Entrevues

Les pros du cannabis!

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Diane Poupeau

2019-04-02 15:00:00

Beau filon pour les cabinets d’avocats que la légalisation du cannabis! Mais qui sont les nouveaux experts de « l'or vert »?

Me François Paradis.
Me François Paradis.
Le 17 octobre dernier, le Canada est devenu le deuxième pays au monde - après l'Uruguay - à légaliser le cannabis à usage récréatif. En plus de ses effets bien connus sur ses consommateurs, la marijuana comporte des effets financièrement euphorisants qui font planer le milieu économique québécois.

Pas étonnant, donc, que les avocats exploitent le filon. « Ce sont des dossiers qui sont avantageux financièrement », a confirmé à Droit-Inc Me François Paradis, associé chez Osler.

Selon une étude du cabinet Deloitte, le marché principal du cannabis - celui des ventes - pourrait représenter de 4,9 à 8,7 milliards de dollars par an. Le marché auxiliaire, qui comprend par exemple la sécurité ou le transport, atteindrait quant à lui plus de 22,5 milliards.

Et c'est sans compter des facteurs tels que les impôts, les frais de licence, le tourisme et les ventes d’accessoires…

Des groupes de pratique dédiés

Me Tricia Kuhl.
Me Tricia Kuhl.
Si le jeu en vaut la chandelle, le milieu juridique a dû s'adapter et s'organiser pour faire face à ce nouveau challenge. Nombre de grands cabinets ont mis sur pied des groupes de pratique dédiés.

Dès l'annonce du Premier ministre de son intention de légaliser le « pot » récréatif en 2016, le cabinet Blakes a créé une « initiative cannabis » regroupant des avocats qui avaient déjà oeuvré en matière de cannabis médicinal, nous a expliqué Me Tricia Kuhl, associée chez Blakes à Montréal.

Des avocats pratiquant dans d'autres domaines y ont été associés « pour s'assurer que chaque aspect du droit serait couvert par quelqu'un de spécialisé », a précisé Me Kuhl.

Osler a également mis en place une équipe dédiée, tout comme Langlois ou Stikeman Elliott.

Et les grands cabinets ne sont pas les seuls à avoir flairé le filon. Le cabinet Saraïlis, basé à Québec, a fondé en février 2018 une division spécialisée, SGF consultants en cannabis, exclusivement dédié à ce champ du droit.

« Il ne faut pas se cacher que nous sommes entrés dans le marché en faisant de la compétition aux grands bureaux, nous avons ajusté nos prix », explique Me Maxime Guérin, qui est à la tête de la division.

Et le cabinet, qui vise habituellement une clientèle de petites et moyennes entreprises, ne le regrette pas. « Ça représente beaucoup de dossiers, suffisamment pour faire vivre un secteur du bureau au complet », a précisé l'avocat.

Des équipes pluridisciplinaires

Me Maxime Guérin.
Me Maxime Guérin.
Le droit du cannabis a ceci de particulier qu'il couvre de multiples disciplines juridiques : du droit fiscal au droit commercial, en passant par le droit criminel, le droit de l'emploi ou encore le droit immobilier.

Les cabinets sont amenés à intervenir dans des dossiers variés : financement, fusions et acquisitions, étiquetage et commercialisation, délivrance de licences, préoccupations environnementales...

C'est donc en équipes pluridisciplinaires que les cabinets se sont organisés pour couvrir l'ensemble des problématiques de leurs clients.

« C'est parce que c'est une nouvelle industrie que ça touche tous les domaines possibles », explique Me Tricia Kuhl de Blakes. « Il y a des risques à considérer pour les investisseurs. Il faut s'assurer que toutes les lois sont respectées et qu'on est bien dans le cadre législatif ».

Des clients audacieux

Cette pluridisciplinarité n'est pas la seule caractéristique de ce nouveau champ du droit. « C'est un domaine où les choses vont excessivement vites, les joueurs ont un avantage à se positionner rapidement et ils sont confortables avec une certaine prise de risque », explique Me Paradis.

C'est justement là que les avocats interviennent. « Quand on combine vitesse et capacité à prendre des risques, le rôle de l'avocat est de mesurer ces risques et d'accompagner son client », précise-t-il.

D'autant que le cannabis n'est pas légalisé partout et les avocats doivent jongler avec les législations internationales. « Il y a des restrictions en matière de partenariats, il y a des risques à évaluer pour s'assurer qu'on n'est pas en conflit avec les lois d'autres pays », explique Me Kuhl.

La situation de précurseur du Canada pose des questions jusqu'au plan interne. Me Guérin indique ainsi que « les banques sont frileuses à parler cannabis quand elles sont accréditées au niveau fédéral américain ».

Une discipline nouvelle

Par ailleurs, la discipline est nouvelle, la jurisprudence rare et, sans repères, les avocats peuvent être amenés à naviguer à l'aveugle.

« On exploite une ou deux lois et c'est de la rédaction fédérale, donc il faut faire beaucoup d'interprétation », explique Maxime Guérin.

Pour pallier cette absence de références, Blakes organise des rencontres entre les avocats de leurs bureaux canadiens pratiquant dans le domaine. « Nous avons des rencontres de groupes pour partager nos expériences et échanger sur certaines questions car il n'y a pas de jurisprudence pour nous guider », estime Me Kuhl.

Même constat pour Me Paradis, qui indique que le cannabis est « encore un domaine où très souvent on va vouloir avoir un deuxième avis ».

Le cannabis représente toutefois un beau terrain de jeu pour les professionnels du droit. « C'est un domaine où il y a beaucoup d'innovation au niveau juridique, ça nous donne l'opportunité d'être novateurs et d'utiliser nos forces comme cabinet pour répondre aux besoins d'un client », estime Me Tricia Kuhl.

Il est vrai que ce n'est pas tous les jours qu'une nouvelle discipline juridique émerge.

Moins de dossiers pour les criminalistes!

Me Geneviève Grey.
Me Geneviève Grey.
Tout le monde semble y trouver son compte... mis à part les criminalistes. Mais ceux-ci s'en réjouissent.

Me Geneviève Grey pratique le droit criminel à Montréal chez Grey Casgrain. Elle s'intéresse particulièrement à l'impact de la légalisation du cannabis. Elle a logiquement constaté des changements depuis octobre.

« Il n'y a plus de causes pour possession simple. Elles visaient surtout les minorités visibles donc c'est une bonne chose », explique l'avocate. Elle n'a pas non plus encore eu à connaître de causes portant sur des cas de conduite avec les facultés affaiblies à cause du cannabis.

Elle a toutefois constaté un nouvel enjeu touchant les relations entre bailleurs et locataires. « On voit des cas où les propriétaires envoient des avis à leurs locataires pour leur interdire de fumer du cannabis alors que les cigarettes sont permises », déplore-t-elle.

De nouvelles parts de marché à venir

D'une manière plus générale, cette nouvelle discipline juridique est encore amenée à se développer.

« En octobre 2019, tout ce qui est concentré et extraction alimentaire va entrer en vigueur et ça va représenter de nouvelles parts de marché », se réjouit Me Guérin.

À titre de comparaison, aux États-Unis, le marché du cannabis a changé de visage avec la commercialisation de ces produits. Le marché actuel, celui du cannabis qui se fume, pourrait même ne plus représenter que 20 % du secteur.

De nouveaux défis attendent donc les avocats, de nouvelles opportunités aussi!
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1 commentaire

  1. Jean-Pierre Bayalla
    Jean-Pierre Bayalla
    il y a 2 ans
    Producteur
    Bonjour,
    Je suis intéressé par la production et la vente du cannabis , je voudrais des informations par rapport à l’obtention de la licence.

    Merci de me contacter au 613 890 0261

    Cordialement

    Jean-Pierre Bayalla

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