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Deux animateurs sportifs et un dérapage du #moiaussi
Julien Vailles
2018-03-27 15:00:00
Alléguant avoir été comparé à un prédateur sexuel sur Facebook, un journaliste sportif intente une poursuite en diffamation tandis qu’un autre perd son emploi…
Pour appuyer ses dires, M. Daigneault affirme avoir des témoignages de cinq femmes, apparemment victimes d’inconduites sexuelles, dont deux auraient été mineures au moment des faits.
Des dires fortement démentis par le principal intéressé, qui rejette ces accusations « fausses, dégradantes et totalement diffamatoires ». Il a donc déposé une poursuite en diffamation contre M. Daigneault, lui réclamant 277 500 $, écrit le Journal de Montréal. Me Magali Fournier, de Brouillette Légal, représente M. Leroux dans cette affaire.
Plus précisément, on réclame 5 000 $ par publication Facebook, 2 500 $ par commentaire supplémentaire, 50 000 $ à titre de dommages moraux et le même montant comme dommages punitifs. Des sommes pourraient s’ajouter si des nouvelles publications voient le jour.
C’est que depuis le 26 février, M. Daigneault a relayé plusieurs fois la publication, et a créé deux pages Facebook à cet effet. M. Leroux affirme dans sa demande que cela avait pour but de nuire à sa réputation. À ce jour, les publications à l’origine du litige sont toujours en ligne.
Victime collatérale
Cette histoire aurait déjà fait une victime collatérale. Stéphane Langdeau, jusqu’à tout récemment animateur de l’émission L’Antichambre, à RDS, aurait été éclaboussé malgré lui par l’affaire. C’est que M. Daigneault, dans des publications subséquentes, a continué d’utiliser les initiales « S. L. ». Certaines personnes ont à tort conclu qu’il s’agissait de M. Langdeau, lui qui œuvre dans le même milieu et dont la notoriété est plus grande que celle de M. Leroux.
M. Langdeau, craignant pour sa réputation, aurait alors appelé Gary Daigneault pour signifier son mécontentement. Un appel qui n’a pas plu à ce dernier, qui a dit s’être senti « ultra-menacé », au point de déposer une plainte à la Sûreté du Québec contre M. Langdeau. Peu après, Stéphane Langdeau a démissionné de RDS.
La « justice privée »?
Assiste-t-on à une manifestation de la « justice privée », où quelqu’un décide de faire la justice lui-même? C’est l’avis de Me Christian Lajoie, associé fondateur du Lajoie Pearson et spécialisé en matière de médias sociaux et de diffamation.
« On remarque de plus en plus ce genre de façon de faire, déclare Me Lajoie. Les gens veulent s’exprimer à tout prix! Et ce, dans tous les domaines de droit. En droit familial, par exemple, on voit souvent une personne s’exprimer publiquement sur son ex… »
Or, le tribunal déteste la justice privée, dit Me Lajoie. Surtout que dans le cas d’espèce, M. Daigneault est une personnalité publique jouissant d’une tribune et il continue à ce jour de publier à ce sujet. De quoi faciliter la tâche de la partie adverse, croit l’avocat.
« Je n’ai jamais été très partisan des poursuites en diffamation, ajoute Me Julius Grey, fondateur de l’étude Grey Casgrain. Mais dans un cas comme celui-là, c’est autre chose. Une telle accusation correspond à la peine capitale professionnelle, c’est pire encore que d’alléguer que quelqu’un est un fraudeur! Le recours paraît donc justifié », dit-il.
« L’idée n’est pas que les tribunaux protègent les potentiels prédateurs, mais bien qu’on ne puisse pas écrire que quelqu’un en est un sans qu’on soit assuré qu’il y ait eu un rigoureux travail journalistique, précise Me Lajoie. On peut cependant concevoir que les choses seraient différentes si les victimes publiaient elles-mêmes, mais ce n’est pas le cas ici ».
Me Grey abonde dans le même sens : ce qui dérange le plus, c’est que M. Daigneault n’a pas donné à M. Leroux l’occasion d’être entendu, ni lors de la publication initiale, ni maintenant.
Du reste, de l’avis de Me Lajoie, le seul écueil dans ce recours est la réclamation correspondant à chaque commentaire supplémentaire. Selon lui, il est difficile de vérifier l’identité réelle des gens derrière ces publications. « Le plus important en l’espèce, c’est de savoir combien de personnes ont vu les publications, et il est facile de le vérifier », conclut-il.
En terminant, Me Grey soulève que la question de la divulgation des sources sera très importante dans la poursuite, car M. Leroux n’a pas pu savoir qui était à l’origine de ces accusations.
Depuis les années 1990, Stéphane Leroux couvre les affaires de la Ligue de hockey Junior majeur du Québec (LHJMQ) à RDS.
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