Des juges élus au Canada?

Radio Canada
2025-05-02 12:00:53

Le premier ministre ontarien, Doug Ford, dit qu'il en a « assez » des magistrats et des juges de paix qui libèrent des criminels sous caution à répétition ou qui accordent des injonctions à cause de leur « idéologie », pour bloquer son projet de démolition de pistes cyclables à Toronto, notamment.
Le système de justice est « brisé », affirme M. Ford. « Élisons les juges comme aux États-Unis », propose-t-il, pour qu'ils soient plus imputables, avant de concéder qu'une telle décision reviendrait au gouvernement fédéral.
M. Ford profite de l'élection du gouvernement de Mark Carney à Ottawa pour revenir à la charge avec son appel à réformer le Code criminel et les libérations sous caution, et à imposer des peines minimales.
Il espère que le premier ministre Carney agira, affirmant que tous les premiers ministres provinciaux sont d'accord avec lui. « L'ancien premier ministre [Justin Trudeau] ne voulait rien faire », critique Doug Ford.
« Les criminels vont y penser à deux fois s'ils s'exposent à une peine minimale de 5 à 10 ans », soutient M. Ford.
Les conservateurs fédéraux de Pierre Poilievre, qui avait adopté un message de fermeté contre la criminalité en campagne, ont fait plusieurs gains en banlieue de Toronto lors de l'élection de lundi.
Les juges et leur « idéologie »
En plus de réclamer une réforme du Code criminel, M. Ford s'attaque aux « pommes pourries » parmi les juges, qu'il accuse de laxisme. « Certains ne veulent mettre personne derrière les barreaux », lance-t-il. « Ils ont les outils, mais ne veulent pas les utiliser. »
M. Ford laisse entendre qu'il est prêt à payer les salaires de ces juges « mous » pour qu'ils prennent leur retraite deux à quatre ans plus tôt.
Pour lui, l'indépendance du système de justice est une « blague », parce que les magistrats sont « nommés » par les gouvernements, dit-il. « Pensez-vous que les libéraux ont nommé des juges qui étaient fermes contre la criminalité? » demande-t-il. « Pourquoi on ne publie pas le nom d'un juge qui a libéré un criminel [sous caution] six fois avant qu'il ne tue quelqu’un?"
Le premier ministre Ford cite aussi l'exemple de l'injonction qui bloque pour l'instant son projet de démolition de trois pistes cyclables à Toronto, « pas à cause de la loi, mais pour des questions idéologiques », dit-il.
« Les juges n'ont rien d'autre à faire? » demande-t-il, accusant les magistrats d'entraîner avec leurs décisions des dépenses de milliards de dollars pour le gouvernement, alors qu'ils ne sont pas des élus, souligne-t-il.
« Ces pistes cyclables seront démantelées d'une façon ou d'une autre », dit Doug Ford, promettant un appel. Il rappelle qu'il a fait campagne à ce sujet.
M. Ford assure que la province construit plus de prisons. Les critiques affirment que les juges doivent souvent libérer des prévenus sous caution parce que les centres de détention débordent actuellement.
Les juges manquent-ils d'impartialité?
Les juges sont choisis grâce à un « processus », ils ne sont pas nommés directement par les gouvernements, fait valoir Boris Bytensky, président de l'Association des criminalistes de l'Ontario.
« Les juges ont des opinions, mais leurs décisions dépendent de la loi qu'ils doivent suivre », ajoute-t-il.
« [Doug Ford fait] de la rhétorique politique » pointe Boris Bytensky, président, Association des criminalistes de l’Ontario Il admet que certains criminels sont libérés sous caution à répétition, mais il ajoute que beaucoup d'autres accusés sont gardés derrière les barreaux trop longtemps, selon lui.
Madeleine Meilleur, ancienne procureure générale de l'Ontario, affirme elle aussi qu'il y a un « filet » dans la nomination d'un juge, qui est faite à la suite des recommandations d'un « comité de sélection qui est composé des gens du Barreau et de personnes du public », souligne-t-elle, se disant « déçue » par les propos de M. Ford.
« C'est comme si on entendait le président des États-Unis [Donald Trump] parler des juges et du système de justice », affirme Madeleine Meilleur. Elle « s’inquiète » que la sortie de M. Ford puisse miner la confiance du public dans le système judiciaire, qui est un « modèle à travers le monde », ajoute-t-elle.
L'Association canadienne des libertés civiles qualifie, pour sa part, les propos de Doug Ford de « très alarmants » dans un communiqué. L'Association ajoute qu'il est « plus difficile que jamais d'obtenir une libération sous caution en Ontario ».