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Droit de la famille : le gouvernement a manqué de courage, dénonce un juriste

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Radio -canada

2018-09-12 10:15:00

Il n’a pas tenté de réformer en profondeur un système législatif vieux de 40 ans « incohérent et anachronique »...

Le juriste Alain Roy, professeur à la Faculté de droit de l’Université de Montréal.
Le juriste Alain Roy, professeur à la Faculté de droit de l’Université de Montréal.
En matière de droit de la famille, le bilan du gouvernement de Philippe Couillard « est un désastre », selon le juriste Alain Roy, professeur à la Faculté de droit de l’Université de Montréal.

Le coprésident de la Commission citoyenne sur le droit de la famille estime que les libéraux n'ont pas eu « le courage » de réformer en profondeur un système législatif vieux de presque 40 ans, « incohérent et anachronique ».

Cette commission citoyenne, créée et soutenue par la Chambre des notaires du Québec, a prêté l'oreille aux propos de 150 personnes et organismes au printemps dernier, à l'occasion d'audiences tenues pendant huit jours dans six villes de la province. Les membres de la commission voulaient « prendre la mesure du fossé qui sépare les couples et parents des règles qui forment le droit substantiel de la famille ».

Dans le rapport qu'ils ont déposé mardi, les commissaires affirment que cet exercice leur a permis aussi de préciser « des limites ou des carences institutionnelles qui affectent le système de justice en matière familiale ».

En entrevue à Midi info sur ICI Première mardi, l'avocat, notaire et professeur Alain Roy, qui est aussi très impliqué dans le droit animalier, a affirmé que de réformer le droit de la famille suscitait « des questions sensibles ». À son avis, le gouvernement libéral du Québec n'a pas eu le « courage » d'enclencher « cet important chantier ».

Alain Roy rappelle qu'il avait présidé un comité réunissant dix experts qui avaient rendu, en 2015, un rapport fort attendu de 650 pages contenant 82 recommandations. Le comité, mis sur pied par le gouvernement du Québec, recommandait d'entreprendre une réforme législative de fond en comble pour placer l'enfant au coeur du droit familial.

« Tabletté, aucune suite », dit Alain Roy au sujet du sort qu'a réservé le gouvernement Couillard à cet outil de réflexion.

Le professeur de droit constate que, dans la campagne électorale en cours, « tous les partis politiques actuellement parlent de famille ». Les formations politiques s'engagent à « améliorer la vie des familles par différents programmes sociaux, différentes mesures, constate-t-il. Mais on oublie que la base, c’est le droit civil. Le droit de la famille contenu dans le Code civil ».

Et ce droit de la famille, datant de 1980, accuse son âge, explique M. Roy. Il n'a fait l'objet que d'une « petite réforme d'appoint » qui n'a pas suffi pour répondre aux situations que posent « les nombreuses configurations familiales qui cohabitent maintenant » dans notre société. « Quand on fait simplement du ''patchwork'' (...) on en vient finalement à une mosaïque complètement incohérente et c’est le portrait qu’on doit tracer aujourd’hui du droit de la famille », dit Alain Roy.

Le mariage comme critère premier

En quoi le droit de la famille est-il à ce point désuet?

C'est qu'en 1980, on avait « retenu comme critère, comme porte d’entrée du droit de la famille, le mariage », dit Alain Roy. À cette époque, pour vivre en couple et procréer, il fallait se marier. Les temps ont changé : à l'heure actuelle, 62 % des enfants au Québec naissent hors mariage et 40 % des couples sont en union de fait, cite le professeur Roy. Ce critère du mariage ne tient plus la route et « notre cible n'est pas la bonne », selon lui.
Pour illustrer son propos, Alain Roy expose les deux situations suivantes.

Deux conjoints de 65 ans qui se marient sont assujettis à des mesures de protection économique, comme le partage du patrimoine familial. « Une protection dont ils n’ont pas besoin », estime M. Roy. Chacun des conjoints, sans doute à la retraite, dispose de son fonds de pension respectif. « Leur relation en est une de pure conjugalité (...) et il n’y a pas de préjudice économique qui sera engendré par la relation de couple », dit-il.

À l’opposé, un couple dans la trentaine qui vit en union de fait avec trois enfants ne bénéficie d'aucune protection, fait-il valoir. Dans l'éventualité où la conjointe se retire du marché du travail pour s'occuper des enfants, la situation de cette mère sera d'autant plus précaire advenant une séparation.

« Il va falloir que quelqu’un se réveille » - Alain Roy

Dans ce droit de la famille en criant besoin de réforme, les familles recomposées, les couples ayant recours à la procréation assistée et toutes ces autres familles qui ne correspondent pas au modèle traditionnel « ne trouvent pas écho », dit Alain Roy.

« Si le prochain gouvernement n’a pas plus de courage que le gouvernement actuel, malheureusement on ne progressera pas beaucoup », prévient Alain Roy. Le droit privé de la famille, conclut-il, « c'est pas des cadeaux qu'on donne, ce sont des responsabilités qu'on crée (...) ».
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9 commentaires

  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a 5 ans
    Gérants d'épicerie
    Ce sont les Québécois qui manquent de courage, en maintenant au pouvoir un gouvernement de gérants d'épicerie, sans vision, sans ambitions. Aucun risque n'est jamais pris à l'égard de rien. Ne pas perdre de vote, ne pas risquer un tant soit peu d'indisposer la "base acquise", c'est la seule chose qu'ils veulent faire.

    Parce que c'est la seule chose que les Québécois veulent: maintenir leur petit confort à court terme.

    Qu'est-ce que la réforme du droit de la famille apporterait en termes de votes? E-RIEN.

    Est-ce que ça risquerait de faire des petites vaguettes? Mouais, peut-être ...

    Donc, ils font E-RIEN.

    Mais comme je le dis souvent, c'est un mal pour un bien: franchement, qui aurait voulu qu'une réforme de cette envergure soit pilotée par S. Vallée?

  2. Me(e)
    Me(e)
    il y a 5 ans
    Autres exemples
    Exemples d'incongruités:

    - en matière fiscale, le nouveau conjoint d'un parent détermine son admissibilité aux régimes sociaux (aide sociale, allocations, etc) en fonction du revenu familial, mais ce nouveau conjoint n'a pas de droits ni de devoirs à l'égard de l'enfant. Ainsi, un parent peut perdre beaucoup d'avantages sociaux à se mettre en couple et le nouveau conjoint n'aura pas l'obligation de combler ce manque à gagner. C'est l'enfant qui perd. ;

    - les lignes directrices fédérale et provinciale de fixation des pensions alimentaires pour enfants créent une inégalité selon qu'un parent réside au Québec ou à l'extérieur. Le salaire du parent gardien n'est pas calculé dans l'équation au fédéral alors qu'il l'est au provincial.

    - le fait que les arrérages de la PA peuvent être annulés mais on ne peut généralement réclamer une pension payée en trop. Le parent payeur est donc mieux de ne pas payer sa PA et demander l'annulation des arrérages, plutôt que de payer et de demander une réduction rétroactive, qui ne lui sera pas accordée;

    - le fait que l'annulation des arrérages peut être demandée pour les 6 mois précédant la demande selon le C.c.Q. mais qu'aucune limite n'existe selon la L.D.. Donc un ex-époux pourrait se faire annuler des années d'arrérages, versus un ex tout court qui doit rencontrer le critère d'impossibilité d'agir après 6 mois selon le C.c.Q.;

    - Le plus choquant, c'est qu'on peut imputer à un débiteur alimentaire un salaire s'il diminue de salaire, mais on ne pourra jamais imposer à un BS créancier d'aller travailler. Pis encore, le BS pourra demander au débiteur alimentaire d'imputer un salaire (même si dans les faits, il ne percevra pas grand chose en raison de son BS)

    - Un travailleur au salaire minimum en garde partagé avec un ex sur le BS devra payer à son ex une PA, alors que ce dernier sur le BS bénéficie d'une gamme d'avantages sociaux importante dont il n'a pas l'obligation de faire profiter à ses enfants (lunettes, dentiste, etc). Le débiteur qui travaille se trouve souvent plus désavantagé que le créancier sur le BS. Le travailleur devra demander au tribunal une ordonnance afin que le parent BS incluse les lunettes d'un enfant dans son programme, par exemple, ce qui n'est pas économiquement viable;

    - etc, etc, etc.

  3. DSG
    There you go...
    If anyone would know about these things it would be a person who never really practiced law and who spent most of his adult life in an institution, sheltered from the realities of the real world. Nevertheless I would like to know more. Is there any chance that he puts his findings in Recueil des cours and make it available at the university book store? I would also ask that it refer to articles of the CCQ as opposed to the Civil Code of Lower Canada, but I don't think they started teach that yet in the universities. No worries, I might still have my Table de Concordance.

  4. SBS
    les enfants, les grands perdants
    Dès que l'un des parents est de mauvaise foi les enfants perdent. Les enfants devraient être représentés dans les dossiers de PA car les avocats des parents ne représentent que les intérêts de leur client et se foutent carrément qu'à la fin de la journée ce sont les enfants qui perdent.

  5. Me(e)
    Me(e)
    il y a 5 ans
    trop vrai
    Une tactique connue de certain(e)s avocat(e)s est de prendre en otage la garde de l'enfant afin de négocier le patrimoine familial. Un père indisponible demande la garde exclusive de l'enfant à une mère qui a un service de garde et tout ce temps, tout ce qu'il veut c'est d'échanger la garde de l'enfant contre une renonciation au patrimoine. Encore trop d'avocats malheureusement jouent de cette façon et oui, je suis d'accord que les enfants devraient être représentés dans des dossiers les impliquant, tout comme ils le sont d'office en DPJ.

    Le problème dans ce cas n'est pas tant le système de justice, mais les avocats.

    Moi je favoriserais les CRA en matière familiale. J'ai eu beaucoup de succès en CRA et les clients étaient satisfaits.

    • SBS
      solution
      Ces avocats devraient perdre leur droit de pratiquer et les parents non gardien de ce genre devraient être déchu de leur autorité parentale et payer pour tous les frais engendrés par les parents gardiens.

  6. Anonyme
    Anonyme
    il y a 5 ans
    Choix?
    À moins que ce ne soit par choix?

    Le prof conclut avec son arrogance usuelle à la nécessité et a déjà décider que les mariés et conjoints de fait devraient avoir les mêmes droits et obligations.

    Mais Lola et Éric, ça fait un bout. Peut être que le choix de se marier ou non devrait encore vouloir dire quelque chose? Et que l'on devrait cesser d'infantiliser des adultes et chercher à les protéger contre eux-mêmes...

  7. Me(e)
    Me(e)
    il y a 5 ans
    précarité
    Oui, je suis pro-choix dans le cadre de la constitution du patrimoine. Toutefois, l'outil en place actuellement est "l'enrichissement sans cause" pour les conjoints de fait. Il devrait y avoir d'autres mécanismes qui tiendraient compte du temps passé par un parent à élever des enfants pendant que l'autre poursuit sa carrière et monte les échelons, puis qu'au sommet de sa carrière, bascule le parent qui a mis au rancart sa capacité de gain au profit de la famille. Les enfants risquent de vivre dans la précarité avec pour seul revenu une pension alimentaire pour enfants.

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 5 ans
      Hummm...
      Possiblement qu'une situation mitoyenne serait envisageable, mais la réalité est que de plus en plus "la femme qui reste à la maison et manque sa grande carrière", ça n'existe plus, c'est le modèle d'une autre génération. Certains conjoints font ce choix, mais il y en a quelques-uns dont la capacité de gagner de l'argent n'est pas affecté.

      L'attitude que le régime des gens mariés doit s'appliquer aux conjoints de fait me paraît ordinaire.

      Par ailleurs, je me questionne toujours sur "la valeur" du travail du conjoint qui fait moins d'argent. Par exemple, une associée d'un grand bureau a épousé un peintre en bâtiment qu'elle a rencontré après être justement devenue associée. S'ils divorcent, le patrimoine sera partagé. Comme c'est le travail de la dame qui aura payé la grosse maison dans le quartier cossu, qui s'enrichit?

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