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Le recours collectif contre les géants du tabac a 25 ans

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Radio -canada

2023-11-27 12:00:00

Le premier recours collectif au pays contre les cigarettiers s'est traduit par deux victoires devant les tribunaux québécois…
Le juge en chef de la Cour supérieure de l'Ontario, Geoffrey Morawetz. Source: Shutterstock
Le juge en chef de la Cour supérieure de l'Ontario, Geoffrey Morawetz. Source: Shutterstock
Il y a 25 ans, des victimes québécoises du tabac s'organisaient en recours collectif contre trois compagnies de tabac en vue d'être indemnisées pour les torts que la nicotine a causés à leur santé. Elles ont depuis remporté deux victoires devant les tribunaux du Québec, en 2015, puis en appel en 2019. 25 ans plus tard, l'argent se fait toujours attendre.

JTI-Macdonald, Rothmans, Benson & Hedges et Imperial Tobacco Canada se sont placées sous la loi sur les arrangements avec les créanciers depuis que la Cour d'appel du Québec leur a ordonné de verser près de 15 milliards $ à 100 000 victimes du tabagisme dans cette province en 2019.

Un juge ontarien leur avait aussitôt accordé, à l'époque, la protection des tribunaux contre leurs créanciers.

Les trois compagnies ont depuis obtenu des tribunaux 11 sursis pour poursuivre leur restructuration financière jusqu'au 29 mars 2024.

Dans ses raisons du 5 octobre dernier, le juge en chef de la Cour supérieure de l'Ontario, Geoffrey Morawetz, a toutefois mis de la pression, non plus sur les avocats des compagnies, mais sur le médiateur et les contrôleurs qui encadrent objectivement le processus de restructuration depuis 4 ans et demi.

Le juge les a sommés de concevoir une ébauche de compromis en guise de plan d'entente. « Il est désormais temps de passer de la négociation à une action significative dans ce dossier », a-t-il ordonné.

Le magistrat reconnaît que tous les créanciers ne recevront pas toutes les indemnités auxquelles ils s'attendent, parce qu'il n'y a pas assez d'argent sur la table.

« La valeur monétaire des éventuelles réclamations est astronomique et dépasse clairement la capacité de l'un ou de l'ensemble des demandeurs de satisfaire ces réclamations à partir de leurs avoirs disponibles », mentionne Geoffrey Morawetz.

En ce 25e anniversaire, la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac dénonce le processus, parce que la loi sur les arrangements avec les créanciers favorise selon elle le maintien des opérations des trois géants du tabac.

Pire encore, la loi vise à rétablir, selon le groupe, la rentabilité des cigarettiers.

« Cet anniversaire montre la persévérance des gens qui ont intenté ce recours et de leurs avocats, mais l'absence de dénouement montre que les provinces font partie du problème, parce qu'elles veulent leur part du gâteau alors qu'elles ont d'autres options dans leur manche », explique Flory Doucas, la co-directrice de la Coalition.

Les provinces tentent de récupérer les sommes qu'elles ont investies dans les soins aux malades du tabagisme depuis 20 ans.

Le processus est même contre-productif, selon Mme Doucas. « Les provinces semblent miser uniquement sur des compensations monétaires, alors qu’il est clair que l’industrie n’est pas en mesure de payer plus que les 500 milliards $ que ses créanciers lui réclament », dit-elle.

Or, selon Mme Doucas, les indemnités qui seront dégagées dans le cadre de ce processus devront nécessairement être financées par les futures ventes des produits du tabac.

« Les fabricants de tabac canadiens continuent à déployer des campagnes publicitaires en faveur du vapotage par exemple, à multiplier la gamme de saveurs de leurs produits et à mettre en marché de nouveaux produits à la nicotine », ajoute Mme Doucas.

Mme Doucas pense que les provinces négligent le rapport de force que la décision de la Cour d'appel du Québec leur a conféré pour arracher des trois cigarettiers des concessions qui les empêcheraient de recruter de nouveaux fumeurs, ce qui réduirait inévitablement la consommation de tabac au pays.

Elle appelle les provinces à supprimer progressivement la vente commerciale du tabac, à obliger les compagnies à réduire le taux de nicotine dans leurs cigarettes et à hausser progressivement l’âge minimum légal pour acheter des produits du tabac.

« En négociant uniquement leurs réclamations financières, les provinces ratent l'occasion d'empêcher les fabricants de tabac de continuer à causer du tort à la population et de réduire les coûts liés à leur système de santé », dit-elle.

Mme Doucas pense que les élus provinciaux devraient ouvrir le débat sur l'avenir de l'industrie du tabac dans le contexte actuel devant leur législature respective.

La Coalition, Médecins pour un Canada sans fumée et Action on Smoking & Health ont d'ailleurs envoyé il y a un mois une lettre à ce sujet aux gouvernements Ford et Legault.

Dans leur lettre à l'Ontario, elles rappellent qu'un million et demi d'Ontariens ont commencé à fumer depuis que la province a déposé sa poursuite contre les géants du tabac il y a 14 ans.

Les trois associations de santé craignent qu'un compromis devant les tribunaux n'autorise les trois entreprises à poursuivre leurs affaires au pays.

Elles demandent donc à l'Ontario de s'opposer à tout règlement en ce sens et d'exiger à la place des contraintes sévères pour réglementer davantage l'achat et la consommation de tabac dans la province.

Le ministère du Procureur général de l'Ontario n'a pas donné suite à notre courriel.
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