La juge perd patience contre Nicolo Milioto

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La Presse Canadienne

2013-02-19 11:32:00

Exaspérée par les réponses hésitantes de Nicolo Milioto, la juge France Charbonneau a suspendu les audiences plus tôt qu'à l'habitude, mardi matin, demandant à l'avocat du témoin de lui expliquer ce qu'étaient des accusations de parjure et d'outrage au tribunal.

Plus tôt dans la journée, M. Milioto avait soutenu qu'il ne savait même pas ce qu'était la mafia
Plus tôt dans la journée, M. Milioto avait soutenu qu'il ne savait même pas ce qu'était la mafia
"Là, monsieur Milioto, je vais vous expliquer ce que vous avez à faire, a lancé la juge Charbonneau. Vous n'avez pas à décider de la pertinence des questions et de savoir qui est impliqué dans l'industrie de la construction ou pas. Nous allons suspendre et je vais dire à votre avocat de vous expliquer ce qu'est un outrage au tribunal et je vais également lui demander de vous expliquer ce qu'est une accusation de parjure. Nous allons revenir après la pause et vous allez devoir répondre aux questions."

La présidente de la commission a haussé le ton, mardi matin, après que M. Milioto, ancien président de Mivela Construction, eut continué à commenter les questions de la procureure chef, Me Sonia Lebel, ou même à refuser de donner des noms.

Peu avant, Me Lebel lui avait demandé s'il avait déjà été "chargé de collecter 2,5 pour cent pour la mafia" montréalaise, ce qu'il avait nié.

Elle lui avait rappelé que l'ex-dirigeant d'Infrabec, Lino Zambito, l'avait identifié devant la commission comme le "collecteur" de fonds pour la mafia auprès des entrepreneurs en construction de Montréal. "C'est lui qui le dit", a-t-il répliqué, avant d'ajouter que M. Zambito avait peut-être "dit ça pour se défendre".

Plus tôt dans la journée, M. Milioto avait soutenu qu'il ne savait même pas ce qu'était la mafia et qu'il ne savait pas non plus ce qu'était la Cosa Nostra. Ce qu'il en sait, c'est parce qu'il l'a lu dans les journaux du Québec ou vu à la télévision, a-t-il prétendu, lui qui a quitté sa Sicile natale pour le Canada à l'âge de 18 ans.

Il a avoué, par contre, qu'il savait ce que voulait dire l'expression la loi de l'Omerta. "Ça veut dire que tu ne parles pas", a-t-il répondu à la juge Charbonneau.

Lundi, M. Milioto a admis fréquenter régulièrement le Café Consenza, identifié par un enquêteur de la commission comme le quartier général du clan Rizzuto. Il a admis y avoir souvent joué aux cartes avec le patriarche du clan, Nick Rizzuto père, mais assure qu'ils ne parlaient alors que de leur jeu.

Mardi, il a ajouté que M. Rizzuto père lui avait déjà prêté de l'argent, une somme de 15 000 $ ou 20 000 $ pour le mariage d'une de ses filles, il y a cinq, six ou sept ans.

Il ne s'est pas intéressé à savoir ce que faisaient M. Rizzuto ou d'autres entrepreneurs en construction qu'il a vus au Café Consenza au fil des ans.

Ce n'est pas de ses affaires, a-t-il répété. Et il respecte les gens, qu'ils soient ingénieur, entrepreneur ou avocat. "Vous me respectez; je vous respecte. Vous me maltraitez, je peux vous maltraiter de la même façon que vous me maltraitez", a-t-il lancé à la procureure chef de la commission, Me Sonia Lebel.

La phrase, qui peut être lourde de sens, a été reprise par la juge Charbonneau, qui a semblé y voir une menace indirecte envers la procureure.

Elle lui a demandé des précisions sur "la façon dont vous pourriez maltraiter Me Lebel", mais M. Milioto s'est défendu d'avoir voulu menacer l'avocate, affirmant qu'il voulait dire qu'il respectait tout le monde, peu importe le métier.

M. Milioto s'est occupé de l'association Cattolica Eraclea, du nom du village de la Sicile d'où il vient, tout comme les Rizzuto. Cette association, a-t-il assuré, ne visait qu'à réunir des gens qui venaient du même village. Elle faisait des fêtes chaque année et vendait, pour ce faire, des billets. C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles il remettait de l'argent au Café Consenza, a-t-il affirmé: il s'agissait de l'argent de la vente de billets pour l'association.

Il a par ailleurs été invité à commenter des vidéos de surveillance policière tournées au Café Consenza. M. Rizzuto a eu peine à reconnaître plusieurs personnes participant par exemple à la même fête de Noël que lui, le 24 décembre 2005. Il s'est plaint du fait que la vidéo n'était pas claire et qu'il ne pouvait donc se prononcer.

Il a par exemple reconnu Lino Zambito, le seul entrepreneur, affirme-t-il, qui lui remettait de l'argent pour qu'il le remette à son tour à Nick Rizzuto père. Et il ne lui a jamais demandé pourquoi il devait remettre des liasses de billets de plusieurs centimètres d'épaisseur à M. Rizzuto père. Là encore, il a estimé que ce n'était pas de ses affaires.

Et s'il a placé ces liasses dans ses chaussettes, c'était pour ne pas les perdre et pour ne pas se les faire voler. Pourtant, du même souffle, il a dit faire confiance aux Italiens qui, comme lui, fréquentaient le club social Consenza.
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