Campus

Il faut repenser l’enseignement du droit

Main image

Julien Vailles

2018-01-17 15:00:00

La formation est-elle déficiente? Inadéquate? Incomplète? Cinq éminents juristes se questionnent sur comment enseigner le « droit de demain »…

Des éminents juristes se questionnent sur comment enseigner le « droit de demain »
Des éminents juristes se questionnent sur comment enseigner le « droit de demain »
Éminents, en effet. Étaient présents à cette table-ronde sous le thème « Enseigner le droit de demain », Juanita Westmoreland-Traoré, ancienne juge de la Cour du Québec et première magistrate Noire nommée au Québec, Jean-François Gaudreault-Desbiens, doyen de la Faculté de droit de l’Université de Montréal, Me Kim Thomassin, depuis un an première vice-présidente des affaires juridiques de la Caisse de dépôt et placement du Québec, Me Shahir Guindi, coprésident national d’Osler, Hoskin & Harcourt et finalement Louise Otis, ancienne juge de la Cour d’appel du Québec, médiatrice et arbitre en matière civile et commerciale et professeure auxiliaire à la Faculté de droit de l’Université McGill.

La table-ronde a été organisée par la Faculté et Thomson Reuters, et réunira les panélistes suivants :

L’animateur de cette soirée était Robert Leckey, doyen de la Faculté de droit de l’Université McGill, où se tenait justement l’événement.

Quels sont les plus grands défis des étudiants en droit? Comment peuvent-ils se démarquer? Comment réformer l’apprentissage autant des étudiants que des avocats qui pratiquent déjà? Autant de questions sur lesquelles se sont penchés les cinq panélistes.

Dispenser des services juridiques?

Mme Westmoreland-Traoré en appelle à son expérience de juge pour rappeler un fait important : de plus en plus de justiciables choisissent de ne pas être représentés, d’agir seuls devant les tribunaux. « Les coûts des services d’avocats sont probablement en cause, et même si ce n’est pas la seule raison, je crois que c’est la principale, soulève-t-elle. Peut-être y a-t-il là matière à faire intervenir des étudiants en droit, qui pourraient assister ces gens-là? »

Aussitôt, le débat est évidemment lancé sur la possibilité de donner l’autorisation aux étudiants de dispenser des conseils juridiques, comme c’est le cas dans le reste du Canada. Un projet de loi en ce sens est d’ailleurs présentement à l’étude. « Mais présentement, nos étudiants sont considérablement désavantagés, déplore M. Gaudreault-Desbiens. Il semble y avoir du sable dans l’engrenage du côté des ordres professionnels », croit-il.

Une formation déficiente?

Par ailleurs, Me Shahir Guindi a jeté tout un pavé dans la mare en suggérant que la formation des juristes québécois était peut-être insuffisante. « À ma connaissance, le Québec est la seule juridiction en Amérique du Nord où il n’est pas nécessaire d’avoir un premier diplôme avant d’entamer des études de droit. Les étudiants en droit sortent directement du cégep. Peut-être est-il temps de réformer cette manière de faire? » a-t-il lancé.

La réponse de Mme Otis ne s’est pas fait attendre. « J’ai ici un jeune qui est présentement chez Norton Rose, a-t-elle déclamé en pointant quelqu’un dans la salle. Vous savez quoi? Il sort directement du cégep! a-t-elle poursuivi. Et il est parmi les personnes les plus brillantes, les plus réfléchies que j’ai rencontrées dans ma vie! D’ailleurs, j’en suis moi-même, directement du cégep », a-t-elle rappelé.

L’ancienne juge à la Cour d’appel a quant à elle mis l’accent sur un élément : à sa connaissance, aucune faculté de droit au Québec n’offre de formation sur le droit international administratif, sur la fonction publique internationale, un domaine qui est pourtant en expansion fulgurante.

La table-ronde a été organisée par la Faculté et Thomson Reuters
La table-ronde a été organisée par la Faculté et Thomson Reuters
Me Thomassin a aussi soulevé un point intéressant : « les cabinets se fendent en quatre pour offrir des formations pertinentes qui conviennent aux critères de formation continue de 30 heures aux deux ans, indique-t-elle. Or, je paierais cher pour pouvoir simplement revenir suivre un cours, une formation particulière sur les bancs d’une faculté de droit, dispensée par des professeurs spécialisés! »

M. Gaudreault-Desbiens est intéressé par l’idée. Il tempère cependant en déclarant que dans certains domaines de pointe, l’université ne possède pas les compétences nécessaires à ces formations. Pourquoi ne pas faire des partenariats avec les cabinets dans ces situations? suggère-t-on.

«Évitez les cabinets d’avocats!»

Les panélistes en profitent pour y aller de conseils envers les futurs juristes. Me Thomassin met en garde contre les attentes toutes faites. « Les étudiants pensent souvent, en commençant un emploi, qu’ils feront A, B, C… La réalité est souvent tout autre et il faut savoir s’adapter », rappelle-t-elle.

« Surtout, évitez les cabinets d’avocats tant que vous le pouvez! lance pour sa part Me Guindi. Si vous travaillez dans un cabinet pendant un été après votre première année de droit, que pensez-vous que vous ferez? Des tâches ingrates, sans aucun doute. Au lieu de ça, apprenez à jouer d’un instrument de musique! Allez faire du travail humanitaire en Afrique! Grimpez le Machu Picchu, visitez le monde! » dit-il, arguant qu’on sous-estime l’atout que peuvent constituer les autres compétences d’un juriste.

Enfin, M. Gaudreault-Desbiens souligne que ce qu’il apprécie le plus des juristes en devenir, c’est leur propension à remettre en question certaines idées reçues. « Lorsque les jeunes proposent des choses, on leur demande : pourquoi? Et du tac au tac, ils rétorquent : pourquoi pas? », conclut-il.
12312

8 commentaires

  1. DSG
    Elephant in the room
    The major fallacy with law schools is that the professors consist primarily of academics with masters or doctorates but who never actually practiced law. Oftentimes they even teach stuff that is either outdated or impractical in the real world. Most students, who excelled in school simply account of "book smarts", find themselves unable to think on their feet and unable to adapt to real life situations. The best teachers I ever had were either retired lawyers or judges or active ones that taught in their spare time. Other than providing a basic understanding of fundamental legal concepts, they rest is pretty useless and quickly forgotten.

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 6 ans
      Impractical in the real world
      Une pensée affectueuse pour mon cours de "Droit bancaire" à l'Université Laval.

  2. Camille
    Camille
    il y a 6 ans
    The best teachers are practioners
    Come to Sherbrooke. Most of the teachers are practioners. We also have Coop, which means that internships are included during your studies.

  3. Anonyme
    Anonyme
    il y a 6 ans
    No magic solution
    Despite what Me Guindi stated about avoiding law firms at all costs, the reality of the situation is that most law students do not know enough about the actual practice of law. By forcing students into a coop program, or at least a work-study class in which they will be exposed to the realities of the the practice of law, students will be able to assess their decision to enter into the field or not, as well as their interest in a particular industry. The glamorization of the profession of law in the media has resulted in a larger-than-ever disconnect between fact and fiction, and EXPOSURE to the actual practice of law has become paramount so that those entering the field know what it is they are studying for.

    As for the issue of QC law faculties accepting students out of CEGEP, it is undoubtedly true that there are extremely talented lawyers across the province for whom having not undergone the undergrad/LSAT requirements that other North American jurisdictions have in place was not a hindrance.

    That being said, there is an access issue that must be discussed. In QC there is an astronomical amount of lawyers when measured on a per capita basis, and this, even when we take into account the relatively low pass rates for the QC bar (in comparison to the rest of NA). The effect of this is that jobs in the legal profession have become increasingly competitive, especially when we discuss the articling shortage. In addition, unfortunately, there is an unprecedented amount of young lawyers choosing to leave the legal profession shortly after having been called. The way I see it, an argument can be made that only the universities profit from this system. By enforcing the same undergraduate/LSAT requirements needed by the Common Law provinces and the US, we demand a certain level of dedication from those entering the programs and by then forcing those students to actually work in a legal office during their studies, they will simply be better suited to enter the job market.

    As I write this, I am also painfully reminding myself that Ontario's "articling crisis" is substantially worse that Quebec's, despite the undergrad requirement, but it does not diminish the fact that it is simply too easy to become a lawyer in Quebec. The average 22 year old who graduated with good grades but no concept of the profession's ethical, physical, mental and spiritual demands ends up taking jobs from those who may be better suited, yet given their age, have had the opportunity to make mistakes which, in turn, prohibit them from obtaining interviews.

    • DSG
      Super excellent
      Great analysis. There is one aspect of the current system that works extremely well: it is incredibly efficient in filtering out the bad lawyers. You can only get away with so much. You can fool them with good grades, make the right connections and create a smokescreen with loads of extra curricular activities. But if at the end of the day you suck, the profession will flush you out in a matter of years, if not months.

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 6 ans
      Students in law are highly profitable for the Universities and for the Bar
      You summarised my thoughts, except you forgot to mention the cash machine that is the Quebec Bar with all the fees involved, securing overly paid jobs...no way they will limit the admissions to the profession!

  4. Anonyme
    Anonyme
    il y a 6 ans
    Anonyme
    "« Surtout, évitez les cabinets d’avocats tant que vous le pouvez! lance pour sa part Me Guindi. Si vous travaillez dans un cabinet pendant un été après votre première année de droit, que pensez-vous que vous ferez? Des tâches ingrates, sans aucun doute. Au lieu de ça, apprenez à jouer d’un instrument de musique! Allez faire du travail humanitaire en Afrique! Grimpez le Machu Picchu, visitez le monde! » dit-il, arguant qu’on sous-estime l’atout que peuvent constituer les autres compétences d’un juriste."

    Any tips for people who aren't spoiled little rich kids?

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 6 ans
      Anonyme
      hahahah Loved the comment! Exactly my thoughts!!

Annuler
Remarque

Votre commentaire doit être approuvé par un modérateur avant d’être affiché.

NETiquette sur les commentaires

Les commentaires sont les bienvenus sur le site. Ils sont validés par la Rédaction avant d’être publiés et exclus s’ils présentent un caractère injurieux, raciste ou diffamatoire. Si malgré cette politique de modération, un commentaire publié sur le site vous dérange, prenez immédiatement contact par courriel (info@droit-inc.com) avec la Rédaction. Si votre demande apparait légitime, le commentaire sera retiré sur le champ. Vous pouvez également utiliser l’espace dédié aux commentaires pour publier, dans les mêmes conditions de validation, un droit de réponse.

Bien à vous,

La Rédaction de Droit-inc.com

PLUS

Articles similaires