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Après l’affaire Lassonde, l’affaire "Ouipette" ?

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Marie-claude Ducas

2013-02-11 14:15:00

Après l'affaire Lassonde, assisterait-on à une nouvelle affaire de protection de marque avec la "Ouipette Deluxe"? Jusqu'où iront les avocats en 2013 ?

Ce qu’on appelle maintenant « l’affaire Lassonde », ou la « crise Oasis », est devenu un cas d’école. Et à peu près tout le monde était tombé d’accord sur le fait que, dans le contexte qui est désormais le nôtre, Lassonde aurait dû se comporter autrement, dans cette histoire qui l’opposait à la petite entrepreneure qui vendait des produits à l’huile d’olive, sous la marque « Olivia’s Oasis ». En la poursuivant pour « protéger » sa marque de jus Oasis, Lassonde a surtout endommagé sa propre marque, étant donné tout le bruit négatif récolté dans les médias.

Ouipette Deluxe

Aussi est-il surprenant d’apprendre que la compagnie Dare, qui fabrique maintenant le célèbre Whippet, n’a rien trouvé de mieux à faire que d’envoyer une mise en demeure à une petite pâtisserie-chocolaterie de Sherbrooke, qui vendait un « Ouipette Deluxe »: 2,50$ pour une version « foodie » du célèbre Whippet, faite d’un petit sablé maison, de caramel spécial, de chocolat noir… Eh bien, la propriétaire de la Chocolaterie Choco-là s’est vue enjoindre d »enlever toute référence aux Ouipettes de luxe sur ses menus, ses étiquettes, son site internet». Et comme l’expliquait la co-propriétaire dans cette entrevue accordée à Paul Houde au 98,5 FM, elle a rebaptisé son biscuit « pouffette », « parce que, en lisant la mise en demeure, j’ai pouffé de rire… » Elle n’en a pas moins dû débourser un bon 3000$ pour se conformer aux demandes de Dare, « en plus de tout le temps consacré… » Pour avoir tous les détails, lisez aussi cet article paru dans le quotidien La Tribune, et voir ce reportage fait sur TVA.

Marie-Claude Ducas se demande si les avocats ont conscience de l'impact des médias sociaux et des implications résultant d'une protection de marque à outrance
Marie-Claude Ducas se demande si les avocats ont conscience de l'impact des médias sociaux et des implications résultant d'une protection de marque à outrance
Et puis maintenant, prenons à nouveau un moment pour nous demander sur quelle planète vivent les avocats, et les responsables du contentieux de telles entreprises… Leur arrive-t-il d’être en contact avec des gens de la communication ? Ou même seulement avec assez de gens dotés d’un peu de solide bon sens ? Leur arrive-t-il de porter sérieusement attention à ce qu’ils voient et entendent au sujet de ce qui se passe dans les communications ces temps-ci ? Sont-ils familiers avec le terme « médias sociaux », et avec tout ce que cela implique ? Lisent-ils les rubriques « médias et marketing » des journaux ? Il serait grand temps qu’on s’arrange pour pouvoir répondre « oui » à toutes ses réponses.

Encore aujourd’hui, dans The Globe and Mail, on peut lire cet article , qui détaille comment diverses entreprises et marques, tant Starbucks, Frito Lay, Kraft, que Hasbro, impliquent désormais étroitement les consommateurs dans leurs initiatives; tant pour élaborer les stratégies de marketing, nommer les produits, et même carrément mettre au point de nouveaux produits.

Il n’y aura sans doute pas d’ « affaire Ouipette » de la même façon qu’il y a eu d’ « affaire Lassonde ». Ne serait-ce parce que, au final, les propriétaire de Choco-là s’en tirent plutôt bien, avec une publicité inespérée.

Mais n’empêche. C’est carrément anachronique, pour l’entreprise qui détient une marque aussi connue et populaire que Whippet, de ne rien trouver de mieux qu’envoyer une telle mise en demeure "bête et méchante". Après tout, les concepteurs du « Ouipette » rendaient hommage au Whippet. Leur initiative se trouvait, en quelque sorte, à positionner le Whippet dans notre patrimoine gastronomique… Le premier réflexe, pour Dare, aurait dû être de se demander comment tirer parti de cette initiative, plutôt qu’aller instantanément de la museler, et risquer ainsi une couverture négative.

C’est sûr que la protection des marques est un enjeu important, complexe, et souvent mal compris (incluant, sans, par bien des experts en médias sociaux…). Mais justement: il serait grand temps de développement en la matière des réflexes qui ont leur place en 2013, plutôt que de continuer sur le « pilote automatique » qui ne semble pas avoir été réajusté depuis 1973.

Et d’ailleurs, je lance un appel aux lecteurs de ce blogue qui sont un tant soit peu rompus aux médias sociaux: qu’est-ce que Dare aurait pu faire, selon vous, pour « surfer » sur cette initiative, et en tirer parti ?


Note : le présent article initialement publié sur le blogue de Marie-Claude Ducas est reproduit ici avec l'autorisation de son auteure.
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