La médiation ne s’improvise pas!

À la réflexion, il me semble que la meilleure réponse à cette question est une autre question, soit « Pour devenir une bonne avocate, ou un bon avocat, doit-on posséder un talent ou une personnalité particulière? »

Plusieurs personnes qui ne sont pas familières avec le véritable travail d’une avocate ou d’un avocat croient qu’une bonne avocate est une personne ayant un talent naturel comme oratrice et un sens de la répartie hors du commun.

Bien que ce soit là des avantages pour l’exercice de la profession d’avocat, il y a de nombreuses avocates, et de nombreux avocats, qui se sont forgés une grande réputation sans pour autant se démarquer sur le plan de l’élocution ou de la répartie. Qu’est-ce qui fait donc qu’une avocate, ou un avocat, en vienne à exceller dans sa profession?

À mon avis, quatre facteurs : la passion, le travail, les connaissances (ou, en d’autres mots, l’expertise) et l’expérience. J’en prends à témoin les excellentes entrevues publiées sur Droit-Inc.com par Me Dominique Tardif dans sa chronique « Faisons parler les leaders ».
Il en va de même pour réussir comme médiatrice ou médiateur.

La formation du Barreau est une introduction

Une excellente médiatrice, ou un excellent médiateur, possède d’abord une passion dévorante pour les approches consensuelles de règlement des différends, ce qui transparaît dans tous les aspects de sa profession et, même, de sa vie professionnelle et personnelle. Cette passion l’amène notamment à vouloir continuellement se former et s’améliorer dans l’exercice de la médiation.

À ce titre, la formation de base de 40 heures en médiation civile et commerciale exigée par le Barreau du Québec pour accréditer une médiatrice ou un médiateur civil et commercial n’est qu’une introduction, et non une formation complète.

Feriez-vous confiance à un médecin dont la formation médicale se résume à 40 heures? À un mécanicien qui n’a eu que 40 heures de formation? À un coach de vie qui… etc.?
L’on ne s’improvise pas médiatrice ou médiateur.

Pour plusieurs, le travail d’une médiatrice ou d’un médiateur semble facile, voire un peu « fleur bleue ». Ne suffit-il pas d’être gentil, agréable et diplomate pour réussir comme médiatrice ou médiateur? Bien non! Tout au contraire, une médiation est un exercice structuré, rigoureux et délicat faisant appel à plusieurs notions, compétences, outils et habiletés.

Il ne suffit absolument pas d’être gentil, agréable et diplomate pour transformer une communication brisée et remplie de plusieurs émotions fortes (comme de la frustration, de la colère, de la honte, de la peur et, parfois même de la haine), et souvent niées ou dissimulées, en un véritable échange constructif de recherche d’une solution commune.

Faire ses classes

La médiation est donc une véritable profession que, tout comme le droit, l’on ne peut vraiment maîtriser qu’après plusieurs centaines, voire milliers, d’heures de formation, et d’entraînement, non seulement initialement, mais aussi de façon continue (puisque, comme pour toute autre profession, les connaissances en médiation évoluent constamment).

Enfin, tout comme pour les avocats, l’expérience est aussi essentielle pour devenir une excellente médiatrice ou un excellent médiateur. Il faut donc « faire ses classes » en médiation, en commençant souvent par des différends moins compliqués et ayant moins de conséquences et en progressant, pas à pas, vers des affaires plus complexes et lourdes de conséquences.

Malheureusement, le titre de « médiatrice » ou de « médiateur » n’est aucunement protégé, ce qui signifie que toute personne (avocate ou non) peut légalement prétendre être « médiatrice » ou « médiateur » et s’annoncer comme tel, et ce, même sans avoir une formation adéquate ni de véritable expérience.

Une conséquence de cette situation est donc que, comme avocate ou avocat, vous devez être prudents dans le choix d’une médiatrice ou d’un médiateur. À ce propos, je vous réfère à mon billet du 10 mars 2015 (que vous pouvez relire en cliquant ici) intitulé « Où dénicher un bon médiateur commercial? ».

Pour revenir à ma question de départ, oui un talent ou une personnalité particulière peut aider en médiation, mais cela ne suffit pas à devenir une bonne médiatrice ou un bon médiateur.

Pour vraiment réussir en médiation, il faut avoir la passion, acquérir, et maintenir continuellement, beaucoup de connaissances (ou, en d’autres mots, développer une véritable expertise), acquérir de l’expérience et y investir beaucoup de temps et de travail.

Jean