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Les liens entre Mulroney et Schreiber étaient "inappropriés"

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La Presse Canadienne

2010-05-31 18:00:00

L'enquête publique présidée par l'ancien juge Jeffrey Oliphant conclut que les liens d'affaires entre l'ancien premier ministre Brian Mulroney et l'homme d'affaires germano-canadien Karlheinz Schreiber étaient "inappropriés".

Brian Mulroney a aussi enfreint le code d'éthique, celui-là même qu'il a instauré alors qu'il était au pouvoir, a noté le commissaire dans son rapport final sur les conclusions de la commission, déposé lundi à Ottawa.

La crédibilité de l'ancien premier ministre ressort d'ailleurs passablement entachée de l'examen effectué par le commissaire Oliphant qui n'a pas retenu sa version des faits sur plusieurs points.

"Inapproprié" est le qualificatif apposé par le commissaire à plusieurs aspects de la relation Mulroney-Schreiber, comme le fait pour l'ancien premier ministre d'avoir omis de dévoiler ses transactions avec M. Schreiber, et d'avoir fait tant d'efforts pour ne laisser aucune trace de sa relation d'affaires.

"La conduite de M. Mulroney, en acceptant à trois occasions distinctes des enveloppes remplies d'argent de la part de M. Schreiber, en omettant de consigner les paiements en espèces, en omettant de déposer l'argent auprès d'une banque ou d'un autre établissement financier et en omettant de divulguer les paiements en espèces lorsqu'il a eu l'occasion de le faire, me conforte largement dans mon point de vue selon lequel les transactions financières entre M. Schreiber et M. Mulroney étaient inappropriées", a déclaré le juge, devant les journalistes.

Une conclusion qui amène et renforce celle qui établit que les deux parties ont tenté de dissimuler leur relation. "Je conclus que la raison pour laquelle M. Schreiber a versé tous les paiements en espèces et que M. Mulroney les a acceptés en espèces est que tous deux voulaient dissimuler le fait que les transactions avaient eu lieu", a relevé Jeffrey Oliphant.

Alors que Karlheinz Schreiber maintenait que Brian Mulroney était encore premier ministre du Canada lorsqu'il a accepté un mandat de sa part _ une allégation explosive qui a notamment mené à la création de la commission _, M. Oliphant a jugé qu'il n'en était rien, bien qu'il fut cependant encore député aux Communes.

Lors de la lecture de son rapport, lundi à Ottawa, M. Oliphant a expliqué que Schreiber bénéficiait d'un accès exceptionnel à M. Mulroney pendant que celui-ci dirigeait le pays. Il a estimé que M. Mulroney aurait dû être beaucoup plus prudent dans ses échanges avec Schreiber.

Le juge a ajouté qu'ultimement, M. Mulroney doit porter la responsabilité d'avoir accepté de rencontrer Schreiber.

"M. Mulroney, un homme d'affaires intelligent et avisé, devait comprendre que M. Schreiber tentait de le manipuler pour qu'il use de son pouvoir et de son influence en tant que premier ministre afin de faire progresser le projet Bear Head (pour la construction d'une usine de blindés au Cap-Breton)", a conclu M. Oliphant.

L'objet du mandat pour lequel les services de M. Mulroney ont été retenus faisait aussi l'objet de divergence.

Selon l'ancien premier ministre, il s'agissait d'honoraires pour faire la promotion de véhicules blindés auprès de chefs d'État étrangers. Mais cette version est démentie par Karlheinz Schreiber, qui maintenait que M. Mulroney devait faire du lobbying au Canada pour qu'une usine de Thyssen soit installée au Cap-Breton. M. Schreiber était alors le représentant au Canada de cette société allemande.

Le commissaire retient la version de l'ancien premier ministre sur ce point, parce qu'il estime improbable que Schreiber ait retenu les services de M. Mulroney pour réaliser le projet Bear Head. Si M. Mulroney n'a pas réussi

à réaliser le projet alors qu'il avait tous les pouvoirs et l'influence d'un premier ministre, il n'allait certainement pas réussir après, raisonne le commissaire.

Brian Mulroney s'est déclaré satisfait de certaines conclusions du rapport, lundi après-midi, par voie de communiqué.

"J'ai également été heureux d'apprendre que le commissaire a bel et bien confirmé qu'aucune entente n'avait été conclue avec M. Schreiber pendant que j'étais premier ministre du Canada et, par surcroît, que l'entente qui a été conclue après que j'ai eu quitté mes fonctions n'avait exclusivement qu'une portée internationale", a t-il énoncé, ajoutant que le commissaire a aussi jugé qu'il n'avait pas exercé de pressions pour le projet Bear Head alors qu'il était encore à la tête du pays.

Mais 850 pages du rapport plus loin, plusieurs questions restent sans réponse: le commissaire ne peut déterminer la somme exacte reçue par l'ancien premier ministre, ni si des services ont effectivement été rendus par M. Mulroney, faute de preuves devant la commission.

Il ne peut ainsi que conclure qu'une somme entre 225 000 $ _ la position de Brian Mulroney _ et 300 000 $ _ celle de Schreiber _ a été versée dans trois enveloppes bourrées de billets de 1000 $ en 1993 et 1994.

Ces trous dans l'histoire alimentent l'argument des partis d'opposition selon lequel le mandat de Jeffrey Oliphant était, depuis le début, trop limité.

La commission Oliphant n'avait pas non plus comme mandat de faire la lumière sur les contrats accordés à Airbus par Air Canada dans les années 1990 et sur le rôle présumé de Brian Mulroney. Il a été allégué que M. Mulroney avait exercé des pressions pour que cet onéreux contrat se concrétise, ce qui n'a jamais été prouvé. Des rumeurs ont aussi circulé selon lesquelles M. Schreiber devait recevoir une commission substantielle si cette vente se réalisait.

Le commissaire a cependant conclu que l'argent versé à M. Mulroney provenait de commissions reçues par M. Schreiber dans le cadre des transactions d'Airbus.

Par la nature de son mandat, le commissaire n'avait pas à déterminer si des infractions civiles ou criminelles ont été commises. Et il a soigneusement évité de le faire.

Karlheinz Schreiber purge actuellement une peine de prison de huit ans en Allemagne pour évasion fiscale, sans lien avec l'"affaire Mulroney".

Le commissaire fait plusieurs recommandations pour modifier la Loi sur les conflits d'intérêts, notamment pour englober les "conflits apparents" dans la définition des conflits d'intérêts et à inclure les services de consultants dans ce qui doit être dévoilé.

La commission Oliphant a coûté plus de 14 millions $ aux contribuables.

Depuis son retrait de la vie politique, M. Mulroney est retourné pratiquer le droit chez Ogilvy Renault, où il est associé principal.

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5 commentaires

  1. Me
    Me
    14.1 millions pour apprendre ce qu'on savait déjà. Tout ça pour ça. Honteux.

  2. Anonyme
    Anonyme
    il y a 13 ans
    14.1$?
    Yeah, and this report coming almost twenty years after his party was voted into political oblivion (that is until those western reformers adopted the party name as their own).

    This was breakfast discussion this morning:

    Some guy: “Hey, did you know that according to a recent report, Mulroney may or may not have been unethical, but most likely unethical?”

    Me: “Hey, who cares?”

  3. Anonyme
    Anonyme
    il y a 13 ans
    Mulroney rides again!
    Dans son communiqué de presse du 31 mai 2010, Mulroney affirme : "I was satisfied, but not surprised, to learn that the Commissioner has concluded that I did not, as Prime Minister, apply pressure to or attempt to influence my ministers or other government officials with respect to the promotion or approval of the Bear Head Project. The evidence presented during the inquiry demonstrated that the allegations made against me to that effect were completely false."

    Voici ce qu'en a plutôt conclu le juge Oliphant: "I therefore ask whether an informed person, viewing the matter realistically and practically and having thought the matter through, would think it more likely than not that Mr. Mulroney, by agreeing to meet with Mr. Schreiber, accorded special treatment to a friend – Mr. Doucet – in relation to the Bear Head Project, an official matter that was under consideration by various government departments from 1988 through 1994. Mr. Doucet, who lobbied on behalf of Mr. Schreiber, would have benefited from that access. I believe that an appearance of conflict of interest was created, and that Mr. Mulroney AS PRIME MINISTER acted contrary to his obligations under section 7(d) and section 36." (p. 372) (mes lettres majuscules à : AS PRIME MINISTER).

  4. Anonyme
    Anonyme
    il y a 13 ans
    Re: Mulroney rides again!
    Crisse, c'tencoe plus compliqué que la question du premier référendum. C'est qui l'auditoire de ce rapport ?


    >Voici ce qu'en a plutôt conclu le juge Oliphant: "I therefore ask whether an informed person, viewing the matter realistically and practically and having thought the matter through, would think it more likely than not that Mr. Mulroney, by agreeing to meet with Mr. Schreiber, accorded special treatment to a friend – Mr. Doucet – in relation to the Bear Head Project, an official matter that was under consideration by various government departments from 1988 through 1994. Mr. Doucet, who lobbied on behalf of Mr. Schreiber, would have benefited from that access. I believe that an appearance of conflict of interest was created, and that Mr. Mulroney AS PRIME MINISTER acted contrary to his obligations under section 7(d) and section 36." (p. 372) (mes lettres majuscules à : AS PRIME MINISTER).

  5. Anonyme
    Anonyme
    il y a 13 ans
    Re : Me
    > 14.1 millions pour apprendre ce qu'on savait déjà. Tout ça pour ça. Honteux.


    Bien d'accord. Cette somme aurait dû être utilisée pour réparer nos infrastructures publiques.
    La grande majorité de la population s'est déjà faite son opinion sur la question et, sans surprise, ce rapport va dans le même sens.

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