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« Procès fantôme » : à la recherche du juge

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Radio -canada

2022-04-05 12:00:00

Le « procès fantôme » n'a laissé aucune trace dans les archives de la Cour du Québec, selon la juge en chef…

La juge en chef Lucie Rondeau. Source : Archives
La juge en chef Lucie Rondeau. Source : Archives
La juge en chef de la Cour du Québec a déposé lundi une requête auprès de la Cour d'appel pour obtenir, sous scellés, des informations concernant le « procès fantôme », dont même elle ignorait l'existence.

Dans une requête déposée en Cour d'appel lundi, la juge Lucie Rondeau plaide qu'elle n'a même pas été en mesure de confirmer si la cause avait été entendue par la Cour du Québec, l'instance qu'elle préside.

La requête demande à la Cour d'appel de fournir à la juge en chef Rondeau une copie sous scellés du dossier judiciaire de première instance ou, le cas échéant, les éléments pertinents qui lui permettraient de reconstituer la procédure. La juge en chef plaide qu'elle devrait obtenir ces informations dans l'intérêt public.

L'existence du procès n'a été connue que parce que l'informateur de la police accusé dans l'affaire a fait appel de sa condamnation en première instance. Dans sa décision, fortement caviardée, fin février, la Cour d'appel a critiqué la procédure secrète en première instance.

La Cour d'appel souligne dans sa décision qu'« aucun numéro formel ne figure sur le jugement étoffé du juge du procès, les témoins ont été interrogés hors de cour, les parties ont demandé au juge de trancher sur la base des transcriptions, dans le cadre d'une audition secrète, et le jugement a été gardé secret ».

On ignore en outre la nature du crime allégué et la région administrative où il se serait produit, tout comme le corps policier en cause. Les noms des avocats et du juge qui ont participé aux procédures n'ont pas non plus été divulgués.

« En somme, aucune trace de ce procès n'existe, sauf dans la mémoire des individus impliqués », résument les trois juges de la Cour d'appel dans leur décision.

Dans sa requête, la juge Rondeau indique qu'après avoir pris connaissance de la version caviardée du jugement, elle a effectué sans succès toutes les vérifications possibles auprès des différents magistrats qui avaient assumé des fonctions de gestion au sein du tribunal pendant la période susceptible d'être couverte par cette affaire en première instance.

Or, la juge Rondeau plaide que, comme la Cour du Québec est ce tribunal de première instance, la juge en chef de cette instance devrait obtenir les renseignements qui lui permettent d'exercer les responsabilités découlant de ses fonctions.

« Contraire au droit criminel moderne »

« La Cour est d'avis que si des procès doivent protéger certains renseignements qui y sont divulgués, une procédure aussi secrète que la présente est absolument contraire à un droit criminel moderne et respectueux des droits constitutionnels non seulement des accusés, mais également des médias, de même qu'incompatible avec les valeurs d'une démocratie libérale », écrivaient les juges dans leur décision.

Dans sa requête à la Cour d'appel, la juge en chef Rondeau indique qu'elle prendra toutes les mesures nécessaires pour protéger l'identité de l'informateur de la police et qu'elle respectera les autres conditions concernant la divulgation des détails de l'affaire.

Déjà, mercredi dernier, le ministre québécois de la Justice, Simon Jolin-Barrette, après s'être entretenu avec les directions de la Cour du Québec et de la Cour supérieure, a annoncé qu'il avait mandaté les procureurs du ministère « afin qu'ils s'adressent à la Cour d'appel du Québec et présentent une demande visant à ce que certaines informations actuellement caviardées puissent être rendues publiques ».

Le ministre Jolin-Barrette voulait notamment connaître l'identité du juge et des avocats, « ainsi que des ordonnances rendues dans cette affaire ».

Une « cause fédérale »?

Les procureurs fédéraux, de leur côté, ont publié la semaine dernière une déclaration qui n'indiquait pas explicitement qu'ils avaient participé à l'affaire. Ils mentionnaient plutôt que le ministère public fédéral « n'engage pas de poursuites en secret et ne mène pas de procès secrets, même dans les affaires impliquant un informateur ».

« Certaines procédures dans le cadre d'un procès doivent, sur la base des règles juridiques applicables, être confidentielles, y compris celles qui exigent que le privilège de l'indicateur soit protégé. »

Par ailleurs, les dirigeants de 15 grands médias, dont La Presse canadienne, demandaient dans une lettre au ministre Jolin-Barrette, ainsi qu'aux juges en chef de la Cour du Québec, de la Cour supérieure et de la Cour d'appel, un « examen en profondeur des pratiques des tribunaux québécois et des procureurs aux dossiers criminels en matière de publicité des débats judiciaires ».

De son côté, la Fédération professionnelle des journalistes du Québec a demandé « que les avocats et les juges puissent avoir une formation de base sur le droit des médias et les assises de celui-ci ».

L'informateur accusé dans l'affaire secrète avait été reconnu coupable en première instance d'avoir participé à un crime. L'accusé a plaidé qu'il avait été victime d'un abus de procédure, mais le tribunal n'a pas retenu cet avis.

Trois juges de la Cour d'appel se sont toutefois rangés du côté de l'informateur et ont suspendu la condamnation et les poursuites judiciaires.
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1 commentaire

  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a 2 ans
    Une juge qui aime prétendre à l'impuissance quand ça l'arrange
    "Dans sa requête, la juge Rondeau indique qu'(...) elle a effectué sans succès toutes les vérifications possibles auprès des différents magistrats qui avaient assumé des fonctions de gestion au sein du tribunal pendant la période susceptible d'être couverte par cette affaire en première instance."


    Pourquoi ne pas avoir fait une vérification directement auprès de l'esemble des juges, en envoyant un courriel de groupe demandant audit juge de se manifester, ou appelant des collègues à l'identifier, s'ils le peuvent ?

    Manifestement, les recherches limités de la juge Rondeau visaient à éviter de devoir plus tard dénoncer ce juge au conseil de la magistrature (ou de devoir essuyer des critiques pour ne pas l'avoir fait), dans le cas où ce juge continuerait à se terrer dans le silence.

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