Carrière et Formation

Le quotidien d’une avocate sans frontières

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Camille Dufétel

2023-04-21 15:00:00

Certains avocats font le choix des cabinets, d’autres se lancent en solo… D’autres encore préfèrent le cadre d’une ONG, comme cette avocate engagée… Laquelle ?
Me Julia Tétrault-Provencher. Source: LinkedIn
Me Julia Tétrault-Provencher. Source: LinkedIn
Me Julia Tétrault-Provencher travaille depuis décembre 2021 au sein d’Avocats sans frontières Canada, organisation non gouvernementale de coopération internationale, dont le siège est à Québec et qui dispose de bureaux internationaux.

Loin, bien loin de l’univers des gros cabinets d’avocats.

Ce n’est pas sa réalité, et l’avocate, principalement spécialisée en droits sexuels et reproductifs, ne le regrette pas du tout. Elle apprécie travailler en tout indépendance auprès d’avocats ayant une expertise internationale, très impliqués sur le plan des droits humains.

Me Tétrault-Provencher se penche surtout sur des projets concernant l’Afrique de l’Ouest, notamment le Mali, le Bénin et le Burkina Faso. Depuis peu, aussi de l’Afrique de l’Est. Elle avance également sur d’autres dossiers en Haïti et en Amérique latine, comme au Honduras et au Salvador.

« Ce sont des projets très axés sur le fait de favoriser l’accès aux droits sexuels et reproductifs des femmes et des adolescentes, mais aussi des personnes en situation de vulnérabilité de façon plus générale », souligne-t-elle.

La Barreau 2018 travaille avec des organisations de la société civile et d’autres avocats, en soutien, selon les besoins.

La journée type de l’avocate diplômée de l’Université Laval et de la Leiden University, aux Pays-Bas, consiste par exemple en des rencontres virtuelles avec ses collègues de l’Afrique de l’Ouest pour avancer sur certaines stratégies, suivies de rédaction, d’analyses juridiques, ou de recherches sur différents enjeux.

Concernant son équipe, l’avocate, parfois amenée à voyager, liste 10 conseillers juridiques, dont six avocats.

« Nous sommes beaucoup plus d’avocats quand nous comptons nos collègues dans nos bureaux internationaux, notamment », nuance-t-elle.

Faire avancer les droits humains

Sur quoi l’avocate travaille-t-elle actuellement ? Elle évoque le cas « Beatriz » au Salvador, pour lequel elle prépare avec sa collègue un amicus curiae - visant donc à veiller à ce que tous les éléments de preuve, entre autres, soient présentés au tribunal en bonne et due forme.

Beatriz, jeune Salvadorienne vivant dans une pauvreté extrême, était notamment diagnostiquée avec une grossesse à haut risque en février 2013. Une interruption de grossesse était recommandée pour préserver sa santé et sa vie, mais Beatriz s’est vu refuser celle-ci, en raison de l’interdiction absolue de l’avortement au Salvador.

Me Tétrault-Provencher précise qu’« après trois mois de combat devant les tribunaux nationaux et internationaux, la Cour interaméricaine des droits de l'homme a ordonné à l'État de prendre les mesures nécessaires pour protéger la vie, la santé et l'intégrité personnelle de Beatriz, qui a bénéficié d'une césarienne ».

Une plainte a par la suite été déposée auprès de la Commission interaméricaine des droits de l’homme contre l’État du Salvador pour violations des droits humains et, en janvier 2022, l’affaire a été soumise à la Cour de cette Commission, résume l’avocate.

« Ce cas sera entendu devant la Cour interaméricaine des droits humains en mars, précisait-elle en février. Notre amicus curiae se penche sur la question de la criminalisation absolue de l’avortement comme pouvant constituer une forme de torture et de mauvais traitements en vertu du droit international. »

Elle explique qu’il s’agit d’un très bel exemple de litige stratégique dans lequel sont utilisés les instruments régionaux et internationaux pour faire avancer les droits humains dans les pays dans lesquels son équipe travaille.

Accès à la justice

Me Tétrault-Provencher donne l’exemple d’une réussite d’Avocats sans frontières Canada, le cas Vicky, présenté par l’organisation comme une décision historique pour la communauté LGBTI d’Amérique latine.

Il s’agit de la décision rendue le 30 juin 2021 par la Cour interaméricaine des droits de l’homme, jugeant le Honduras responsable de la mort de Vicky Hernandez, une jeune Hondurienne trans assassinée en 2009.

Avocats sans frontières Canada précise que c’est la première fois dans l’histoire qu’un État membre de la Cour est mis en cause pour les violences perpétrées contre la communauté LGBTI.

Me Tétrault-Provencher ajoute, au passage, que son équipe ne travaille pas que sur du litige stratégique. L’approche de celle-ci vise également à favoriser un plus grand accès à la justice notamment à travers l’aide juridique, l’assistance judiciaire et le plaidoyer international.

Cela passe, par exemple, par la soumission de rapports produits par les organisations de la société civile dans le cadre de l’Examen périodique universel. Celui-ci consiste à passer en revue les réalisations de l’ensemble des États membres de l’ONU dans le domaine des droits de l’homme.

Ou encore par des analyses critiques de projets de loi afin de mettre en lumière leurs lacunes au niveau des standards internationaux.

Une évidence

Me Tétrault-Provencher, qui a commencé son parcours d’avocate au temps de la Covid-19, a d’abord travaillé à son compte, notamment comme consultante en droits humains auprès de différentes organisations.

L’offre d’emploi d’Avocats sans frontières, dans son domaine de prédilection, l’a tout de suite interpellée. L’avocate, qui anime par ailleurs un balado de l’Association du Barreau Canadien, Juriste branché, n’a pas hésité à appliquer.

Pour les jeunes avocats qui hésiteraient entre intégrer un cabinet et une ONG, elle assure que tout est affaire de convictions.

Si l’hésitation se base sur la rémunération, ces derniers gagneraient sans doute plus au privé, quoi que « quand tu regardes le salaire moyen des avocats, ce n’est pas tant différent », remarque-t-elle.

L’avocate passionnée, par ailleurs adepte de théâtre, se dit satisfaite de ses conditions de travail et l’assure, « ça vaut vraiment la peine ».

Elle précise qu’Avocats sans frontières Canada recrute régulièrement des coopérants volontaires ayant une formation en droit, notamment pour le Salvador, et par ailleurs, des stagiaires du Barreau.
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1 commentaire
  1. DSG
    Dernier refuge
    Pour les avocats sans jobs, il y'a Avocats sans frontières.

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