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Bouchard Vs Charest 2.0

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éric Martel

2019-10-23 15:00:00

Au lendemain des élections, deux anciens premiers ministres ont discuté d’enjeux actuels et de leur relation, ponctuée de hauts et de bas… Droit-inc était sur place.

Mes Lucien Bouchard et Jean Charest. Photo: Fondation du Barreau
Mes Lucien Bouchard et Jean Charest. Photo: Fondation du Barreau
La soirée est pluvieuse. Des dizaines de gens se partagent parapluies, potins et sourires devant le Théâtre Saint-James du Vieux-Montréal.

L’enthousiasme est palpable: deux anciens premiers ministres, Mes Jean Charest et Lucien Bouchard, seront sur scène afin de prononcer ce qui doit être une conférence sur la justice participative, intitulée « Comment travailler avec ses adversaires? »

Qui de mieux pour se prononcer sur le sujet qu’un fédéraliste et un souverainiste dans l’âme, qui ont eu à cohabiter dans la sphère politique pendant des dizaines d’années?



On annonce salle comble en vue de ce choc de titans. Et cette salle n’est pas remplie par n’importe qui!

Du côté de la magistrature, on retrouve les honorables Suzanne Côté de la Cour suprême, Benoît Moore de la Cour d’appel et Jacques R. Fournier de la Cour Supérieure.

Les universitaires sont également bien représentés, alors que les doyens Robert Leckey (McGill), Hugo Cyr (UQAM), Geneviève Cartier (UdeS) et Marie-Ève Sylvestre (UOttawa) sont sur place.

Sans oublier le député de Chapleau, Me Mathieu Lévesque, et les bâtonniers du Québec, Paul-Matthieu Grondin, de Montréal, Alexandre Forest et de Québec, Louis Riverin.



Les convives s'installent, et après avoir mangé sous une pluie de longues introductions, voient les deux anciens premiers ministres prendre place.

Le niveau d’attention monte soudainement dans la salle lorsque Yolande James, ex-députée libérale de Nelligan, et modératrice de la soirée prend la parole.

« C’est un très grand privilège d’être votre modératrice, même si j’ai un peu beaucoup peur! » s’exclame-t-elle, sous les rires de la foule.

Sans tarder, elle pose l’une des quatre seules questions qu’elle aura le loisir de poser, considérant la loquacité de ses invités.

« Parlons des élections. Dans un contexte de besoin de collaboration, quel conseil donneriez-vous au premier ministre du Canada? » demande-t-elle.

« On avait dit pas de discussions politiques! » s’exclame Lucien Bouchard en riant, et surtout en ignorant qu’il passera la majorité de l’heure suivante à jacasser de politique.

Me Bouchard rappelle alors que le rôle principal d’un premier ministre est d’unir le pays, et signale donc l’importance de rallier les autres ministres fédéraux ainsi que ceux des provinces.

« Le grand mythe canadien s’est bâti autour des programmes sociaux, clame-t-il. Il faut regarder plus haut que les intérêts partisans dans les négociations politiques. »

Jean Charest intervient, en rappelant qu’il a déjà été à la tête d’un gouvernement minoritaire en 2007. Au passage, il critique la réaction de Justin Trudeau à son élection, qu'il n’a pas jugé à l’écoute d’un Canada divisé.

« Quand l’électorat prend une décision, il est important de leur dire “je vous écoute. Je vous ai entendu. J’accepte ce que vous venez de me dire et j’agirai en conséquence.” »

Me Charest regarde la foule, et critique: « Il n’y a pas eu de débats sur de grands enjeux lors des élections, et on peut se le dire honnêtement, c’est un peu décevant. »

Flammèches

L’ancien premier ministre libéral enchaîne en soulignant que l’occasion est bonne pour les premiers ministres provinciaux de prendre leur place, notamment sur les questions des pipelines, et de la laïcité.

« Moi, je suis contre la loi 21 », tranche ensuite Me Bouchard, sous les applaudissements de la foule.

Me Laura Cardenas, Me Laurence Bich-Carrière, Me Anne-Marie Beaudoin, présidente de la Fondation, Yaell Emerich et Me Pascal Fréchette  Photo : Fondation du Barreau
Me Laura Cardenas, Me Laurence Bich-Carrière, Me Anne-Marie Beaudoin, présidente de la Fondation, Yaell Emerich et Me Pascal Fréchette Photo : Fondation du Barreau
Le fondateur du Bloc québécois ajoute toutefois que démocratiquement, il serait préférable pour le gouvernement fédéral de ne pas critiquer cette loi, point de vue auquel Me Charest ne tarde pas de riposter.

« Moi aussi je suis contre la loi 21. Mais nous vivons dans une société dans laquelle je préfère vivre un certain malaise plutôt que d’imposer des restrictions à la population », répond Jean Charest, en ajoutant qu’il est important que le gouvernement fédéral se penche sur la question.

« Ça, c’est la thèse d’un vrai fédéraliste à Ottawa », lui lance Lucien Bouchard, sous un fort support des juristes présents.

Complicité et respect

Mais ne vous fiez pas aux apparences: certes des pointes ont été lancées au cours de la soirée, mais les deux monuments politiques se sont surtout adressé des louanges.

Jean Charest a notamment vanté la qualité des discours de son ancien adversaire.

« J’ai appris de vous, remercie Lucien Bouchard, d’un ton un peu moqueur. Au début, je faisais mes discours comme si je parlais devant la cour. J’étais tellement plate! »

L’associé de Davies a ensuite raconté qu’il lui arrivait d’appeler son homologue, lorsqu’il n’avait pas eu le temps de l’interpeller lors de la période des questions, pour avoir son opinion sur quelques enjeux.

« Je n’avais pas la même relation avec les autres chefs », assure Me Bouchard.

«On ne s’est jamais insultés. On était toujours capable de se parler » renchérit Jean Charest, même s’il avait avoué plus tôt que les deux hommes n’avaient pas discuté pendant quelques années après l’Accord du lac Meech.

Justement, la collaboration de tous les avocats à cette soirée a permis à la Fondation du Barreau d’amasser 150 000 dollars. Cette somme servira en partie à la réaliser un nouveau guide pour aider les citoyens à mieux comprendre les modes de préventions et de règlement des différends.

En contexte de gouvernement minoritaire, espérons que M. Trudeau et Scheer sauront prendre note de cette soirée, question de régler et prévenir leurs différends…

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