Douceur de Loire

Henry Marionnet est un incontournable de la viticulture en Loire. Dans son domaine de la Charmoise, une propriété de 60 hectares à Soings-en-Sologne, il produit surtout du sauvignon blanc et du gamay.

Son gamay d’entrée de gamme est d’ailleurs un des plus constants et savoureux disponibles en SAQ depuis longtemps. Mais il s’est passionné depuis une vingtaine d’années pour la production de vins issus de raisins poussant sur des vignes franches de pied, ce qui est à notre époque très rare.

Après que le phylloxera ait décimé la quasi-totalité du vignoble européen à la fin du 19ème siècle, on a pris l’habitude de greffer les cépages vitis vinifera européens sur des souches américaines, résistantes à l’insecte.

Mais lui a décidé de tenter l’expérience d’un retour à l’ancienne façon de planter, surtout pour voir comment une vigne franche de pied et une greffée, cultivées de la même façon, aux raisins vinifiés de la même façon, se comporteront.

Il a ainsi lancé la gamme vinifera dont le gamay est disponible en SAQ depuis quelques temps. Il est donc produit exactement dans les mêmes conditions que le gamay que l’on connait, mais est issu de vignes franches de pied.

À la base, on y trouve une filiation avec le premier. Il a cette matière tendre, délicate, d’un fruité acidulé, garante d’un plaisir immédiat dès qu’on y trempe les lèvres. Mais il s’y ajoute une minéralité et une richesse que l’autre n’a pas.

Au nez, ça sent le fruit noir le pétale de rose séché, avec un petit côté herbacé provenant de la rafle, conservée lors de la macération carbonique. La bouche offre un beau fruit pur, acidulé, un brin épicé, poivré, de la minéralité, beaucoup de fraicheur et une acidité bien appuyée. Les tanins sont soyeux, presque imperceptibles. On est ici dans l’univers du vin de plaisir, de soif, mais du vin de soif de haut niveau.
Pour accompagner le boudin ou un plateau de charcuteries.

M. Marionnet, qui était de passage à Montréal cette semaine, avait aussi apporté dans ses valises un produit d’exception, soit la cuvée Provignage 2011. Il s’agit d’un vin sans appellation, Vin de France donc, issu d’un cépage blanc rare, le romorantin, que l’on trouve généralement dans l’appellation Cour-Cheverny, pas très loin de chez lui.

Une cuvée issue de vignes franches de pied si vieilles qu’elles ont été plantées avant l’attaque du phylloxera. L’année exacte est difficile à déterminer, mais ça aurait été planté entre 1820 et 1850. Henry Marionnet revendique ainsi la paternité de la plus vieille vigne de France.

Il y a quelques années, un vieux vigneron près de chez lui a pris sa retraite. Il lui a offert de lui louer ses quatre hectares de vignes. D’abord peu chaud à l’idée, il a arpenté la terre pour y découvrir ces vieux troncs noueux, caractéristiques de vignes très âgées.

«J’ai eu le coup de foudre pour ces vieux pieds torturés par le temps», raconte-t-il. Il y en avait environ un tiers d’hectare, qui donnent un jus rare et d’une pureté remarquable.

Amateurs de gros vins blancs charmeurs et vanillés s’abstenir. On a ici un vin au nez subtil, foral, avec des notes de fromages à croute fleurie, de noisettes. En bouche, c’est tendu, d’une acidité vive, presque mordante, avec des notes de citron Meyer, de pamplemousse, et une minéralité intense. C’est long, riche, et un brin rustique.

À garder en cave longuement. Je caraferais ce vin plusieurs heures avant de le boire. Il fera son entrée dans quelques mois en SAQ Signature à 69$. Je vous le recommande fermement.

Henry Marionnet , Vinifera Gamay, Touraine 2012, Code SAQ : 11844591, 23,55$