Karim Renno

La novation par changement de dette nécessite une intention claire d’éliminer la dette initiale

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Karim Renno

2020-04-01 13:15:00

Ce n’est parce qu’il y a changement de dette qu’il y a nécessairement novation, explique Karim Renno...

Karim Renno est associé fondateur du cabinet Renno Vathilakis Inc
Karim Renno est associé fondateur du cabinet Renno Vathilakis Inc
Sur ''À bon droit'', nous avons déjà discuté des enseignements des tribunaux québécois en matière de novation par changement de dette. Si celle-ci est indéniablement possible, il n'en reste pas moins que l'on doit retrouver une intention claire de la part des parties d'éliminer la première dette et la remplacer par une nouvelle dette, incompatible avec la première.

C'est ce que nous rappelle l'Honorable juge Jérôme Frappier dans l'affaire Jamaleddine c. Jamaleddine (2020 QCCS 918).

Les Demandeurs dans cette affaire réclament la somme de 334 557,55$ en vertu d'un contrat de prêt intervenu avec le Défendeur. Ce dernier conteste au motif que ce contrat de prêt a été remplacé par un autre contrat qui prévoit un solde moindre pour le prêt (124 000$). Saisi de l'affaire, le juge Frappier doit déterminer si la prétention du Défendeur qu'il y a eu novation de dette est supportée par la preuve.

À ce chapitre, le juge Frappier note que les conditions de la novation de dette sont strictes et que la partie qui l'allègue doit démontrer une intention claire de la part des parties de nover une dette qui est incompatible avec la première. Le juge Frappier ne retrouve pas ces éléments essentiels dans la preuve:

(68) Dans l’arrêt Clermont-Drolet c. Caisse populaire Desjardins de Sillery, la Cour d’appel énumère les conditions requises pour que s’opère la novation :

(28) En l'espèce, les appelants invoquent plutôt la novation par changement de dette et prétendent qu'une nouvelle dette a été substituée à l'ancienne.

(29) Le juge Gonthier dans l'arrêt de la Cour suprême Lalonde c. Sun Life du Canada énumère les cinq conditions requises pour constater la novation. Il faut :
1) qu'il existe une obligation antérieure;
2) qu'une nouvelle obligation soit créée;
3) que ces deux obligations diffèrent l'une de l'autre;
4) que les parties aient démontré leur intention de nover;
5) qu'elles soient capables de contracter.

(30) La doctrine et la jurisprudence ont précisé le contenu de ces conditions. Ainsi Jean-Louis Baudouin et Pierre-Gabriel Jobin écrivent :

Enfin la novation par changement de modalités a lieu lorsque les parties apportent une modification fondamentale à l'obligation. Le changement de modalités ne doit pas toucher seulement l'exigibilité de la dette, mais la nature même de la prestation.

(…)

La nouvelle créance doit donc comporter un élément véritablement nouveau par rapport à l'ancienne et pas seulement un élément supplémentaire rattaché à l'ancienne dette ou une simple modification de forme. (…) Le critère fondamental permettant de conclure à la présence d'un véritable changement est donc l'incompatibilité des deux obligations.

(31) De même, les professeurs Didier Lluelles et Benoît Moore soulignent l'importance des faits dans la recherche de l'incompatibilité des obligations quant à leurs éléments fondamentaux :

Il est plus difficile de saisir la novation par changement de modalités. En effet, la distinction entre la novation et la modification de l'obligation est ici particulièrement délicate. Le changement de modalités doit porter sur un aspect fondamental de l'obligation, les parties doivent avoir l'intention de nover, c'est-à-dire d'éteindre l'obligation et d'en créer une nouvelle, incompatible avec la précédente. (…) Ainsi, ne peuvent constituer une novation par changement de dette: la simple modification du terme, le renouvellement d'un prêt, la modification du montant de la prestation, du prêt ou de la marge de crédit, les modalités de paiement ou de remboursement.

(…)

(69) Or, en l’espèce, Eyad échoue à démontrer la création d’une nouvelle obligation et l’intention des parties de nover.

Sur l’auteur

Karim Renno est associé fondateur du cabinet Renno Vathilakis Inc. Il est le fondateur et rédacteur en chef du Blogue À bon droit où il publie régulièrement des billets de jurisprudence. Durant la crise que nous traversons, il partagera ses réflexions avec les lecteurs de Droit-inc.com sur un sujet d'actualité juridique.
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1 commentaire

  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a 3 ans
    Et mononc Ahmad pardonnera-t-il au neveu Eyad ?
    En plein crise de covid-19, tout semble possible...

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