Peut-on se défendre après avoir échoué à l’alcootest en 2020 ?

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Julie Couture

2020-07-02 11:15:00

Un de vos clients a échoué à l’alcootest. Y a-t-il une défense possible? Notre chroniqueuse criminaliste décortique ce qu’il est possible de faire ou non...

Me Julie Couture est avocate criminaliste depuis 2003. Photo de courtoisie.
Me Julie Couture est avocate criminaliste depuis 2003. Photo de courtoisie.
Les nouvelles dispositions qui modifient le chapitre sur l’alcool au volant au Code criminel, débutant à l’article 320.11 du Code, simplifient dorénavant le travail de la poursuite dans les cas d'arrestation pour conduite avec facultés affaiblies. Selon ces nouvelles dispositions, un policier peut désormais procéder à l'arrestation d'une personne sans avoir de soupçons raisonnables pour imposer le test d'alcoolémie.

Plaider coupable ou non?

Par conséquent, de nombreux individus arrêtés se tournent vers le plaidoyer de culpabilité. Et pour cause: le juge a maintenant discrétion pour autoriser un fautif à conduire son véhicule malgré ce plaidoyer, en lui permettant de faire installer un antidémarreur avec éthylomètre dans sa voiture. Bien sûr, la personne en question doit avoir de bonnes raisons pour conduire malgré la perte de son permis. On parle ici de conduire un véhicule pour se rendre au travail, pour aller chercher les enfants ou encore pour effectuer son travail.

Dans une situation où l'individu arrêté a l'intention de contester l'accusation ou souhaite être assisté dans le processus du plaidoyer de culpabilité, mieux vaut être épaulé par un avocat criminaliste.

La S.A.A.Q. souhaite enrayer les récidives

Lorsqu'une personne est arrêtée pour alcool et volant puis jugée, la suite des choses l'amène naturellement vers la S.A.A.Q. Les conditions liées à son permis de conduire seront plus restrictives que jamais. Le but de ce processus est de freiner le fléau qu'est devenu l'alcool au volant. En imposant des conditions extrêmement restrictives aux fautifs, la S.A.A.Q. espère les décourager de récidiver.

Dans le cas d'un individu dont le résultat à l'alcootest dépasse les 160 mg, celui-ci devra défrayer les coûts d'une évaluation du risque de récidive. Ceci peut avoir une incidence sur les délais d'utilisation obligatoire de l'antidémarreur avec éthylomètre dans son véhicule. Certains usagers devront le conserver toute leur vie. C'est une technologie qui réduit efficacement et considérablement les cas de récidive.

L’amende, les frais de Cour, la suramende, l’interdiction de conduire, la saisie du véhicule et le remorquage s'ajouteront à la facture du justiciable qui s’est fait arrêter avec un taux d'alcoolémie supérieur à la limite permise, soit 80 mg.

"Photo de courtoisie."


Nombreuses arrestations pour alcool au volant

Malgré le confinement lié à la pandémie de Covid-19, de nombreuses arrestations pour alcool au volant ont eu lieu depuis ce printemps. Par exemple, le journal Le Quotidien cite 29 cas d’alcool ou de drogue au volant au Saguenay entre la mi-mars et la fin mai. J’ai moi-même, en tant qu'avocate, reçu bon nombre de nouveaux dossiers, dont certains ne comparaîtront qu’en décembre.

Combien plaideront coupable sans se questionner? Les conséquences liées à un plaidoyer ou un verdict de culpabilité sont nombreuses et peuvent être lourdes pour le fautif. Mon collègue Me Langlais, avocat spécialisé en droit de l’immigration, me faisait également remarquer que pour une personne ayant le statut de résident permanent, les conséquences potentielles peuvent aller jusqu’à l’extradition. En effet, la peine prévue pour le crime commis, poursuivi par acte criminel, est un emprisonnement maximal de dix (10) ans. Ceci est considéré comme un crime de grande criminalité au niveau de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

Donc, avant de plaider coupable dans un cas d'arrestation pour alcool au volant, une analyse s’impose.

Contester l’accusation

Rappelons-nous des changements législatifs qui ont bousculé les défenses en matière d'alcool au volant. Je fais référence aux articles 249 à 261 du Code criminel ayant été abrogés. Ces changements apportés par une nouvelle section au Code criminel imposent des règles plus strictes et des débats sur la divulgation de la preuve. Ceux-ci résultent en une pluie de plaidoyers de culpabilité.

Reste-t-il des défenses possibles ?

Si on entend souvent dire que les défenses en matière de facultés affaiblies sont peu nombreuses et qu'il est préférable de plaider coupable, il n'en est rien. C'est la raison d'être de cette chronique : vous informer sur ces défenses possibles qui existent bel et bien!

Pour être acquitté d’une infraction, il faut pouvoir exclure les résultats de l’ivressomètre par une requête en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés ou en faisant perdre le bénéfice des présomptions à la poursuite, par des erreurs au niveau technique ou des délais qui ne sont pas respectés. Le mauvais fonctionnement de l’ivressomètre, son utilisation incorrecte ou son mauvais entretien peuvent également soulever un doute raisonnable.

Pour que l'alcootest soit présumé exact

Dorénavant, en vertu de l’article 320.31(1) du Code criminel, le technicien qualifié doit avoir fait un test à blanc de l’éthylomètre et avoir obtenu des résultats d’au plus dix (10) milligrammes d’alcool pour cent (100) millilitres de sang. Il doit aussi faire un test d’étalonnage et avoir obtenu un écart maximal de dix (10) % par rapport à la valeur cible de l’alcool type certifié par un analyste. Il doit avoir fourni deux (2) échantillons d’haleine à au moins quinze (15) minutes d’intervalle. Les résultats obtenus doivent être arrondis à la dizaine inférieure et avoir un écart d’au plus (vingt) 20 milligrammes d’alcool par (cent) 100 millilitres de sang. L’article 320.31(2) du Code criminel prévoit que, si toutes ces conditions sont réunies, les résultats de l’éthylomètre sont présumés exacts et une preuve contraire est difficile à démontrer.

C’est pourquoi trois tests peuvent maintenant être sollicités en cas d'arrestation pour conduite avec facultés affaiblies.

Retour sur la loi C-2

Le projet de loi C-2 a modifié le Code criminel. Avant la modification de 2008, il était possible d'élaborer une défense démontrant le taux d’alcoolémie de l’accusé par le témoignage de celui-ci, combiné à une preuve d’expert toxicologue. L'enjeu dans ce contexte concernait la crédibilité de l’accusé et la preuve de l'expert.

Depuis 2008, cette défense est devenue impossible. L’accusé ne peut plus venir témoigner de sa consommation d’alcool au moment des faits pour contrer les résultats obtenus avec l'ivressomètre. C'est dorénavant son rôle de s'assurer que le travail accompli par le technicien qualifié était adéquat. Il lui appartient également de s'assurer que l'appareil a bien été entretenu pour éviter les failles ou résultats erronés.

Ainsi, la nouvelle section du Code criminel traitant de la conduite avec les facultés affaiblies, allant des articles 320.11 à 320.4, vient restreindre quelques défenses possibles. En revanche, elle augmente les risques d'erreurs et ouvre la porte à des contestations possibles.

Présenter une preuve concrète

Il est préférable de présenter une preuve concrète se rattachant aux faits en cause pour arriver à soulever un doute raisonnable quant à l’utilisation adéquate de l’appareil. Cependant, il est essentiel que la possibilité que l'altération de l'appareil ait eu une influence sur le résultat soit considérée, pour arriver à soulever un doute raisonnable sur le taux d'alcoolémie du fautif.

Une défense soulevant un doute raisonnable quant au bon fonctionnement ou au bon entretien de l'ivressomètre est donc possible. Encore faut-il que celle-ci soit basée sur des faits tangibles et non sur une conjecture. C'est essentiel pour parvenir à rencontrer le fardeau de preuve exigé.

Alcool au volant : analyse et technicités

Ainsi, la loi, suivant sa rédaction, n'exige pas que soit faite la preuve d'un résultat sous la barre des 80 mg. Dès qu’un élément permet de mettre en doute ce résultat, il y a une défense possible. Il peut s'agir du fonctionnement de l'appareil, d'une déficience dans l'entretien ou même de l’état de santé de l’accusé. Il est cependant absolument essentiel que cette preuve tende à faire douter la Cour de la fiabilité des résultats obtenus.

Les technicités suivantes peuvent être considérées : absence d'un technicien qualifié, expiration de la certification du technicien, lacune dans la formation requise pour utiliser l'appareil, expiration du certificat d’utilisation de l’appareil, solution d’alcool type expirée, etc.

L’analyse doit également se faire en observant les éléments suivants :
  • Erreur d’inscription sur le certificat du technicien qualifié;

  • Tests d’ivressomètre effectués dans un intervalle de moins de quinze (15) minutes;

  • Arrestation sans motif raisonnable;

  • Violation au droit à l’avocat;

  • Violation au droit d’être jugé dans un délai raisonnable;

  • Absence de preuve de conduite;

  • Interception illégale;

  • Ordre illégal;

  • Etc.


À toute règle, il y a des exceptions. Gardons toujours garder à l’esprit que chaque dossier mérite une étude et une analyse approfondie. Vous cherchez une alternative au plaidoyer de culpabilité ? Rien de mieux qu’un avocat criminaliste spécialisé dans les causes d’alcool au volant pour vous accompagner.

Sur l’auteure

Me Julie Couture est avocate criminaliste depuis 2003. Elle a fait ses débuts avec l'honorable juge Marco LaBrie et l'honorable Alexandre St-Onge tous deux maintenant juge à la Cour du Québec. Fondatrice de Couture avocats, elle pratique en droit criminel et pénal exclusivement.

Maître de stage pour le barreau du Québec, elle a longtemps formé les jeunes avocats et avocates criminalistes ce qui lui a aussi permis d’avoir trois enfants. Entrepreneure depuis le début de sa pratique du droit, et très présente sur le web, elle pourra partager ses expériences afin d'aider le plus possible la communauté juridique. Elle a longtemps commenté l'actualité dans le Journal de Montréal comme l'avocate du journal et dans son blogue juridique en plus de plusieurs passages à la télévision.
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3 commentaires

  1. Pirlouit
    Pirlouit
    il y a 3 ans
    Merci Harper ?
    Ça ne semble pas très juste de permettre à quelqu'un qui plaide coupable d'utiliser sa voiture avec un éthylomètre et pas à quelqu'un qui plaide non coupable et attend son procès. Sinon, le projet C-2 semble avoir bien fonctionné. La défense des j'ai pris 2 bière Mme la juge était plutôt absurde.

    Ça serait quand même surprenant qu'un résident permanent se fasse extrader pour alcool au volant quant ils gardent Villanueva pour grande criminalité ..

  2. MeX
    Ah?
    Il faut aussi dire que personne ne fait de suivi suite aux interdits de conduire non plus. Même après des dénonciations aux policiers que x conduit à tous les jours, même si son permis est suspendu et interdit de conduire, et qu'on reçoit la réponse: on est trop occupés, pas une priorité, il faut le prendre sur le fait, etc. Bref, la sentence est une chose, mais son application, bof.

  3. Mk
    Autres solutions
    J'ai un oncle qui gardait une bouteille de listerine dans sa voiture. S'il se faisait arrêter il se gargarisait avant de soufflé. Ça n'a pas d'allure de faire ça!!! Mais ça n'a pas marché au final car il a fait un accident. Donc ne pas essayer ça. De nos jours il suffit d'avoir du désinfectant qui pue le font de tonne pour essayer ça aussi?

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