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Choisir Juripop plutôt qu'un gros cabinet

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Delphine Jung

2019-11-05 15:00:00

Dix ans déjà pour Juripop! Droit-inc s'est entretenu avec sa directrice générale et l'un de ses fondateurs qui dressent un bilan de l'organisme...

  Sophie Gagnon, la directrice générale, et Marc-Antoine Cloutier, l'un des cofondateurs de Juripop. Photos : LinkedIn de Sophie Gagnon, sites Web de Trivium Avocats et de Juripop.
Sophie Gagnon, la directrice générale, et Marc-Antoine Cloutier, l'un des cofondateurs de Juripop. Photos : LinkedIn de Sophie Gagnon, sites Web de Trivium Avocats et de Juripop.
Juripop fête ses 10 ans. Dix ans de services juridiques, dix ans de combat pour un meilleur accès à la justice. Au départ, ils étaient trois étudiants de l'UQAM : Marc-Antoine Cloutier, Katherine Pelletier et Julien-David Pelletier. Durant leur première année, ils ont appris que quelqu'un qui travaille au salaire minimum à temps plein était considéré trop riche pour bénéficier de l'aide juridique. Ils ont donc décidé de fonder Juripop pour répondre à tous les segments de la population qui sont oubliés par notre système juridique. Depuis, l'équipe s'est agrandie au même rythme que le nombre de citoyens qui ont pu bénéficier de l'aide de l'organisme.

L'an dernier Juripop a aidé près de 5000 personnes à travers ses différents projets. La première année de son existence, il y avait 32 bénévoles. Aujourd'hui ils sont 300.

Droit-inc a rencontré Sophie Gagnon, la directrice générale, et Marc-Antoine Cloutier, l'un des cofondateurs.

Qu'est ce qui a changé en matière d'aide juridique ces dix dernières années?

Sophie Gagnon : L'une des plus grandes victoires de l'aide juridique c'est que les seuils d'admissibilité sont désormais arrimés avec le salaire minimum. Donc, à chaque fois qu'il y a des augmentations de salaire minimum au Québec, les seuils d'admissibilité à l'aide juridique suivent, de telle sorte qu'aujourd'hui, quelqu'un qui travaille 35 heures par semaine au salaire minimum a accès au volet gratuit de l'aide juridique.

Il faudrait aller plus loin selon vous… Que faudrait-il encore faire ?

Sophie Gagnon : Revoir les seuils d'admissibilité ça aiderait. Les personnes qui travaillent plus que 35 heures par semaine n'ont pas accès au volet gratuit de l'aide juridique. Je voudrais que le Québec accorde plus de financement à son système de justice en général, ainsi qu'aux organismes communautaires. Au Québec, le ministère de la Justice distribue moins de financement que dans les autres provinces et on n'a pas de financement pour notre mission de base.

Marc-Antoine Cloutier : Quand j'ai fondé Juripop on faisait juste de l'information et on s'est rendu compte que le principal problème était que les gens avaient besoin de représentation juridique, C'est l'élément le plus manquant au Québec. Oui, il faut augmenter la couverture de l'aide juridique, encourager le pro bono, mieux subventionner certains services, etc.

Que pensez-vous de l'idée de permettre aux étudiants de donner des conseils juridiques ou signer certains actes, serait-ce une solution ?

Marc-Antoine Cloutier : C'est nécessaire et c'est même l'une de nos principales revendications actuelles. Le monopole des avocats sur la profession est un problème pour l'accès à la justice. La rareté du service crée le prix et il y a, de notre opinion, certains travaux qui peuvent être faits par des étudiants en droit ou des avocats à la retraite. Ils sont formés et ils pourraient poser certains actes, comme c'est le cas en Ontario, a des prix moindres, ou encore pour des organismes à des buts non lucratif, encadrés par le Barreau, et cela permettrait à un plus grand nombre de personne d'avoir accès à la justice. On les empêche pour des questions d'assurance, mais nous on pense qu'on peut remédier à ça, en donnant une sorte d'accréditation.

Cela fait 10 ans que vous existez, mais on sait que les temps peuvent être parfois dur pour les organismes. Comment est-ce que vous survivez ?

Sophie Gagnon : C'est un défi de tous les instants. On est en plein dans la plus grande campagne de financement de notre histoire. Donc en ce moment, on sollicite les dons et on organise des soirées de financement comme celle qui aura lieu le 20 novembre au Marché Bonsecours, sous la présidence d'honneur du juge Wagner. Un événement comme celui-là nous permet d'aller chercher à peu près 10 % de nos revenus. C'est vraiment essentiel à la poursuite de nos activités. Nous avons aussi le soutien d'entreprises et on reçoit du financement pour différents projets. La difficulté pour les projets est que le financement n'est pas souvent récurrent. C'est difficile, car les projets fonctionnent bien, mais après on se retrouve un peu le bec à l'eau la deuxième année. Les pouvoirs publiques sont presque systématiquement intéressées à des nouveaux projets. Et c'est vrai pour beaucoup d'organismes qui s'occupent d'offrir un meilleur accès à la justice.

Cela dit, on a reçu cet été une subvention de près de 2 millions de dollars de la part du Canada, répartis sur cinq ans, pour offrir des services juridiques à toutes les personnes victimes de harcèlement sexuel et psychologique au travail. C'est historique pour nous. Cela va nous permettre de vraiment de prendre notre temps pour construire un projet qui réponde aux besoins de la population.

Quelles sont les personnes qui ont le plus de difficultés à avoir un accès à la justice?

Sophie Gagnon : Ceux qui vivent dans la pauvreté, qui vivent une grande précarité sociale. Il y a aussi les nouveaux arrivants et les personnes sans statut qui craignent d'utiliser des programmes publics parce qu'on peut les arrêter à tout moment. Les autochtones aussi, car c'est une population qui est très criminalisée.

Est-ce qu'il y a des programmes qui ont marqué l'histoire de Juripop ?

Sophie Gagnon : Ce qui nous distingue c'est qu'on offre des services juridiques en étant les premiers répondants. On répond rapidement et on se déplace sur le terrain pour aller à la rencontre de la population. Par exemple, lorsqu'il y a eu la tragédie de Lac-Mégantic, dès le lendemain, Juripop avait des avocats sur place pour répondre aux questions de la population. On a fait preuve de la même réactivité avec le mouvement Moi Aussi. On en a déployé des cliniques juridiques et sociales où les victimes d'agressions sexuelles pouvaient rencontrer un avocat et un travailleur social gratuitement, et de manière confidentielle. On s'assure d'être là quand il faut, où il faut.

Vous parlez d'accès à la justice, d'aider les plus démunis, etc. Est-ce que Juripop rassemble les juristes de gauche?

Sophie Gagnon : Je n'utiliserai pas le terme «de gauche», mais nous sommes des avocats progressistes qui avons à cœur la justice sociale.

Marc-Antoine Cloutier : C'est difficile pour moi de dire s'ils sont à gauche, mais ils sont sensibles à l'accès à la justice. Les avocats qui choisissent Juripop le font sûrement par valeurs sociales.

Comment faites-vous pour recruter? J'imagine qu'entre un salaire à Juripop et un salaire dans un gros cabinet ce n'est pas la même chose...

Sophie Gagnon : Vous avez raison, mais regardez, moi je travaillais chez Norton Rose et je suis partie chez Juripop parce que je trouvais que c'était une organisation vraiment unique en matière d'accès à la justice au Québec. Et ça, pour moi, ça vaut beaucoup de dollars sur un chèque de paie. À chaque fois qu'on a des postes ouverts, on a le privilège d'avoir beaucoup de candidatures de qualité, car il y a beaucoup de personnes qui sont motivées par les questions de justice sociale. C'est sûr que ce n'est pas le même salaire que de travailler au centre-ville, mais je dirais que rendre service et contribuer au bien public ça vaut beaucoup de dollars.

Marc-Antoine Cloutier : Il nous choisissent par la nature des défis, on a de beaux dossiers puis on a un impact sur la vie du monde. C’est intéressant d'avoir un boulot qui te permet de faire la différence dans la vie de quelqu'un.

Qu'est ce qu'on peut vous souhaiter pour l'avenir?

Sophie Gagnon : On voudrait que l'accès à la question de l'accès à la justice reste à l'ordre du jour. C'est pour ça qu'on intervient dans les médias, qu'on continue à sortir pour aller à la rencontre des gens. Malheureusement, la justice à toujours été le parent pauvre dans notre démocratie au Canada.

On s'apprête aussi à déménager à Montréal, dans l'arrondissement Ville-Marie. Ça fait deux ans qu'on est à Saint-Constant, sur la Rive-Sud de Montréal.

Marc-Antoine Cloutier : On a des projets intéressants, je suis très rassuré sur la pérennité de l'organisation. Il faut maintenant diversifier notre offre à travers tout le Québec avec les nouvelles technologies. Notre action est concentrée sur un certain territoire alors que l'accès à la justice est un problème québécois, alors on a le projet de rassembler des avocats qui sont prêts à prendre des mandats partout au Québec pour étendre nos services. Je suis fier de ce qu'on a fait ces 10 dernières années, mais j'ai aussi hâte aux 10 prochaines...
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