Carrière et Formation

Stop aux classements des cabinets et avocats!

Main image

Delphine Jung

2020-09-29 15:00:00

Une prof de droit estime qu’il faut cesser de dresser des classements des meilleurs avocats et cabinets au pays. Inutile et absolument pas représentatif, dit-elle.

Mme Amy Salyzyn. Photo : Site Web de l’Université d’Ottawa
Mme Amy Salyzyn. Photo : Site Web de l’Université d’Ottawa
Les avocats travaillent dur et leurs succès doivent être félicités, dit Amy Salyzyn, cette professeure de droit à l’Université d’Ottawa. Mais elle estime que ce n’est pas une raison suffisante pour que des cabinets d'avocats canadiens dépensent des millions de dollars et des milliers d'heures pour avoir les meilleures places dans tel ou tel classement, écrit-elle sur Slaw.

Il en existe d’ailleurs plus d’une dizaine au pays.

Le problème, pour cette professeure de droit, c’est que certaines catégories démographiques ne sont pas du tout représentées dans ces classements, notamment les femmes, les minorités visibles ou encore les Autochtones.

Elle demande ainsi que tous ces classements soient abandonnés. « Les prétendus avantages de ces classements, tels que fournir des informations sur la qualité des avocats à des clients potentiels ou encore reconnaître leur travail, ne valent pas les énormes ressources que les cabinets d'avocats mettent dans des services de classement privés à but lucratif ».

De combien d'argent parlons-nous ? En tant qu'entreprises privées, les cabinets d'avocats ne sont pas tenus de divulguer le montant de leurs dépenses annuelles. Il est toutefois raisonnable d'estimer que des millions, voire des dizaines de millions, sont dépensés chaque année au Canada par les cabinets pour qu’ils figurent dans ces différents classements, croit Mme Salyzyn.

Elle rappelle toutefois que les avocats n'achètent pas directement une place dans un classement. Mais les cabinets donnent indirectement beaucoup d'argent aux services de classement. « Cela est évident dans le sens où la raison d'être de ces sociétés est de gagner de l'argent en classant les avocats ».

Ainsi, les cabinets achètent des publicités sur le web ou dans la presse écrite, parrainent des cérémonies de remise de prix, etc. Les prix de ces articles varient, mais il convient de noter que certains coûtent des dizaines de milliers de dollars.

« En outre, certains services de classement ont toujours offert aux cabinets d'avocats la possibilité d'apporter un soutien financier direct en guise de parrainage, tout en soulignant que le fait de ne pas apporter un tel soutien n'aura aucune incidence sur le classement d'un cabinet », estime encore la professeure.

Les clients s’en foutent!

Pourtant, d’après les discussions qu’elle a pu avoir avec d’autres personnes du milieu, il est rare qu’un client fasse référence à ces classements pour justifier son choix.

« Je suis tout à fait d'accord qu'en tant que profession, nous devrions chercher des occasions de célébrer le travail acharné des avocats. Mais cela peut se faire sans financer tout un secteur de classement », croit la professeure.

Elle suggère même que les cabinets dépensent autrement leur argent. « Pourquoi ne pas faire quelque chose de plus inspirant ou de plus utile ? Nous savons que les postes de stagiaires et d'étudiants d'été peuvent être très difficiles à obtenir - pourquoi ne pas consacrer cet argent à la formation d'un plus grand nombre d'avocats ? Pourquoi ne pas augmenter le financement des services juridiques pour les populations marginalisées ? Faire un don à une ou plusieurs organisations caritatives au choix du cabinet ? Instituer une petite augmentation de salaire pour le personnel du cabinet ? Même l'achat de plus d'œuvres d'art pour le bureau semble être une meilleure utilisation », appuie-t-elle.

D'après elle, il existe même une pression qui ne dit pas son nom: il faut participer, car tous les autres cabinets participent. Un avocat senior spécialisé dans les litiges faisait dernièrement cette sortie sur Twitter : « Honnêtement, c'est épuisant et c'est une tonne de travail. Mais tant que tout le monde joue le jeu, il est difficile de l'ignorer ».

Les cabinets d'avocats pourraient plutôt se regrouper et promouvoir le fait qu'ils ont cessé de participer aux classements des avocats, et créer un fonds pour soutenir les causes d'intérêt public. Cela permettrait de libérer du temps pour les avocats et le personnel afin qu'ils puissent l'utiliser de manière plus productive.
27370

11 commentaires

  1. Themis Roussos
    Themis Roussos
    il y a 3 ans
    Erreur
    "des millions de dollars et des milliers d'heures pour avoir les meilleures places"...

    Cette dame ne sait pas de quoi elle parle. D'abord ce sont des classements après sondages auprès des pairs. Ensuite, c'est faux de parler de millions, tout au plus quelques milliers pour des tables de banquets ennuyeux. Mais surtout, il est faux de prétendre que les clients s'en foutent.

  2. Anonyme
    Anonyme
    il y a 3 ans
    Classer ceux qui pissent le plus loin est vieux comme le monde
    Car c'est crucial pour justifier de plus gros d'honoraires que son voisin.

  3. Avocat Junior
    Avocat Junior
    il y a 3 ans
    Elle n'a pas tort
    La prof n'a pas tort. Les avocats vont dans les mêmes facs de droit, vont à la même école du barreau (le cas échéant), lisent les mêmes jugements (et écrivent/commentent sensiblement les mêmes articles/décisions) et fréquentent les mêmes cercles sociaux. Un avocat en droit des affaires de NR n'est pas exactement différent d'un autre avocat de Blakes. C'est du pareil au même.

  4. YB
    Nivellement vers le bas ?
    Au contraire, c'est important: sans ces classements, et si on m'avait enseigné, comme elle le fait, que "tous les cabinets" et "tous les avocats se valent", je ne serai pas où je suis aujourd'hui.

    On voit d'ailleurs, et ceci dit avec respect, qu'elle est complètement déconnectée de la réalité du secteur privé. Par exemple:

    "Pourquoi ne pas faire quelque chose de plus inspirant ou de plus utile ? Nous savons que les postes de stagiaires et d'étudiants d'été peuvent être très difficiles à obtenir - pourquoi ne pas consacrer cet argent à la formation d'un plus grand nombre d'avocats ?"

    Est-elle familière avec la réalité d'un "caseload" dans un cabinet privé ?

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 3 ans
      Tous les cabinets et avocats ne se valent pas
      Faut vraiment être hors de la réalité pour dire un truc pareil.

      Par contre, les classements sont de l'ordre du concours de popularité de l'avocat et de ses associés au sein d'un même bureau qui vont pousser la cause de l'un en échange de quoi nous pousserons la cause d'un autre. Ce sont ces petits arrangements entre amis qui doivent être remis en cause.

    • Me
      de moins en moins vrai
      Dans les grands répertoires qui se respectent, les échanges de ce type sont devenus peu utiles, en raison du large échantillonnage et de l'analyse de la provenance des données permettent de les relativiser. Lorsque 40 avocats d'un même bureau votent pour des candidats d'un concurrent et vice versa, ces données sont mise en contexte ou tout simplement écartées. Il en va de la réputation des répertoires. Plus les recommandations sont diversifiées, plus elles comptent.

  5. Me
    Partiellement dans le champs
    S'il est vrai que d'excellents avocats ne sont pas répertoriés, c'est parce qu'ils ne sont pas connus, impliqués dans diverses associations leur donnant de la visibilité, ou parce que leur pratique est strictement locale. Il est faux de prétendre que les cabinets dépenses des millions pour être dans les classements. Certains répertoires sont payants, du genre Rising Stars ou Top 40 under 40, mais c'est tout de même au terme d'un processus de sélection. Mais la grande majorité des classements sont gratuits, et résultent d'un sondage parfois très poussé auprès des pairs et des clients. N'est pas répertorié qui veut, c'est principalement au mérite dans la plupart des cas.

  6. Anonyme
    Anonyme
    il y a 3 ans
    Franchement
    La différence entre la pratique privée, où les classements gimmicky ne sont qu'une façon de comparer la performance des participants (les lois du marché, les résultats en cour et les track records déontologiques en sont d'autres), les classements gimmicky sont pratiquement la seule chose à laquelle le monde académique porte véritablement attention: [https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3339527]

    L'autre différence, c'est que quand les cabinets dépensent pour participer à un classement "pay to play", ils dépensent leur argent. Quand les professeurs de droit font la même chose de leur vie, ils dépensent vos impôts.

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 3 ans
      Démagogie
      Voici un bel exemple de démagogie :

      "L'autre différence, c'est que quand les cabinets dépensent pour participer à un classement "pay to play", ils dépensent leur argent. Quand les professeurs de droit font la même chose de leur vie, ils dépensent vos impôts."

      L'argent vient toujours de quelque part. Et si l'on disait "quand les cabinets dépensent pour participer à un classement "pay to play", ils dépensent l'argent de leur clients" ?

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 3 ans
      *eyeroll*
      C'est bien connu qu'il n'y a aucune différence entre les impôts et un paiement pour un service dans le cadre d'une économie de marché.

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 3 ans
      Et alors ?
      Il y a évidemment une différence, mais c'est quoi votre point exactement ? Parce que l'argent provient de fonds publics, les règles sont différentes ? J'ajouterais qu'une partie de l'argent versé aux prof provient des étudiants qui paient des frais de scolarité.

Annuler
Remarque

Votre commentaire doit être approuvé par un modérateur avant d’être affiché.

NETiquette sur les commentaires

Les commentaires sont les bienvenus sur le site. Ils sont validés par la Rédaction avant d’être publiés et exclus s’ils présentent un caractère injurieux, raciste ou diffamatoire. Si malgré cette politique de modération, un commentaire publié sur le site vous dérange, prenez immédiatement contact par courriel (info@droit-inc.com) avec la Rédaction. Si votre demande apparait légitime, le commentaire sera retiré sur le champ. Vous pouvez également utiliser l’espace dédié aux commentaires pour publier, dans les mêmes conditions de validation, un droit de réponse.

Bien à vous,

La Rédaction de Droit-inc.com

PLUS

Articles similaires