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La Cour supérieure valide la redevance du REM

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Didier Bert

2024-02-27 15:00:03

Me Éric Simard, Me François Barette, Me Lucie Lanctuit et Me Maria Braker. Source: Fasken
La redevance de transport destinée à financer le REM est validée par la Cour supérieure. Qui sont les avocats?

Ce sont 600 millions de dollars, destinés à financer le Réseau express métropolitain (REM) de Montréal, dont l’issue était potentiellement en jeu devant la Cour supérieure du Québec.

Le juge Donald Bisson de la Cour supérieure a rejeté la demande de pourvoi en contrôle judiciaire et en jugement déclaratoire déposée par la firme Quartier One West. Ce promoteur immobilier contestait le régime législatif et réglementaire à l'origine de la redevance de transport qu’il devait verser pour obtenir un permis de construction.

Quartier One West entend bâtir deux tours de condos d'une valeur globale de 45 millions de dollars, et 14 maisons de ville d’une valeur totale de 3 millions de dollars, dans un rayon de moins d’un kilomètre de la station Fairview-Pointe-Claire du REM.

Quartier One West possède plusieurs terrains proches de la future station Fairview-Pointe-Claire du REM. Elle s'est heurtée à la réglementation de la Ville de Pointe-Claire qui exige le paiement d'une redevance de transport comme conditions à l'obtention des permis de construction. La demanderesse a payé les redevances exigées, soit plus de 3,4 millions de dollars, mais elle souhaitait obtenir le remboursement des montants déboursés, qu'elle n'avait pas à payer selon elle.

Me Éric Bellemare et Me Jean-Philippe Fortin. Source: LinkedIn et Bélanger Sauvé

Le promoteur avait déposé son pourvoi contre l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM), le Procureur général du Québec et la Ville de Pointe-Claire.

La demanderesse affirmait que plusieurs articles de la Loi concernant le Réseau électrique métropolitain, plusieurs articles de la Loi sur l'Autorité régionale de transport métropolitain, ainsi que le Règlement concernant la redevance de transport à l'égard du Réseau express métropolitain, étaient inconstitutionnels. Son argumentation reposait sur l'affirmation que « ces dispositions imposent une redevance de transport qui est une taxe indirecte déguisée ». Aussi, la délégation du pouvoir de taxation était inconstitutionnelle, affirmait la défenderesse.

De plus, la demanderesse affirmait que le règlement est déraisonnable, car le trajet à pied ou en voiture entre ses immeubles et la station Fairview-Pointe-Claire est supérieur à un kilomètre en raison de la présence de l'autoroute 40. Cela aurait donc dû exempter ses projets de la redevance, selon elle.

Enfin la demanderesse demandait l'annulation de la décision de la Ville d'exiger le paiement de la redevance de transport pour ses 14 maisons de ville, en raison de la méthode de calcul de la superficie de plancher des bâtiments. Le procédé utilisé considère la superficie de l'ensemble des maisons comme un tout, et non pas individuellement.

Me Joe Morrone et Me Claude G.Leduc. Source: ML Avocats

L’ARTM était représentée par Me Éric Simard, Me François Barette, Me Lucie Lanctuit et Me Maria Braker du cabinet Fasken. Le Procureur général du Québec était représenté par Me Thi Hong Lien Trinh et Me Éric Bellemare du ministère de la Justice. Quant à la Ville de Pointe-Claire, elle était conseillée par Me Jean-Philippe Fortin avec le concours de la stagiaire Stéphanie Bégin du cabinet Bélanger Sauvé.

Quartier One West est représenté par Me Joe Morrone et Me Claude G.Leduc de ML Avocats. Le promoteur n’a pas encore décidé s'il fera appel de la décision de la Cour supérieure, précise Me Morrone.

Pas inconstitutionnel

Le juge Bisson écarte l’argument d’inconstitutionnalité, en considérant que la redevance n’est pas une taxe indirecte. Il s’appuie sur les arrêts Première nation de Westbank c. British Columbia Hydro and Power Authority de 1999, et 620 Connaught Ltd. c. le Procureur général du Canada de 2008, pour affirmer que « l’objet principal de la redevance de transport n’est pas de taxer, c’est-à-dire percevoir des revenus à des fins générales, mais bien de financer des aspects spécifiques d’un régime de réglementation, autrement dit être une redevance de nature réglementaire ou être accessoire ou rattaché à un régime de réglementation. »

Quant à l’aspect de droit administratif, le juge Bisson a considéré l’arrêt Katz Group Canada c. Ontario (Santé et Soins de longue durée) de 2013, pour décider que le règlement est valide et raisonnable, puisque conforme à l’objectif législatif et au mandat défini par la loi habilitante.

L’arrêt Katz est la norme de contrôle que l’équipe de Fasken a suggérée au juge, confie Me Éric Simard. Cet arrêt affirme « qu'en matière de contrôle judiciaire de législation déléguée, et tout particulièrement en matière de décrets gouvernementaux et d’arrêtés ministériels, (…) pour contester ces actes normatifs, il faut démontrer qu’ils sont incompatibles avec l’objectif de la loi habilitante ou non-conformes au mandat prévu par la loi habilitante, et réaffirmant la présomption de validité des règlements ».

Or, la demanderesse n’a pas démontré que la norme était outrepassée. « Même si la preuve non contredite démontre que les immeubles de la demanderesse ne prendront pas de valeur à cause de la station du REM qui est trop loin à pied pour générer un tel accroissement de valeur, cela ne change rien de l’avis du Tribunal; la demanderesse n’a pas franchi la norme de contrôle », écrit le juge Bisson.

De plus, les choix économiques et politiques qui ont motivé la mise en place des exceptions au régime, décidés par le ministre, ont trait à l’opportunité et à l’efficacité des dispositions attaquées, ce qui relève de la sphère politique, mentionne le juge.

« Il s'agit d'un choix politique de collecter une redevance de transport, qui n'est pas révisable par le tribunal, compte tenu qu'il n'y a pas de déraisonnabilité par la mise en place du règlement », explique Me Éric Simard.

La décision du juge Bisson vient confirmer la validité de la redevance en tant qu’outil de financement du REM. La Cour supérieure considère que le règlement établissant la redevance est jugé raisonnable. Le tribunal valide donc la redevance de 3 091 833,60 $ versée pour les deux tours à condos.

Cependant, le juge considère que la Ville de Pointe-Claire a mal appliqué le règlement au 14 maisons de ville visées par le pourvoi. La Ville a mal évalué la superficie du bâtiment qui détermine l'imposition de la redevance. Le tribunal ordonne donc le remboursement d'un montant de 318 170,40 $ versé pour ces maisons.

Un impact important pour le REM

La décision de la Cour supérieure porte des conséquences bien au-delà de cette seule affaire. En effet, pour le REM, le financement par la redevance de transport a pour objectif de fournir un financement pouvant aller jusqu'à 600 millions de dollars, indique l’article 38 de la Loi sur le REM. À ce jour, la redevance a permis d’accumuler 161 895 315 $.

« Cette décision permet de maintenir un régime réglementaire qui est structurant pour l'ensemble des grands projets de mobilité qui seront mis de l'avant par l’ARTM, explique Me Éric Simard. La redevance vient capter la plus-value foncière qui bénéficie aux propriétaires immobiliers à proximité des stations du REM. Cette décision vient consacrer un mode de financement qui a des similitudes avec des régimes applicables ailleurs au Canada ou à l’étranger. »

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