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« Cultiver la passion du droit est essentiel »

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Dominique Tardif

2018-01-10 10:00:00

Cette semaine, Dominique Tardif, de ZSA, s’entretient avec Gina Doucet, avocate, associée directrice de Cain Lamarre.

1. Pourquoi avez-vous, à l’origine, décidé d’être avocate plutôt que de choisir un autre métier ou une autre profession? Était-ce ‘écrit dans le ciel’ ou encore de famille, dans votre cas?

Gina Doucet, avocate, associée directrice de Cain Lamarre
Gina Doucet, avocate, associée directrice de Cain Lamarre
Venant d’un milieu d’agriculture et de construction, je ne comptais aucun professionnel dans mon entourage immédiat… même si mon grand-père rêvait, il est vrai, d’avoir une première avocate dans la famille!

Je voulais, à l’époque, devenir capitaine de bateau de la marine marchande et suis donc entrée, au collégial, à l’Institut maritime du Québec à Rimouski. C’est après avoir entendu les récits des femmes qui revenaient de leur stage en matelotage et constaté combien le milieu demeurait conservateur que j’ai, après réflexion, changé d’idée quant à mon orientation professionnelle.

Un an plus tard, je m’interrogeais donc sur la suite des choses et hésitais entre des études en philosophie, droit ou journalisme d’enquête. Sans trop savoir dans quoi je m’embarquais, j’ai choisi le droit : j’aimais plaider et défendre des idées, je cherchais les défis intellectuels et à comprendre les gens.

C’est, ultimement, probablement plus le droit qui m’a choisie que l’inverse. En effet, j’étais, pendant mes études loin d’être convaincue d’être « à ma place ». J’avais quand même décidé d’aller jusqu’au bout et de faire mon stage, que j’ai commencé alors que j’étais enceinte…un scénario qui n’était pas idéal! Mes quatre premiers mois de stage, surtout en litige, m’ont un peu réconciliée avec le droit, mais je demeurais tout de même incertaine de ce que je voulais faire ensuite. C’est après avoir accouché et en revenant pour terminer mon stage qu’une place s’est libérée en droit des affaires. C’est alors que j’ai eu la piqûre et me suis sentie à la bonne place. C’était une véritable révélation!

J’ai donc fait ma carrière en droit des affaires et, sans vouloir paraître cliché, je dois dire que j’ai l’impression d’être aujourd’hui revenue à mes racines avec mon nouveau rôle d’associée directrice : je suis maintenant capitaine d’un gros porte-avion et ai en ce sens certainement réalisé mon rêve!!

2. Quel sont les plus grands défis professionnels auxquels vous avez fait face au cours de votre carrière?

Mon premier défi est de vivre mon changement de carrière actuel, en passant du statut d’associée de droit des affaires à associée directrice du cabinet. Cela demande beaucoup d’humilité! En effet, on devient, comme avocat et avec les années de pratique, une sorte de référence dans notre domaine : le client nous écoute, nous demande conseil, etc. Faire une transition de ce statut « d’expert » vers celui de gestionnaire d’un cabinet implique de pratiquer un tout autre métier, et un métier que l’on ne connaît pas. Il faut savoir y trouver de la valorisation, sachant qu’elle survient à beaucoup plus long terme en gestion que dans le cadre d’un dossier, où des résultats concrets peuvent devenir tangibles assez rapidement et où les succès passent moins souvent inaperçus.

Un autre de mes défis consiste à succéder à un prédécesseur extrêmement apprécié - et dont je suis très différente. Ma mission est de bien lui succéder tout en assumant et en respectant pleinement mes différences. Il s’agit d’assimiler les conseils et l’expérience passée en les intégrant et en les adaptant à ma propre vision et à ma personnalité.

Un autre défi a trait à la structure du cabinet, réparti à travers tout le Québec, ce qui le rend en ce sens différent des autres cabinets d’importance. Ma mission est d’assurer sa progression en recrutant les meilleurs en leur faisant comprendre qu’avec notre « plan de match », ils feront une grande et belle carrière tout en se réalisant pleinement sur le plan personnel.

3. Si vous aviez une baguette magique, que changeriez-vous à la pratique du droit?

Si j’avais une baguette magique, c’est la perception du droit en tant que tel que je changerais. En effet, le droit est souvent perçu comme un empêchement, une problématique, une contrainte. Pourtant, il constitue plutôt un outil pour bâtir quelque chose de solide et à long terme. Mieux vaut réaliser un projet en fonction du droit afin que les choses fonctionnent bien à long terme. L’avocat est, à tort, souvent perçu comme la personne qu’on va voir quand on a un problème, alors qu’il devrait avoir beaucoup plus un rôle de prévention et de conseil, pour éviter ces mêmes problèmes.

Si j’avais une baguette magique, je changerais aussi la perception qu’ont les gens des services rendus. Nous ne « vendons » pas que des heures, mais bien des services à valeur ajoutée. Au-delà du nombre d’heures consacrées à un dossier, il faut savoir établir la valeur du service. Quand la valeur est perçue, personne n’a de la difficulté à la payer.

4. La perception du public envers la profession et les avocats en général est-elle plus positive, égale ou moins positive qu’elle ne l’était lors de vos débuts en pratique? Et pourquoi, à votre avis?

J’ai tendance à penser que la perception du public envers la profession s’améliore. Beaucoup d’efforts sont, en effet, faits en ce sens, qu’on pense notamment aux modes de règlements alternatifs des conflits, aux méthodes de facturation et aux changements apportés au Code de procédure civile. Le fait que la profession soit de moins en moins hermétique et que le rôle des avocats se soit aujourd’hui démocratisé est également un pas dans la bonne direction, même s’il reste évidemment encore place à l’amélioration.

5. Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un débutant sa carrière et voulant réussir en pratique privée?

Je crois qu’il est nécessaire d’être passionné par ce que l’on fait. Cultiver la passion du métier est une chose essentielle, d’autant plus que le travail d’avocat est exigeant et demande un investissement constant. Sans cette passion et cette constance, mieux vaut changer de métier!

Il est aussi nécessaire d’avoir à cœur les intérêts du cabinet et des clients. Nous devons en effet penser en fonction d’intérêts plus grands que ceux qui nous sont strictement personnels et qui sont fonction du bénéfice individuel qu’on en retire.

Les avocats qui débutent devraient aussi, à mon avis, développer le « savoir écouter » encore davantage que le « savoir parler ». Quand j’entends des avocats affirmer qu’on leur a toujours dit qu’ils devraient être avocats comme ils savent bien défendre leurs points, j’ai parfois envie de leur rappeler de plutôt commencer par écouter ce que les gens ont à leur dire! (rire).

Une fois le métier maîtrisé, il faut aussi faire preuve de créativité. La recherche de solutions permet en effet de se différencier, peu importe l’automatisation et l’arrivée des nouvelles technologies.

Enfin, il est nécessaire d’être ‘un bon humain’ : il faut être près des gens, généreux et intéressé par les autres. La technologie fera un jour en sorte que bien des gens se retrouveront sur le même pied d’égalité sur le plan des connaissances. La maîtrise de la science fera de moins en moins la différence. C’est plutôt ce qu’on fera avec ensuite et nos qualités d’individu qui nous distingueront.

  • Les derniers bons livres qu’elle a lus : Les animaux dénaturés (auteur : Jean Bruller sous le pseudonyme de Vercors), Le plus petit baiser jamais recensé (auteur : Mathias Malzieu) et Le dernier Lapon (auteur : Olivier Truc).

  • Les derniers bons films qu’elle a vus : Blade Runner 2049 (réalisateur : Denis Villeneuve) et Les Figures de l’ombre (réalisateur : Theodore Melfi).

  • Sa chanson fétiche : I’m Yours (interprète : Jason Mraz)

  • Ses citations préférées : ‘Sois pour toi-même ton meilleur ami’ et ‘L’amour ou l’amitié n’est pas une tarte’. On peut donc en prélever et en donner autant de pointes qu’on en veut : il en restera toujours pour tout le monde.

  • Son péché mignon : Les chips!!

  • Son restaurant préféré : La Gueule de Bois (Rue St-Vallier Est, Québec)

  • Elle aimerait visiter… la Namibie.

  • Le personnage historique qu’elle admire le plus : René Lévesque, non pour des considérations et allégeances politiques, mais plutôt parce qu’à l’époque où il y était, les gens s’intéressaient à la politique et en parlaient, ce qui me paraît important et qu’on a un peu, et tristement, perdu aujourd’hui.

  • Si elle n’était pas avocate, elle serait…créatrice de voyages sur mesure ou propriétaire d’une galerie d’art.




Me Gina Doucet, avocate et associée directrice de Cain Lamarre
Avocate chevronnée en droit des affaires comptant près de 30 ans d’expérience, Me Gina Doucet a gravi les échelons du cabinet, y débutant comme stagiaire en 1988, devenant associée en 1999, membre du conseil d’administration pendant huit ans puis membre du comité exécutif et enfin associée, directrice nationale de Cain Lamarre le 1er janvier 2017.
Me Doucet a poursuivi une carrière fructueuse en droit des affaires jusqu'à ses nouvelles fonctions. Sa clientèle était composée particulièrement de PME, de sociétés de capital de risque et de conseils de bandes autochtones, tout comme de dirigeants d’entreprise et de releveurs désireux de compléter des projets de transfert d’entreprise. Elle a conseillé et accompagné ses clients dans leurs activités commerciales et leurs projets stratégiques et mis à leur disposition son expérience, son écoute et sa créativité, pour l’élaboration et la mise en œuvre de solutions pratiques et économiques.
Médiatrice civile et commerciale, elle a également donné de nombreuses conférences et formations concernant le droit commercial, la propriété intellectuelle et les valeurs mobilières.
Ses nouvelles fonctions d’associée directrice l’occupant à temps plein, Me Doucet se consacre principalement à la direction, à la gestion, à la circulation de l’information et des connaissances et également à la mise en œuvre des grandes orientations du cabinet afin d’en assurer la croissance et l’expansion tout en ayant à cœur une amélioration continue de l’expérience du client. Évidemment, malgré ces nouvelles fonctions, les clients du cabinet peuvent toujours compter sur son expertise, plus particulièrement dans le cadre d’interventions stratégiques.
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1 commentaire

  1. Xyz
    Bon humain??...
    Quelle foutaise: « Enfin, il est nécessaire d’être ‘un bon humain’ »

    elle qui a réussi à mettre les 3/4 du département des communications et sa propre assistante en burnout depuis son arrivée à Québec.
    Droit-inc vérifiez et vous verrez... ça brasse mais évidemment ils ne s’en vantent pas.

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