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Rentrée 2018 : Quels sont les dossiers chauds?

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Céline Gobert

2018-09-06 15:00:00

Modernisation du système de justice, légalisation du cannabis, ALENA, tarifs d’aide juridique. On vous a posé la question!

Me Antoine Aylwin de Fasken
Me Antoine Aylwin de Fasken
C’est la rentrée des tribunaux aujourd’hui!

Dans la dernière année, bon nombre d’enjeux sont venus secouer le monde juridique : l’arrêt Jordan, l’investissement de Québec pour le recrutement de nouveaux procureurs au DPCP, ou encore la réforme de la procédure civile avec le nouveau Code.

Pour la prochaine, s’il va être dans un premier temps important d’observer ce que les partis politiques ont à dire sur la question de la justice durant la période électorale, voici dans un second temps ce qui risque de s’imposer comme les dossiers chauds de cette rentrée judiciaire pour les avocats.

La transformation numérique du système de justice

Le ministère de la justice a annoncé des investissements en matière de transformation numérique du système de justice. Plus précisément, 500 millions de dollars ont été alloués à ce chapitre qui va se poursuivre dans les semaines à venir.

«Les attentes sont élevées suite aux échecs du passé. Je m’attends à ce que le ministère apprenne de cette expérience et fasse autrement pour arriver à des résultats concrets pour les justiciables», a indiqué à Droit-inc Me Antoine Aylwin, associé en litige administratif, civil et commercial chez Fasken.

Même son de cloche du côté du bâtonnier Me Paul-Matthieu Grondin. «Maintenant qu’on a l’argent, il va falloir agir! Il va falloir numériser les procédures dans les palais de justice, on a cinq ans pour faire ça, c’est une tâche titanesque.»

Pour la bâtonnière d’Arthabaska, Me Julie Garneau, il est clair que la justice doit se moderniser. D’ailleurs, le district d’Arthabaska semble être tout à fait à la page.

«Dans notre district, les appels du rôle pour le rôle général ne se tiennent plus en personne. Notre juge coordonnateur de la Cour supérieure, le juge Clément Samson, envoie aux procureurs aux dossiers un «Doodle» pour fixer les causes, dès qu’elle sont en état, raconte-elle. Le tout est réglé en 24 heures.»

Pour conclure, elle s’interroge :« À quand l’introduction de recours judiciaire par internet?»

La justice dans le Nord

Le bâtonnier Me Paul-Matthieu Grondin
Le bâtonnier Me Paul-Matthieu Grondin
Autre gros chantier selon le bâtonnier Grondin : les problèmes d’accès à la justice dans le Nord du Québec, le Nunavut, où vivent les communautés inuits.

«Il faut la même justice dans le Nord et dans le Sud, et ça prend juste plus d’investissements, explique-t-il en entrevue avec Droit-inc. Il y a une Cour itinérante qui se promène de village en village, mais les infrastructures sont déficientes, les droit des gens s’en retrouve souvent bafoués.»

Ainsi, certaines personnes ne peuvent se rendre à temps à leur procès, et demeurent donc dans des cellules «dans des conditions peu acceptables», dit-il. «On manque aussi d’interprètes, et il faut bien pouvoir comprendre de quoi on est accusé.»

La négociation des tarifs d’aide juridique

Autre gros dossier : la négociation des tarifs d’aide juridique. «L’enjeu est simple, explique Me Julie Garneau, bâtonnière d’Arthabaska : de moins en moins d’avocats acceptent des mandats d’aide juridique car la rémunération n’est pas suffisante. L’effet pervers est que les justiciables ne peuvent plus choisir l’avocat de leur choix.»

Le bâtonnier Grondin en a fait son cheval de bataille. «Le Barreau mène une vaste campagne de valorisation du travail de l’aide juridique, dit-il au bout du fil. On veut qu’on en parle dans la société.»

D’ailleurs, pour les avocats dont c’est l’essentiel de la pratique, cet enjeu est «fort important» et est sur le feu depuis longtemps, comme l’explique à Droit-inc un Me Gilbert Nadon quelque peu désabusé, qui nous avait d’ailleurs déjà parlé de la difficile réalité des avocats de l’aide juridique en 2016. «On attend toujours (les hausses). Alors oui, ils (les partis politiques) se sont tous engagés avant les élections… sûrement… mais j’ai une confiance limitée en les engagements pré-électoraux. Ce serait bon qu’après les élections, ils s’en souviennent...».

Rappelons que dans ce dossier, le Barreau du Québec a demandé aux partis politiques en campagne électorale de s'engager en faveur de l'aide juridique et que seul le Premier ministre Philippe Couillard a dit qu’il ne lui appartenait pas de négocier les honoraires des avocats à la place des parties.

La légalisation du cannabis

Me Sébastien Vézina de Lavery
Me Sébastien Vézina de Lavery
Comme l’indique Me Sébastien Vézina, associé en droit des affaires chez Lavery, la légalisation du cannabis suscite beaucoup de préoccupations auprès des employeurs du Québec, notamment dans la gestion des milieux de travail.

«Il est primordial que chaque employeur prenne un temps d’arrêt et se fasse conseiller, soit par un avocat ou un conseiller en ressources humaines, afin d’élaborer dès que possible une politique qui sera adaptée aux particularités de son entreprise», indique à Droit-inc le juriste.

Et si, selon lui, établir une politique n’est pas bien compliqué, il ne faut pas non plus le faire rapidement sur le coin d’une table, «sinon les entreprises auront de mauvaises surprises rapidement».

Même son de cloche du côté de Me Claude Marseille, associé chez Blakes, qui prévoit de nombreux litiges associés à cette légalisation, notamment en matière de partage des responsabilités entre le fédéral et le provincial.

Autre exemple, cité par le juriste : le cas d’un propriétaire ou d’une association qui gère une copropriété qui voudrait interdire l’utilisation du cannabis dans les locaux qu’ils possèdent alors que c’est légal. Que se passe-t-il? «C’est une belle question, et je n’ai pas de réponse. Mais c’est le type de litiges que l’on va voir advenir.»

La renégociation de l’ALENA et l’augmentation des tarifs douaniers

Avec la renégociation de l’ALENA, notamment avec la récente conclusion d’une entente entre les États-Unis et le Mexique ainsi que l’augmentation des tarifs douaniers, les entreprises seront nécessairement tentées de revoir leurs chaînes d’approvisionnement et de production, explique Me Sébastien Vézina, et ce, afin de déplacer certaines de leurs activités pour préserver une marge de profit.

Selon lui, ces entreprises auront besoin d’accompagnement dans la négociation de nouveaux contrats, ou l’analyse fiscale (par exemple, les crédits d’impôt ou les allègements fiscaux).

«Elles vont aussi avoir besoin de conseils réglementaires pour identifier l’interrelation la plus optimale entre les traités de libre-échange en vigueur et leur secteur d’activité», dit le juriste.

Le dossier Trans Mountain

Du côté des «dossiers chauds» de l’automne, Me Claude Marseille cite d’emblée le dossier Trans Mountain qui a fait les manchettes il y a quelques jours car la Cour d'appel fédérale a annulé le décret qui permettait au projet d'expansion du pipeline Trans Mountain d'aller de l'avant.

La juge Eleanor Dawson a conclu que l'évaluation du projet par l'Office national de l'énergie (ONE) était si imparfaite que le cabinet de Justin Trudeau n'aurait pas dû s'y fier au moment de donner son approbation fin 2016.

Le tribunal a également statué que le gouvernement n'avait pas bien consulté la population autochtone avant d'approuver le projet.

«Les enjeux sont très importants, explique Me Marseille, en ce sens qu’il pose cette question : le processus d’autorisation et les obligations réglementaires imposées aux entreprises ne font-ils pas du Canada un endroit qui fera peur aux investisseurs étrangers?»

Selon l’avocat, bien qu’il y ait des enjeux de consultations auprès des autochtones, et des enjeux environnementaux, on voit surtout «que le projet ne semble pas réussir à passer le processus réglementaire d’autorisation alors même que le gouvernement fédéral en est le promoteur.»


L’action collective contre Bel-Air Laurentien aviation

Me Vézina, pour sa part, attend avec impatience la décision dans une action collective concernant Bel-Air Laurentien aviation qui devrait être rendue à la fin de l’année.

«La Coalition contre le bruit veut obtenir une diminution des vols d’hydravions touristiques, en plus d’une compensation de 1000 dollars par membre depuis 2008 pour les inconvénients vécus», explique-t-il avant d’indiquer que le dédommagement pourrait ainsi atteindre jusqu’à 10 millions de dollars.

Deux dossiers en droit de l’immigration

En matière de droit de l’immigration, Me Diane Petit, directrice du Bureau d’Aide juridique à Montréal, au sein du Bureau en Droit de l’immigration depuis le début de sa carrière en 1988, cite deux temps forts de l’automne.

Tout d’abord, la promesse du Ministère de la sécurité publique de présenter un projet de loi sur la création d’organismes de surveillance des agents des services frontaliers canadiens.

Ensuite, l’arrêt Vavilov, qui concerne la citoyenneté des enfants d’espions russes nés au Canada, sur lequel va se pencher la Cour suprême.

«Que la Cour suprême se prononce en matière d’immigration, cela n’arrive pas tous les jours», indique la juriste à Droit-inc.

L’importance de la propriété intellectuelle

Enfin, autre dossier de taille : l’importance grandissante de la propriété intellectuelle, incluant l’enregistrement de brevets et de marques de commerce, notamment dans les domaines de l’intelligence artificielle et les technologies numériques ainsi que la protection des dessins industriels et des droits d’auteurs.

«C’est est au cœur des stratégies d’affaires porteuses des industries et entreprises innovante, explique Me Vézina. On ressent actuellement une effervescence parmi les entrepreneurs qu’on accompagne pour la propriété intellectuelle».

Selon l’avocat, tout porte à croire que le réflexe des entreprises canadiennes et québécoises à utiliser la propriété intellectuelle afin de protéger leurs innovations va s’accélérer.

Au printemps dernier, le gouvernement du Canada a d’ailleurs créé la Stratégie en matière de propriété intellectuelle qui vise justement à accompagner les entreprises les entrepreneurs canadiens à mieux comprendre la propriété intellectuelle et la protéger.

Quant au cabinet Lavery, dans lequel travaille Me Vézina, il a intégré le cabinet Goudreau Gage Dubuc, cabinet en propriété intellectuelle, entre autres pour faire face à cette demande.
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1 commentaire

  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a 5 ans
    Omission d'importance
    Autre dossier qui aurait certainement été digne de mention: la décision tant attendue de la Cour d'appel dans le dossier du tabac.

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