Plaideur en devenir et…champion d’haltérophilie!
Un étudiant en droit capable de soulever 323 kilos raconte comment discipline et performance sportive influencent sa carrière juridique…

Récemment, le cabinet Woods a mis en lumière son stagiaire au Barreau, Samuel Guertin, qui s’est illustré aux Championnats du monde d’haltérophilie.
Tout a commencé à 14 ans pour l’étudiant à l’Université de Montréal. Au gym de son quartier, on lui propose un arrangement inédit : en échange de quelques tâches de ménage, il peut s’entraîner autant qu’il le souhaite. Peu après, grâce à un coach du club voisin, il découvre l’haltérophilie. C’est le déclic.
Pour sa première expérience, il termine deuxième, une performance qui lui ouvre les yeux sur son potentiel et sur une nouvelle voie à explorer en parallèle de ses études.
Un an plus tard, il participe aux Jeux du Québec et décide de se consacrer pleinement à ce sport exigeant. Depuis, il s’entraîne entre 8 et 12 fois par semaine, imposant une discipline digne d’un athlète de haut niveau.
Comment concilier une carrière de futur plaideur et des compétitions internationales de haut niveau où l’on soulève des poids colossaux? Samuel Guertin se livre à Droit-inc…
Pour votre stage au Barreau, vous avez choisi le cabinet Woods. Qu’est-ce qui a motivé ce choix?
Woods est un cabinet boutique : même si c’est la plus grande boutique de litige à Montréal et un groupe très reconnu, la structure reste plus petite que celle des grands cabinets full service.
J’avais l’impression que ce format me permettrait d’avoir un environnement plus flexible, ce qui était essentiel pour concilier ma carrière d’athlète et mon travail, pour l’instant comme étudiant en droit.
J’aimais aussi le fait que Woods fonctionne avec de petites équipes : généralement trois, parfois quatre personnes sur un dossier. Cela permet d’acquérir énormément d’expérience. Même en tant qu'étudiant, on occupe une place importante dans l’équipe et on travaille sur des tâches réellement centrales au dossier.
Et pourquoi le litige?
Comme athlète, ce qui m’a toujours passionné, c’est la recherche de l’excellence, le perfectionnement et l’aspect compétitif. Lorsque j’étais au cégep, je réfléchissais aux différentes carrières possibles. Le droit m’est rapidement apparu comme un domaine particulièrement bien adapté à quelqu’un de compétitif comme moi, surtout le litige.
Il n’y a pas vraiment d’autres professions où deux personnes se retrouvent au même endroit pour s’affronter directement, comme en litige. C’est cet aspect très compétitif qui m’a attiré.
Votre pratique de l’haltérophilie occupe une grande place dans votre vie. Comment la décririez-vous?
Ce que j’aime particulièrement dans l’haltérophilie, c’est sa simplicité et son exigence : il n’y a pas de points pour la beauté du mouvement ou pour la facilité d’exécution. Vous avez deux mouvements à réaliser, et c’est binaire : réussi ou manqué. Même si la technique peut influencer le résultat, il n’y a pas de notation intermédiaire.
Une fois les règles du jeu établies, tout repose sur le perfectionnement et la recherche de performance maximale. C’est simple en apparence, mais loin d’être facile. Chaque entraînement exige un effort réel et constant. À chaque séance, vous êtes confronté à la barre et à vous-même, et cela vous pousse à donner le meilleur de vous-même.
Avez-vous le souvenir d’une compétition qui vous a particulièrement marquée?
Dans mon sport, le côté compétitif est un peu particulier. Contrairement aux sports de combat, où l’on est directement opposé à un adversaire, en haltérophilie, je ne me bats pas vraiment contre quelqu’un d’autre pour obtenir un score. C’est toujours moi et la barre. Il y a donc un véritable duel avec soi-même, une lutte pour dépasser ses propres performances.
Si je devais choisir une compétition qui m’a le plus marqué, ce serait le Championnat panaméricain en 2023, en Argentine. Dans ma catégorie, il y avait un athlète argentin, originaire de la ville où se tenait la compétition, un vrai « local hero ».
À chaque levée, il avait tout le soutien de la foule, des acclamations impressionnantes, et le silence qui s’installait quand c’était mon tour était presque palpable. Je me suis senti vraiment comme un « underdog » dans ce contexte, et finir par prendre la troisième place a été un moment exceptionnel. C’étaient mes premières médailles internationales, et l’adrénaline, la pression et le sentiment d’avoir triomphé malgré les circonstances ont rendu ce souvenir inoubliable.
Et jusqu’à aujourd’hui, quel est votre record de kilos soulevés?
Mon record à l’arraché est de 147 kilos, et à l’épaulé-jeté, il est de 180 kilos. Ma meilleure performance à vie a eu lieu l’année dernière aux championnats du monde, dans la catégorie des 81 kilos, avec un total combiné de 323 kilos.
En termes de classement, au Canada, mes meilleurs résultats sont aux championnats canadiens, où j’ai remporté le titre à plusieurs reprises. À l’international, je n’ai pas encore obtenu de médaille d’or ou d’argent, mais lors de la dernière qualification olympique, j’ai décroché deux médailles de bronze aux championnats panaméricains.
Tout ce côté sportif, athlète, comment vous aide-t-il dans la pratique du droit? Ressentez-vous un impact sur votre manière d’aborder le litige?
Je retrouve beaucoup de similitudes entre l’esprit d’un athlète et celui d’un plaideur : la préparation, l’entraînement, la concentration nécessaire pour performer à un moment précis. Mon sport se prête particulièrement bien à cette comparaison. En haltérophilie, nous participons à trois ou quatre grosses compétitions par an.
En litige, chaque jour de préparation, chaque minute consacrée à un dossier est cruciale : c’est ce travail quotidien qui construit la performance lors de la journée décisive.
Il y a également un aspect passionnel : je me lève le matin en pensant à mes entraînements, à mes objectifs et à mon état d’esprit. Cette mentalité est très proche de celle des avocats qui réfléchissent à leurs dossiers, à la stratégie à adopter et aux améliorations possibles.
La performance mentale que l’on développe comme athlète s’applique directement à la pratique du droit. Lors des examens ou devant un imprévu en salle d’audience, il faut rester centré, garder le focus, ne pas se laisser submerger par le stress. Même quand quelque chose ne se passe pas comme prévu, il faut garder confiance, s’adapter et livrer sa performance au meilleur niveau possible.