être de tous et toutes.

    J'en ai souper des prétentions basées sur aucune analyse qu,il faut toujours s'adapter parce qu'il y aurait un étrange "dieu" nommé "économie mondiale" qui décide ce qui est bon et bien pour les autres. Nous avons remplacé la religion par un nouveau dieu (parfais appelé "employeur", "grande entreprise" ou "économie mondiale"). Nous ne vivons pas pour ce dieu et nous n'avons pas à nous adapter constamment, même lorsque ça ne fait aucun sens.

    if it ain't broke, don't fix it. Pour moi, cette maxime reste vrai, même si maintenant c'est plutôt: if it ain't broke, we'll break it for you...

  2. Jean H. Gagnon
    Jean H. Gagnon
    il y a 6 ans
    Superbe démonstration M. ou Mme Personne Morale
    Merci M. ou Mme Personne Morale de votre commentaire.

    C'est là une superbe démonstration du propos de mon billet.

    Attendons, ne bougeons pas et les choses se replaceront d'elles-mêmes.

    C'est exactement ce que se sont dits, au fil du temps, les Simpson Sears, Woolworth, Chrysler (aujourd'hui propriété de Fiat) etc. de ce monde.

    Nous sommes grands, nous sommes puissants et nous sommes donc au-dessus du changement. Pourquoi donc s'adapter???

    L'avenir n'appartient pas aux puissants, mais à celles et ceux qui savent s'adapter à temps.

    Jean

  3. ab
    Me Gagnon, franchement!
    Un psychologue ne saurait conclure de la sorte sans s'appuyer sur l'expertise d'un neuropsychologue, d'un psychiatre, d'un neurochirurgien, d'un neurologue, d'un neuroradiologiste et d'un neuropathologiste.

    En clair, cette étude est de la foutaise au meme titre que vos séances de médiation qui se sont avérées couteuses et sans résultas ...

    Vous faudraitil des noms?

    L'expression -has been- trouve tombe à point pour conclure mon commentaire sur votre analyse ...

    • Jean H. Gagnon, Ad.E.
      Jean H. Gagnon, Ad.E.
      il y a 6 ans
      Commentaire très intéressant M. ou Mme ab
      Merci M. ou Mme ab de vos intéressants commentaires.

      La confidentialité étant un fondement de la médiation, je ne vous demanderai certainement pas de noms.

      Vous soulevez par contre deux points intéressants qui, au bénéfice des lectrices et lecteurs de Droit-Inc.com, méritent réponses et précisions.

      D’abord le coût des séances de médiation.

      Il y a présentement au Québec des médiatrices et médiateurs offrant une gamme très variée de coûts, allant de moins de 175$/l’heure à plus de 550$/l’heure. Évidemment, le niveau d’expérience et d’expertise de la médiatrice ou du médiateur a un impact sur le niveau de ses honoraires (tout comme c’est d’ailleurs le cas pour tout autre professionnel).

      Il est donc parfaitement loisible pour une personne impliquée dans un différend de dénicher une médiatrice ou un médiateur dont les tarifs lui conviennent et sont à la mesure de l’ampleur du différend ou du litige.

      En second lieu, le risque que la séance de médiation ne permette pas d’en arriver au résultat souhaité par l’une ou l’autre des parties ou de leurs avocat(e)s.

      Dans le domaine où j’exerce comme médiateur (soit celui des différends commerciaux), il y a souvent plusieurs enjeux souvent complexes et plusieurs parties qui sont toutes, ou presque, représentées par des avocats et parfois assistées d’experts.

      Dans ce contexte, effectivement, dans un peu plus de 25% des cas, les parties ne sortent pas de, ou des, séances de médiation avec une entente.

      Par contre, l’on ne peut dire que ces séances sont « sans résultats » puisque mon suivi de ces affaires me démontre que, dans presque la moitié des cas où une entente n’est pas intervenue pendant la médiation, les parties et leurs avocats en arrivent, dans les deux ou trois mois suivants, à une entente.

      Comme je l’ai déjà écrit, la décision, et la responsabilité, de conclure, ou non, une entente à l’occasion d’une médiation revient aux parties et à leurs avocats.

      Le médiateur ne peut contraindre aucune partie à accepter une entente qui ne lui convient pas et, sauf dans de très rares exceptions, il est tout à fait inapproprié pour une médiatrice ou un médiatrice d'exercer quelque pression sur une ou plusieurs parties pour qu'elles acceptent ou concluent quelque entente.

      La responsabilité et le rôle de la médiatrice ou du médiateur sont d’assurer un environnement sécuritaire et confidentiel, ainsi qu’un encadrement professionnel du processus et du déroulement des échanges entre les parties facilitant la reprise d’une véritable communication et un travail commun de recherche d’une ou de solutions acceptables à la situation malheureuse dans laquelle elles se retrouvent.

      Quant à votre commentaire final de « has been », ayant maintenant dépassé 65 ans, je l’accepte tout en vous proposant de le compléter par l’ajout du mot « there », ce qui est une partie importante de ce j’offre comme médiateur commercial, soit l’expérience acquise tout au long de plus de 43 ans de pratique.

      Jean

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