Le DG de Montréal était au courant dès 2006
Agence Qmi
2013-03-01 07:00:00
Le directeur général (DG) de la Ville de Montréal, Claude Léger, a été mis au courant dès l'automne 2006 qu'un système de collusion dans l'octroi des contrats publics était en place à Montréal.
Pour étayer sa preuve, le procureur de la commission, Me Paul Crépeau, a produit un rapport du vérificateur interne Denis Savard datant du 20 novembre 2006. Le témoin, qui a été DG de 2006 à 2009, a alors admis avoir consulté une version préliminaire de ce rapport deux semaines avant le dépôt final.
Claude Léger dit avoir demandé au vérificateur d'apporter certaines corrections puisqu'il semblait y avoir confusion au sujet d'homonymes (NDLR: il y a, par exemple, deux Giuseppe Borsellino dans l'industrie de la construction). Le DG aurait aussi réclamé que M. Savard soit plus prudent au sujet de certaines conclusions qu'il tirait au sujet de l'intégration verticale.
Toutefois, dans le rapport final, toutes les références à des noms d'entrepreneurs ont été retirées, mais Claude Léger a nié être à l'origine de cette directive. «Je l'ai laissé produire le rapport de la façon qu'il jugeait appropriée», a-t-il déclaré devant la commission. Le témoin a plutôt suggéré que cette demande serait venue d'Yves Provost, le directeur du service Infrastructure, Transport et Environnement.
Plutôt que d'être intégrées au rapport, ces informations ont été consignées dans une note confidentielle transmise au DG. Le vérificateur porte alors à l'attention du destinataire que le contexte actuel ne favorise pas un marché ouvert et que seulement quatre entreprises se sont partagé plus de 56 % des contrats l'année précédente. Denis Savard expose également les liens qui unissent plusieurs entreprises du domaine de la construction.
Confronté à ces faits, le témoin a admis que le rapport était «sérieux» et qu'il avait «tenté d'implanter» plusieurs recommandations du rapport.
«Il y avait des choses qui relevaient de la police, a expliqué M. Léger, avant d'ajouter que certaines recommandations étaient «impraticables» à l'époque. Si des gens truquent des offres, si des gens font de la collusion aux mépris des règles, moi comme fonctionnaire, je ne me sentais pas très bien équipé pour faire face à ça.»
Faubourg Contrecoeur
En après-midi, la commission a abordé le controversé projet du Faubourg Contrecoeur au cours duquel la Ville de Montréal a vendu au rabais le terrain dans l'est de Montréal à la SHDM avant que cette dernière ne le revende à Construction F. Catania.
Claude Léger a alors confirmé ce qu'avait raconté Joseph Farinacci lors de son témoignage, c'est-à-dire que le président du comité exécutif, Frank Zampino, a fait pression pour faire progresser le projet.
«Il y avait une pression de Zampino pour que cette transaction aille de l'avant», a admis l'ancien directeur général.
Au moment où la Ville s'apprêtait à vendre le terrain à la SHDM, M. Farinacci, directeur stratégie et transactions immobilières, a fait part de ses réserves à Claude Léger. Il affirmait notamment que la Ville pourrait obtenir beaucoup plus d'argent pour le vaste terrain.
Ses arguments n'ont finalement pas été retenus, Léger expliquant qu'il suivait «la volonté des élus».
Me Crépeau a aussi souligné que c'est la SHDM elle-même qui a évalué la valeur du terrain et le coût des travaux de décontamination du sol alors qu'elle n'était pas encore propriétaire. «C'était la volonté de l'administration», a répondu le témoin.
Claude Léger a par la suite raconté que la même situation s'est reproduite en mai 2008 lorsque le directeur général de la SHDM, Martial Fillion, a participé à une réunion du comité exécutif pour présenter le projet du golf de l'île, dans Rivière-des-Prairies.
«On a eu la surprise en direct», a dit l'ancien DG, soulignant que la SHDM court-circuitait ainsi le processus habituel.
Fillion en est finalement ressorti avec une résolution confirmant le mandat de la SHDM pour développer ce terrain.
Questionné à savoir s'il s'était déjà fait offrir un pot-de-vin, Claude Léger a répondu par l'affirmative. Il a alors raconté que l'entrepreneur Tony Catania (CATCAN) lui aurait présenté une enveloppe, en 1988 ou 1989, dans un restaurant, peu avant Noël.
«Tu prendras du bon temps avec ta famille pendant les Fêtes», lui aurait dit Catania. Léger, qui travaillait alors pour la Ville de Montréal-Est, a refusé l'enveloppe et dit même ignorer encore aujourd'hui ce qu'elle contenait.
«C'était mon premier contact avec une tentative de corruption et il n'y en a jamais eu d'autres par la suite.»
La commission fait relâche la semaine prochaine. Claude Léger reprendra son témoignage le lundi 11 mars prochain.
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