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Ottawa accuse le gouvernement Legault d’allonger les délais d’immigration

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Radio -canada

2019-09-10 14:00:00

Réduire les seuils d'immigration au Québec a des conséquences sur le traitement des dossiers à Ottawa, indique le gouvernement fédéral. Des avocats commentent...

 François Legault. Photo : Radio-Canada.
François Legault. Photo : Radio-Canada.
Les délais de traitement pour faire venir des immigrants au Québec sont « plus longs » en raison de la décision de Québec de réduire le nombre de nouveaux arrivants admis dans la province, explique le gouvernement fédéral. Un travailleur qualifié étranger doit désormais attendre près de deux ans pour obtenir sa résidence permanente, après avoir déjà patienté pour être sélectionné par Québec.

Ces dernières semaines, plusieurs avocats en droit de l'immigration ont questionné Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) en raison de délais de traitement qu'ils jugeaient anormalement longs pour leurs clients.

En réponse, le ministère fédéral de l'immigration leur a envoyé une lettre mentionnant un « arriéré » causé par une diminution « du nombre de places allouées par Québec ».

C’est la première fois, selon ces avocats, qu’Ottawa mentionne publiquement un tel argument, en mettant l’accent sur la décision prise par Québec d'abaisser les seuils d'immigration et ses conséquences.

Pour 2019, tel que promis en campagne électorale, le gouvernement de François Legault a décidé de diminuer à 40 000 le nombre de nouveaux arrivants admis dans la province, soit une baisse de plus de 20 % par rapport aux années précédentes.

Bien que ce chiffre doive remonter d’ici 2022, puisque Québec envisage un retour progressif à environ 50 000 immigrants, cette décision entraîne des retards dans le traitement des dossiers et, par conséquent, dans l’arrivée de résidents permanents disponibles sur le marché du travail.

Un système d'immigration en deux étapes
En vertu d'un accord entre le Canada et le Québec, la province peut choisir elle même une partie de ses immigrants. Les candidats à l'immigration permanente doivent obtenir au préalable un Certificat de sélection du Québec (CSQ), qui est délivré en fonction de plusieurs critères, comme l'âge, les diplômes ou l'expérience du candidat.

Une fois ce CSQ en main, les candidats doivent l'envoyer à Ottawa qui effectue une vérification des antécédents judiciaires et demande des tests médicaux, avant d'octroyer une résidence permanente. Celle-ci permet de travailler et de s'installer n'importe où au pays. Ce sont les délais concernant cette deuxième étape qui sont décriés à l'heure actuelle.

Dans la catégorie des travailleurs qualifiés, il faut désormais compter 22 mois avant d’obtenir la résidence permanente, délivrée par Ottawa, contre 19 mois en février. Ce délai s’ajoute au temps nécessaire pour obtenir le CSQ, puisque la province a la possibilité de sélectionner ses propres immigrants économiques.

Dans un courriel adressé à Radio-Canada, le gouvernement fédéral ne cache pas, par ailleurs, que ces délais pourraient encore être revus.

''« Puisque le nombre de demandes à traiter destinées au Québec a été réduit conformément au plan des niveaux d’immigration du Québec pour 2019, cela a eu une incidence sur l’inventaire [la liste d'attente] des demandes d’IRCC et devrait allonger les délais de traitement de ces demandes », indique Rémi Larivière, porte-parole d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada.''

Des avocats dénoncent cette situation
Selon l’avocat montréalais en droit de l’immigration, Stéphane Handfield, cette situation est déplorable.

Il n’y a pas que l’immigration économique qui est visée, mais aussi la réunification familiale, précise-t-il. On parle de gens séparés, des conjoints, qui vont l’être encore longtemps en raison de cette décision.

''« Le gouvernement du Québec va rehausser les seuils, mais le tort est déjà fait. En diminuant les seuils, c’est un cercle vicieux qui a débuté, avec une augmentation des délais qui va encore empirer », lance Stéphane Handfield, avocat en droit de l’immigration.''

Dans la catégorie des parrainages d’époux, le gouvernement canadien s’était d’ailleurs engagé, au début de 2018, à réduire les délais, afin de ne pas faire patienter les couples plus d’un an. Il s'agissait d'une promesse électorale de Justin Trudeau.

Ce délai est dépassé, déplore quant à lui l’avocat David Chalk, qui n’hésite pas à dénoncer également la décision d’Ottawa d’accepter la volonté de Québec de réduire ses seuils.

Dans un contexte électoral, je peux comprendre que le gouvernement fédéral accepte cette décision, mais il doit aussi l’assumer. Là, on parle d’humanitaire, de couples séparés.

Principe du « premier arrivé, premier servi »

Alors que Québec vient de lancer son nouveau système nommé Arrima, Ottawa ne devrait cependant pas prioriser ces futurs travailleurs étrangers qui seront sélectionnés par la province. Nous traitons généralement les demandes selon le principe du premier arrivé, premier servi, assure Rémi Larivière, porte-parole du ministère fédéral de l’Immigration.

Ottawa préconise par ailleurs une hausse des cibles. Le gouvernement fédéral estime qu’il est important d’augmenter les niveaux d’immigration pour répondre aux pénuries de main-d’œuvre et au vieillissement de la population , ajoute-t-il.

Un inventaire pourtant très ancien

Cette inquiétude liée à la baisse des seuils avait déjà été évoquée par le milieu des affaires. Dans son mémoire déposé en août, destiné aux consultations pour fixer les prochains seuils d’immigration, le Conseil du patronat du Québec (CPQ) réclamait une rapide hausse des seuils pour éviter un goulot d’étranglement.

Ces trop longs délais sont problématiques autant pour les candidats que pour les employeurs. Il faut diminuer les délais au fédéral et donc réduire l’inventaire, écrivait le CPQ, en évoquant un problème qui pourrait durer encore plusieurs années.

Ce délai reflète bien l’échec de l’approche du Parti libéral du Québec ces 15 dernières années. Ils ont créé un inventaire tant au niveau québécois qu’au niveau fédéral, défend Marc-André Gosselin, attaché de presse du ministre de l’Immigration, Simon Jolin-Barrette.

Cet inventaire est effectivement ancien et ne date pas de l’arrivée au pouvoir de la Coalition avenir Québec (CAQ). Les délais avaient déjà augmenté ces dernières années. Il fallait, par exemple, compter environ 14 mois à la fin de 2017 pour les travailleurs qualifiés voulant obtenir cette résidence permanente auprès d’Ottawa.

Tel que l’avait rapporté Radio-Canada en février, plus de 41 000 dossiers de travailleurs qualifiés étaient en attente de traitement au début de 2019 dans les bureaux du gouvernement fédéral. Ce nombre était de moins de 25 000 trois ans plus tôt.

Le précédent gouvernement libéral avait alors sélectionné bien plus de candidats qu’il n’y avait de places disponibles annuellement pour être admis dans la province. Ces personnes devaient ainsi attendre l’année suivante, créant ainsi un inventaire important, comme l'illustrait un graphique publié en début d'année.

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Par ailleurs, le gouvernement Legault promet de diminuer quantitativement les délais de la sélection québécoise.

Avec Arrima, nous avons réduit le délai de traitement pour un candidat à l’immigration de 36 à 6 mois, précise Marc-André Gosselin.

Des négociations toujours en cours

Depuis plusieurs mois, Québec tente activement d’augmenter ses pouvoirs en matière d’immigration. À l'aube de la campagne électorale fédérale, François Legault ne cache pas ses revendications.

''« On souhaite que le Québec ait plus d'autonomie en matière d'immigration et de francisation des immigrants, même de sélection. On veut être capable d'ajouter une condition sur le test de français », avait indiqué François Legault, le 4 septembre 2019.''

L’équipe de Justin Trudeau a déjà fait part de son opposition à de telles conditions, alors que les conservateurs d’Andrew Scheer ont montré de l’ouverture face aux demandes québécoises.

Le gouvernement de François Legault souhaite notamment avoir « l’entière responsabilité » de réaliser l’étude d’impact économique visant les travailleurs étrangers temporaires et faire passer de un à deux ans le permis de travail dans ce programme.

« Nous souhaitons réduire la paperasserie pour faciliter et accélérer le processus pour les entreprises et les travailleurs », indique Marc-André Gosselin.
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