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La survaleur personnelle n’est pas transférable

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Omar Hamade

2019-03-18 12:15:00

Les notions de survaleur personnelle et d’escompte pour personne clé sont importantes, même pour les avocats. Les comprenez-vous?

M. Omar Hamade, associé chez PSB Boisjoli.
M. Omar Hamade, associé chez PSB Boisjoli.
Bien que de nombreuses entreprises jouissent souvent d’une valeur associée à leurs actifs incorporels tels que son achalandage ou sa survaleur, les petites et moyennes entreprises possèdent, elles, ce que l’on pourrait qualifier de « survaleur personnelle ».

Nous avons tous entendu parler de ce type de situation : une petite entreprise exploitée activement est vendue et voit par la suite ses bénéfices diminuer de façon importante, ce qui l’amène au bord de la faillite. On entend souvent les clients dire : « Après son départ, ce n’était plus pareil ».

Bien que la survaleur soit généralement de nature commerciale (le nom de la marque, les listes de clients, une main-d’œuvre qualifiée et établie, le savoir-faire, etc.) et qu’elle puisse être transférée à de nouveaux propriétaires, la survaleur personnelle constitue quant à elle la valeur issue des efforts ou de la réputation d’une personne, laquelle se trouve bien souvent être celle qui a fondé l’entreprise.

La réputation et la rentabilité de l’entreprise sont par conséquent étroitement liées aux habiletés, aux compétences, à l’expertise, au rayonnement personnel et à l’esprit d’initiative de cette personne.

Dans le milieu juridique

On note communément cet état de fait dans le milieu juridique, où les avocats connus et hautement qualifiés entendent plus souvent leur téléphone sonner. Ces appels ne reposent que sur les compétences et les résultats obtenus antérieurement par ces individus, indépendamment du cabinet pour lequel ils travaillent.

Qu’en est-il alors lorsque les clients appellent le cabinet, et non pas un individu précis, et font affaire avec lui pour l’ensemble des services-conseils qu’il offre? Il s’agit alors de survaleur commerciale issue de la réputation bâtit à travers les ans, et de la force de la marque du cabinet en question. La différence réside dans le fait que la survaleur commerciale peut être vendue et donc transférée, tandis que la survaleur personnelle ne peut l’être.

Qu’il soit question de la vente d’une entreprise, d’une opération en lien avec une planification successorale ou encore dans le contexte d’une action en justice, cette dépendance à un seul individu nécessite son intégration dans le calcul de la valeur de l’entreprise, étant donné qu’elle ne peut être transférée de façon commerciale.

Il s’agit d’un important facteur de risque qui doit être pris en compte, soit : 1) en augmentant le taux de rendement requis des capitaux propres, ou 2) en diminuant la valeur calculée de l’entreprise par le biais d’un escompte pour personne clé.

Quelle que soit l’approche adoptée, elle doit être suffisamment étayée pour permettre aux lecteurs et utilisateurs de bien comprendre son fondement. Dans le cas contraire, une analyse superficielle où un escompte pour personne clé désignée de façon arbitraire et appliquée à la valeur de l’entreprise pourrait difficilement être défendue advenant une contestation de la valeur de la part des différents paliers de gouvernement et/ou un interrogatoire tenu dans le cadre d’une poursuite judiciaire par exemple.

Bien que chaque cas soit unique, les facteurs communément examinés lors de l’évaluation d’un escompte pour personne clé sont :

  • L’implication (tâches, responsabilités et compétences) de la personne clé dans l’entreprise. Il n’est pas rare de voir que, lorsque la personne clé doit être remplacée, deux (2) à trois (3) personnes doivent être embauchées pour suppléer aux mêmes tâches que celles de la personne clé;

  • La dépendance à la personne clé (qui peut être quantifiée grâce à une analyse de scénarios avant-après);

  • La qualité des relations, des connaissances et de la convivialité de la personne clé relativement aux comptes stratégiques, aux clients et aux fournisseurs. Souvent, les clients souhaitent faire affaire avec un seul individu en raison de la relation qu’il a développée avec lui, et ils lui sont extrêmement fidèles. Lorsque la personne clé quitte l’organisation, le client peut décider de faire affaire avec un nouveau fournisseur ou prestataire de services, étant donné que la relation était établie avec la personne clé et non pas avec l’entreprise elle-même;

  • L’identité de l’entreprise et son affinité avec la personne clé. Plus cette affinité est importante, plus le risque relatif à la personne clé est élevé. Une identité et une réputation telles peuvent être le résultat de décennies de dur labeur et ne peuvent tout simplement par être remplacées lorsque la personne clé quitte l’organisation;

  • La taille de l’entreprise (en général, plus l’entreprise est importante en taille, moins la personne clé a d’incidence sur la valeur de l’entreprise, comme l’illustre le schéma classique du « one-man show »); et

  • La démonstration de planification de la relève, d’assurance personne-clé et d’atténuation des risques.


Bien souvent, les escomptes pour personne clé présentent un caractère important en soi et constituent un élément essentiel d’appréciation d’une entreprise. Dans le cas très regrettable de la mort soudaine d’une personne clé, certaines entreprises sont touchées de façon irrémédiable et, dans certains cas, doivent être liquidées puisqu’elles ne sont plus en mesure d’assurer leur rentabilité.

Bien comprendre et bien estimer un tel escompte pour personne clé sont, par conséquent, indispensables à l’évaluation d’une entreprise exploitée activement par une ou quelques personnes seulement.

Omar Hamade est associé chez PSB Boisjoli. Il détient un diplôme d’études supérieures en comptabilité publique de Concordia, un titre de comptable professionnel agréé (CPA, CA), un titre d’expert en évaluation d’entreprises (EÉE) et un titre d’expert en juricomptabilité (CFF).
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