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L’historique sexuel de retour à la Cour suprême

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Jean-francois Parent

2019-02-14 12:00:00

Pour la 3e fois de son histoire, le tribunal va se prononcer sur l’admissibilité de la preuve relative au comportement sexuel antérieur d’une victime d’agression.

De la pertinence de divulguer l'historique sexuel d'une victime.
De la pertinence de divulguer l'historique sexuel d'une victime.
Après Seaboyer en 1991 et Darrach en 2000, la Cour suprême entendait récemment l’affaire Goldfinch. Une nouvelle occasion pour la Cour de se pencher sur la pertinence de divulguer l’historique sexuel d’une victime d’agression.

Le nœud du problème : l’interprétation de l’article 276 du Code criminel concernant l’admissibilité de la preuve relative au comportement sexuel.
Mieux connue comme la disposition protégeant les victimes de viol, l’article 276 limite sévèrement l’admissibilité de l’historique sexuel d’une victime alléguée pendant les procès.

Acquittement

Dans une décision de première instance rendue en 2017 en Alberta, un homme accusé d’agression sexuelle avait été acquitté. Le juge avait admis comme preuve le fait que la victime alléguée avait eu avec lui des rapports consentis avant l’acte reproché.

Les deux parties s'étaient fréquentées quelques mois avant l’agression avant d'entretenir une relation occasionnelle amant-maîtresse. D’où, l'acquittement.

La Couronne avait fait appel, soutenant que le juge a fait une erreur en première instance et induit le jury en erreur quant à la crédibilité de la plaignante. La Cour d’appel de l’Alberta, d’accord avec la Couronne, avait donc cassé la décision de première instance et ordonné un nouveau procès l’été dernier.

C’est cette décision qui est maintenant examinée par le plus haut tribunal du pays. Plusieurs parties se sont jetées dans la mêlée, puisqu’il s’agit de baliser l’application de l’article 276.

L’accusé, Patrick John Goldfinch, représenté par la plaideuse Deborah Hatch, d’Edmonton, soutient que l’admissibilité de la preuve d’antécédent sexuel est pertinente, et ce même si elle relève d’une décision du juge et non d’une demande de l’accusé.

Car ce dernier n’avait pas demandé à ce que le comportement de son accusatrice soit mis en preuve pendant le procès.

Le jugement albertain

La défense fait valoir dans son mémoire d’appel à la Cour suprême que c’est pour éviter que le jury croit que la relation entre l’homme et son accusatrice ne soit que platonique que la juge Dawn Pentelechuk a voulu examiner le passé de la plaignante.

On a ainsi admis en preuve l’historique sexuel passé entre les deux parties, le tribunal estimant que l’importance du contexte dans cette affaire était avérée.

La décision d’admettre, ou non, des indices du comportement de la plaignante, est basée sur sa pertinence, soutient l’appelant dans son mémoire.

« La preuve n’a pas besoin d’être concluante ou déterminante, mais seulement d’être plus pertinente que dommageable », est-il écrit. Il fait aussi valoir que la Cour d’appel de l’Alberta a imposé un critère de pertinence beaucoup trop élevé dans son jugement ordonnant un nouveau procès.

La Couronne albertaine, elle, réitère dans son mémoire soumis à la CSC que l’historique sexuel des deux ex-amants évoque les deux mythes. Sans compter que la pertinence de la preuve est bien moindre que le dommage que son dépôt occasionne.

Elle était même prête à admettre la relation antérieure et le statut d’« amitié avec avantages » des deux parties, battant en brèche tout doute que pouvait avoir le jury que l’acte reproché soit intervenu entre deux inconnus.

La question de fond

Pour la Cour d’appel albertaine, on a failli au test posé par l’article 276, puisque l’évocation de l’historique sexuel et d’un consentement antérieur introduit l’idée que, si une victime a dit oui une fois, il est bien possible qu’elle dise oui une autre fois.

Et cela contrevient à l’esprit de l'article.

Pour l’essentiel, la Cour d’appel d'Alberta a estimé que l’admission d’une preuve de comportement sexuel pour informer le jury d’une relation amoureuse antérieure avait pour but d’inférer que le consentement était probable, ce qui revient à évoquer l’un des deux mythes interdits.

Et c’est pourquoi il faut recommencer le procès, ce à quoi l’accusé Patrick John Goldfinch s’oppose, et qui fait l’objet de sa requête à la Cour suprême.
C’est donc sur ces deux interprétations concurrentes de l’application de 276 que le plus haut tribunal du pays se penchera. Et balisera.
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2 commentaires

  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a 5 ans
    Les dés sont pipés
    "Une nouvelle occasion pour la Cour de se pencher sur la pertinence de divulguer l’historique sexuel d’une victime d’agression."


    Comme le(la) plaignant(e) est appelé(e) "victime d'agression", visiblement les dés sont pipés contre l'accusé.

    • CFF
      Victime d'agression
      En temps normaux je serais avec vous sur votre commentaire, mais l'accusé perd le bénéfice de la présomption d'innoncence dès le moment où un jugement est rendu à son encontre, c'est un principe reconnu dans la jurisprudence d'appel en matière criminelle.

      Ainsi, il n'est pas déraisonnable de prendre pour acquis sa culpabilité, à moins qu'il ne réussisse à démontrer l'erreur du juge l'ayant condamné, dont le fardeau lui revient.

      P.S. : Après relecture de l'article, je réalise qu'un acquittement a été prononcé en première instance et un nouveau procès en appel, donc le commentaire d'Anonyme sont pertinents, et les miens non.

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