Faut-il craindre l'Entente France-Québec?

Jean-François Théorêt
2009-12-04 08:30:00
La nouvelle entente signée avec la France me fait peur. Pensez-vous qu'il y aura un marché pour ces avocats sortis de nulle part et membres de notre barreau ?
Réponse
Je vous répondrai en me basant sur les réalités du marché de l’emploi juridique au Québec que j’observe de très près depuis maintenant sept ans. Cette entente facilitera effectivement, en théorie à tout le moins, l’accès à la profession pour les avocats français désirant venir s’établir au Québec et vice versa.
Cependant, ce qui est principalement recherché par les employeurs est l’expérience pratique ET locale. Vous comprendrez que je généralise bien entendu et qu’il y aura toujours des exceptions à la règle. Ceci étant dit, les employeurs ont, règle générale, certains préjugés défavorables envers une candidature n’ayant aucune expérience juridique acquise au Québec. À profil similaire, ils auront généralement une préférence pour le candidat ayant travaillé au sein d’un cabinet ou d’une entreprise ici. Il est aisé de dire que les deux types de droit ont les mêmes bases et qu’ils sont similaires. Cependant, chaque juridiction a ses spécificités et une mise à jour serait nécessaire au candidat sans expérience locale pour être pleinement efficace.
Aussi, il y a souvent un facteur culturel qui entre en ligne de compte. Les employeurs chercheront à conserver la plus grande homogénéité possible au sein de leur équipe de manière à éviter tout soubresaut ou remise en question des règles établies et acceptées. De plus, ils voient l’intégration d’une personne « du crû » comme plus apte à s’effectuer sans heurts.
Finalement, la pratique du droit au Québec et surtout à Montréal nécessite de manière générale la maîtrise de l’anglais autant que celle du français. Les employeurs auront tendance à conclure dès la phase de l’écrémage des CV qu’une candidature française ne possédera pas un niveau de maîtrise de l’anglais suffisant.
Comme je le mentionnais, il existe bien sûr plusieurs exceptions à la règle. Mais ce qui ressort très régulièrement de mes entretiens avec des avocats français, qui souvent ont fait leurs équivalences et qui sont donc membres du Barreau du Québec, est la grande difficulté à obtenir la chance d’acquérir une première expérience locale. Beaucoup se tournent vers des professions connexes. Dans la pratique, le fait qu’ils soient membres du Barreau du Québec ne changera pas, à court ou moyen terme, ces perceptions qu’ont les employeurs.
Au plaisir.
Jean-François Théorêt
La Question Carrière
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