Faut-il cacher ses convictions ?

Question

Bonjour,

Je travaille dans un bureau national. Pour autant, j'ai toujours mes convictions de jeunesse. Je crois au partage des richesses et suis contre le grand capital. Un peu antinomique d'être avocat d'affaire me direz-vous. Pas forcément vous répondrais-je. Mais là n'est pas mon point. Mes convictions amusent parfois mes collègues et souvent elles embarrassent mes associés, qui me briefent avant de rencontrer certains clients. Qu'en pensez-vous ? Faut-il cacher ses convictions dans la vie professionnelle et surtout dans le milieu avocat ?


Réponse

En posant la question, vous avez ouvert la porte vous-même en étant bien conscient du genre de commentaires que ma réponse engendrera. Mais pour le plaisir de la discussion, il me fera plaisir d’y répondre. En fait, ce sont souvent ces questions qui en bout de ligne amènent les débats les plus vivifiants.

Il est en effet un peu paradoxal d’avoir de fortes convictions de partage de la richesse et de dénigrement du grand capital tout en évoluant au sein d’un des meilleurs représentants du capitalisme et en œuvrant à l’épanouissement de ses clients qui eux veulent tout le contraire de ces idées sociale-démocrates que vous prônez. Mais comme vous le dites, ceci n’est pas le but de votre question bien qu’il serait tentant de porter un jugement, basé sur des informations incomplètes, j’en conviens: Je serais porté à décrire votre situation comme celle paressant un tantinet gaugauche caviar… Mais je m’éloigne du but précis de votre question !

Je peux aisément comprendre que vos convictions amusent vos collègues et puissent aller jusqu’à inquiéter vos associés. Imaginez la situation si vous aviez la mauvaise idée de commencer à faire le procès des clients qui font vivre votre cabinet, vos associés et collègues ainsi que vous-même car vous n’en pouvez plus un bon matin de jouer le jeu et de porter le masque de ce que vous exécrez.

Par le fait même, vous êtes surtout un risque pour votre employeur que ces clients ressentent un malaise au point où ils décident d’aller cogner à la porte voisine avec l’espoir qu’ils n’auront plus à payer des factures régulièrement extrêmement élevées et en plus de se sentir jugés par ceux qui acceptent volontiers leur argent. Cela pourrait être en effet quelque peu embarrassant pour tout le monde.

Pour vous répondre franchement, il n’en tient qu’à vous de ne pas devoir cacher vos convictions, dans quelque milieu que ce soit. Mais vous aurez à ce moment à prendre une décision : désirez-vous enligner votre carrière sur vos convictions ou mettre celles-ci de côté de jour et les reprendre les soirs (quand vous ne travaillez pas tard bien entendu) et les weekends ? De nombreux avocats vivent selon leurs convictions en pratiquant le droit : vous n’avez qu’à penser au droit du travail (du côté du travailleur bien sûr), aux droits et libertés, à l’aide juridique, et j’en passe…

Au plaisir.

Jean-François Théorêt


La Question Carrière

Chaque semaine, tour à tour, les recruteurs juridiques Caroline Haney et Jean-François Théorêt répondent à une question posée par vous chers lecteurs.

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