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Poursuite : la famille de la fillette de Granby ne veut pas qu’elle soit morte pour rien

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Radio -canada

2022-10-18 10:15:00

La famille de la fillette de Granby intente une poursuite de plusieurs millions de dollars contre la DPJ et le Centre de services scolaire du Val-des-Cerfs…
L'avocate spécialisée en droit de la jeunesse et de la famille Me Valérie Assouline représente la famille de la fillette de Granby. Source: Radio-Canada / Martin Bilodeau
L'avocate spécialisée en droit de la jeunesse et de la famille Me Valérie Assouline représente la famille de la fillette de Granby. Source: Radio-Canada / Martin Bilodeau
« Ils ne l'ont pas écoutée, ils l'ont fuie. Une enfant, qui aurait eu 11 ans aujourd'hui, est partie à 7 ans parce qu'un gouvernement n'a pas su faire ce qu'il devait faire : protéger les enfants et (veiller) à ce qu'ils ne souffrent pas et à ce qu'ils restent sur terre. »

C'est un témoignage fortement émotif que la mère de la fillette de Granby, morte dans des circonstances tragiques en avril 2019, a livré aujourd'hui à la suite du dépôt d'une poursuite civile contre la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ), le Centre de services scolaire du Val-des-Cerfs et quatre personnes impliquées dans le dossier, soit trois intervenants et un chef de service de la DPJ.

La mère et les grands-parents paternels leur réclament en tout 3,7 M$ en dommages punitifs pour avoir ignoré les signaux d'alarme indiquant que la fillette était victime de maltraitance, d'abus et de violence.

Selon le recours civil, de nombreux signalements ont été faits par la famille au cours des quatre années où la fillette s'est trouvée sous la garde de son père et de sa conjointe. La famille affirme que l'état de la fillette se dégradait au fil des mois, qu'elle devenait de plus en plus amaigrie, qu'elle présentait plusieurs ecchymoses ou brûlures de cigarettes et que son comportement devenait inquiétant.

« Quatre ans à se faire battre, à ne pas pouvoir démontrer, à ne pas pouvoir s'échapper (...) On n'a pas su décoder ma fille pendant quatre ans », a décrié la mère, en larmes.

Plusieurs signalements faits par la mère et la grand-mère paternelle ont été rejetés, voire ignorés, selon le recours, qui souligne qu'une juge, en septembre 2015, a qualifié la grand-mère paternelle de « femme ayant un système d'alarme défaillant, qui voit des dangers partout ».

« J'ai dénoncé mon propre fils! On m'a retiré la petite à cause de cela », s'est pour sa part indignée cette dernière, lors de la conférence de presse. « Croyez-vous sérieusement que c'est de gaieté de cœur qu'on fait cela? Non, c'est pour les protéger! »

La grand-mère a également rappelé qu'elle a appris par le biais des médias que la fillette avait été retrouvée dans un état grave, et que personne ne l'avait avisée ni avait appelé la mère. « Une chance que j'ai un système d'alarme défaillant! Sinon, qui nous l'aurait dit? », déplore-t-elle.

La mère a avoué ne pas être un parent parfait. « Être parent ne vient pas avec un mode d'emploi », a-t-elle soufflé. Mais elle soutient qu'elle voulait être présente dans la vie de sa fille, d'autant plus que celle-ci craignait qu'elle ne l'abandonne. « (La DPJ) a fait en sorte que ses craintes se réalisent », déplore-t-elle, amère.

Elle ajoute: « Jamais je n'aurais pu penser qu'un enfant à sept ans pourrait partir dans des circonstances comme cela, avec autant d'alarmes, avec autant d'avertissements. Comment on peut nier, quand un enfant crie haut et fort et demande l'aide? »

Le CIUSSS de l'Estrie - CHUS et le Centre de services scolaire ont refusé de commenter l'affaire, en raison de sa judiciarisation. Cependant, le PDG du CIUSSS, le Dr Stéphane Tremblay, a souligné par courriel que « le décès de cette fillette est une tragédie qui nous a tous ébranlés et qui reste gravée dans nos esprits. Étant donné que des procédures judiciaires sont en cours, nous ne pouvons commenter davantage la situation, mais tenons à réitérer notre engagement, et celui de toutes nos équipes, à la protection et au bien-être des enfants les plus vulnérables »

« L'argent ne mènera nulle part »

L'avocate responsable du dossier, Me Valérie Assouline, a expliqué que la poursuite repose essentiellement sur l'obligation de rendre compte des acteurs qui, selon elle, sont responsables de la mort de la fillette.

Les parties seront de retour devant les tribunaux à Granby le 26 octobre prochain pour fixer l'échéancier des procédures. L'avocate soutient qu'il faut s'attendre à un très long processus, car il s'agit d'une « cause exceptionnelle avec des circonstances exceptionnelles ».

Visiblement émue par les propos tenus par la mère et la grand-mère paternelle, essuyant une larme à l'occasion, elle a déploré que « la bureaucratie a pris plus de place que l'humanité ». « Mes clients ont la conviction que c'est une constellation d'événements qui a mené à la mort de cette enfant », a-t-elle souligné.

Me Assouline estime également qu'autant la mère que la grand-mère paternelle ont fait face à des « portes fermées et à des préjugés ».

« Les décisions de la DPJ ont été basées sur de fausses croyances d'intervenants. (...) Le Tribunal a ultimement le dernier mot, mais les paroles d'intervenants guident ces décisions et nous démontrerons qu'ils ont failli à leur obligation d'impartialité et de mettre l'intérêt de l'enfant avant celui du père. »

Elle a également décrié l'inaction du Centre de services scolaire du Val-des-Cerfs, qui n'est pas intervenu lorsque la fillette a cessé de fréquenter l'école. « (Tous) les intervenants ont ignoré les drapeaux rouges. (...) Leur silence, leurs actions, leurs inactions ont condamné leur enfant, et ce, jusqu'à son dernier souffle », ajoute-t-elle.

L'avocate espère que cette poursuite conduira à un changement de culture et « que l'ensemble des éléments ayant mené à son décès (fera) l'objet d'un travail d'introspection ».

Quant à la mère, elle affirme que « l'argent ne mènera nulle part ». « Je veux faire en sorte qu'elle ne soit pas partie pour rien. Je ne le fais pas pour l'argent, je le fais pour tous les enfants. »

En sanglots, elle a mentionné qu'elle tentait désormais de vivre pour ses enfants, dont le frère de la fillette, qui était également sous la garde du père et qui a été fortement touché par les événements.

« J'espère être assez forte pour un jour être à côté de lui, lui assurer un soutien et le reprendre. Je n'ai même pas la force de le prendre dans mes bras sans penser à ce qu'il a vécu, sans m'effondrer. »
1918
1 commentaire
  1. Me Redoute
    Me Redoute
    il y a un an
    Nul ne peut invoquer sa propre turpitude
    Quel gâchis que cette affaire. Il ne manquait que le recours de la famille! Où était la mère pendant 4 ans? À part mettre la faute sur les épaules des autorités qu'a-t-elle fait au juste? J'aurais honte de réclamer une telle somme d'argent. La mère et la grand-mère ne méritent absolument rien.

    Tout cela est dégueulasse.

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