L'implication de la mafia dans la construction
La Presse Canadienne
2012-09-18 11:24:00
Devant la Commission Charbonneau, mardi, une experte du phénomène de la mafia italienne a commencé à dresser un portrait des différentes organisations qui sont impliquées tant dans les entreprises criminelles que légales, particulièrement l'industrie de la construction et les contrats publics.
Pour illustrer l'importance acquise par la Cosa Nostra dans l'industrie de la construction du secteur public, dans les années 1950 en Italie, elle a rapporté qu'à l'époque, une enquête avait démontré que des 4000 permis de construction émis par les municipalités de la région de Palerme, 2500 l'avaient été à trois personnes. Et ces personnes n'avaient pas de compétence dans l'industrie de la construction, servant en fait de prête-nom.
La Cosa Nostra compte plusieurs familles et a une structure qu'elle a qualifiée de démocratique, qui tient notamment des élections annuelles, a un code d'honneur, ses Dix commandements. Au début des années 2000, une agence spécialisée avait dénombré 181 familles de la Cosa Nostra qui étaient actives en Sicile.
En 2007, une étude a permis de démontrer que la Cosa Nostra avait réussi à recueillir 160 millions d'euros en "pizzo", ces contributions qui doivent être versées par les commerçants sur le territoire "protégé". Dans certaines régions, 70, voire 80 pour cent des commerçants vont verser leur pizzo à la Cosa Nostra. Et parfois eux-mêmes banalisent cette contribution, affirmant qu'ils ont moins de problème à la verser et à obtenir des "services" qu'à refuser de la verser et à en payer le prix, a rapporté Mme Tenti.
Elle a décrit la Cosa Nostra comme ayant une grande capacité d'adaptation, qui s'infiltre souvent en offrant des services comme de la protection ou du financement à des entreprises qui en ont besoin, notamment en période de crise financière. Elle peut devenir une solution de rechange aux banques pour certaines entreprises en difficulté.
La Ndrangheta, moins connue et moins visible que la Cosa Nostra, n'en est pas moins influente, a-t-elle témoigné.
Elle a cité une étude faisant état de revenus de 44 milliards d'euros pour diverses activités criminelles, principalement le commerce de la drogue, provenant notamment d'Amérique latine, dont la Colombie. "C'est presque 2,9 pour cent du produit intérieur brut de l'Italie", a affirmé Mme Tenti.
Son étude d'une centaine de pages, déposée devant la Commission Charbonneau, affirme que l'industrie de la construction a été ciblée par la mafia parce qu'elle est plus facile à infiltrer pour différentes raisons. D'abord, les opportunités de collusion et de corruption y sont plus grandes, puisque plusieurs acteurs y sont engagés: entrepreneurs, professionnels, fonctionnaires, hommes politiques.
De plus, "les firmes se font concurrence dans un marché local et les barrières pour y entrer sont relativement basses", écrit-elle.
Elle ajoute que dans cette industrie, il est plus facile de conclure des ententes secrètes pour se partager les contrats.
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