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Affaire Mike Ward : une occasion pour la CSC d’enfin prévoir une exception artistique ?

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Maxime St-hilaire

2019-12-02 12:00:00

Ce prof de droit de l’Université de Sherbrooke se questionne à savoir si l’affaire Mike Ward ne serait pas l’occasion pour la CSC de prévoir une exception artistique.

 Maxime St-Hilaire, prof de droit de l’Université de Sherbrooke. Photo : Site Web de l’Université de Sherbrooke
Maxime St-Hilaire, prof de droit de l’Université de Sherbrooke. Photo : Site Web de l’Université de Sherbrooke
Le printemps dernier, la revue d’art actuel Inter faisait paraître un numéro consacré à La disparition de l’exception artistique. Dans un texte préparé avec la collaboration de Chantal Bellavance, j’y expliquais ce qui suit.

Malheureusement, le droit québécois de la discrimination ne prévoit pas clairement d’exception artistique. Une telle exception n’est pas prévue dans le texte de la ''Charte des droits et libertés de la personne'' du Québec. Quant à la jurisprudence, si en théorie elle reconnaît que la liberté d’expression comprend celle d’expression artistique, en pratique elle admet la thèse voulant que cette liberté doive parfois céder le pas à d’autres droits, tels le droit à l’image que comprend celui à la vie privée (affaire des Éditions Vice-Versa) ou encore le droit à la non-discrimination (affaire Mike Ward). Dans l’affaire du film sur « Monica La Mitraille », où la question du rapport de la liberté d’expression artistique au droit à la vie privée aurait pu se poser, la Cour supérieure a plutôt tranché au motif principal que les craintes des sœurs de l’héroïne étaient sans fondement et prématurées, et au motif subsidiaire que l’ordonnance demandée par ces dernières, en l’occurrence celle de « supprimer toute scène de nature à porter atteinte à leur vie privée et à leur réputation », ne satisfaisait pas aux exigences de clarté et d’intelligibilité du droit judiciaire relatif à l’injonction. C’est donc bien dire qu’il n’existe pas, chez nous, d’exception artistique.

À la majorité plutôt que de manière unanime, la Cour d’appel du Québec vient tout juste, dans cette même affaire Mike Ward, de confirmer ce mauvais état de notre droit, et ce dans les mots suivants: « L’humour est une forme d’expression artistique visée par la liberté d’expression. Il s’agit même parfois d’une façon efficace de véhiculer des messages. Mais les humoristes, tout comme les artistes, ne bénéficient pas d’un statut particulier en matière de liberté d’expression » (par. 198).

Sur les raisons pour lesquelles cet état de notre droit est malheureux, rétrograde même, j’invite mon lecteur à consulter ce numéro d’Inter, qui d’ailleurs regorge de références à des travaux récents. Souhaitons que l’affaire qui nous occupe se retrouve devant la Cour suprême, et que celle-ci saisisse l’occasion de corriger le tir.

Maxime St-Hilaire est professeur agrégé à l’Université de Sherbrooke. Docteur en droit de l’Université Laval, il enseigne depuis 2010. Ses domaines de prédilection sont le droit constitutionnel et la philosophie du droit. Il est co-directeur et contributeur régulier d'À qui de droit, le blogue de la Faculté de droit de l'Université de Sherbrooke.

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