Québec veut réduire les délais avec une vingtaine de nouveaux juges

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Martine Turenne/Agence Qmi

2011-11-22 08:30:00

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La pénurie de juges provoque le ralentissement des affaires jugées au criminel. Trois pères de famille en font la douloureuse expérience. Jean-Marc Fournier veut accélérer les choses...
Nicola Di Iorio, d'Heenan Blaikie, au centre, François Rozon à gauche et Michel Méthot à droite, posent près du 1297 Canora, devant l'arbre avec lequel la voiture est entrée en collision
Nicola Di Iorio, d'Heenan Blaikie, au centre, François Rozon à gauche et Michel Méthot à droite, posent près du 1297 Canora, devant l'arbre avec lequel la voiture est entrée en collision
Le 24 juillet 2010, le véhicule conduit par Laurent Raymond, alors âgé de 18 ans, terminait sa course folle contre un arbre, à Mont-Royal. Les trois jeunes filles qui l'accompagnaient, Justine Rozon, Évelyne Méthot et Claudia Di Iorio, ont subi de très graves blessures. On a craint pour leur vie. Aujourd'hui, elles tentent de la poursuivre. Et leurs pères, de se battre pour que justice soit faite.

Le ministre de la Justice, Jean-Marc Fournier a l'intention de déposer un projet de loi qui lui permettra d'embaucher pas moins d'une vingtaine de nouveaux juges à la Cour du Québec.

Le ministre entend passer à l'action dès cette semaine.

«Le but est de faire accélérer les causes», explique l'attaché de presse du ministre, David Couturier.

On ignore pour l'instant combien de ces nouveaux juges exerceront en Cour criminelle.

«Le ministre de la Justice est très sensible à la problématique entourant la lenteur des causes. Pour lui, l'accès à la justice est une priorité», poursuit M. Couturier.

En février, les médias rapportaient que le quart des effectifs à la Chambre criminelle de la Cour du Québec, soit huit juges sur 32, avaient quitté et n'avaient pas été remplacés.

Nicola Di Iorio à droite et François Rozon à gauche attendent que le conducteur de l'autre voiture entrée en collision avec celle des jeunes filles, soit jugé
Nicola Di Iorio à droite et François Rozon à gauche attendent que le conducteur de l'autre voiture entrée en collision avec celle des jeunes filles, soit jugé
La situation actuelle fait de nombreux mécontents tant du côté des accusés que des victimes. C'est notamment le cas des trois jeunes femmes sérieusement blessées dans une collision, en juillet 2010. Le conducteur de l'autre voiture, accusé, n'a toujours pas été jugé. En fait, il n'a pas encore subi son enquête préliminaire.

«En ajoutant juste deux ou trois juges au criminel, ça pourrait aider et avoir un impact sur les délais», dit Me Jean Pascal Boucher, porte-parole responsable des relations avec les médias au Bureau du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP).

Demandes de remise à répétition

Me Boucher ne veut pas se prononcer précisément sur le cas de l'accusé Laurent Raymond. Mais il souligne qu'outre la pénurie de juges, il arrive parfois que les avocats de la défense fassent traîner les dossiers avec des demandes de remise répétées.

«Ça peut être pour mieux se préparer, ou rencontrer leur client», dit-il.

«La défense est responsable de 80% des remises», dit Me René Verret, homologue de Me Boucher au bureau du DPCP à Québec.

Et plus le procès s'annonce long et complexe, plus les délais seront grands, fait-il valoir. «Il n'y a qu'à voir ce qui se passe dans le procès SharQc.»


!Un procès quatre ans plus tard

En juin, Nicola Di Iorio, avocat en droit du travail au cabinet Heenan Blaikie, reçoit un appel pour confirmer sa présence dans une cause qui doit se dérouler en septembre. Il décline puisque durant cette période, il sera occupé par une affaire personnelle. Sa secrétaire lui fait de grands gestes.

-Me Di Iorio, pour votre fille, c'est en septembre... 2012.

«Les bras m'en sont tombés, raconte-t-il. Un an encore pour l'enquête préliminaire. Et on ne parle même pas de procès.» Il téléphone au procureur de la couronne, Me Dennis Galiatsatos.

-Est-ce une erreur?

Mais celui-ci confirme. Et il n'y aura vraisemblablement pas de procès avant... 2014, soit quatre ans après l'accident de Ville Mont-Royal.

«J'ai eu la même réaction que vous, lui dit le procureur. Vous savez, les viaducs tombent au Québec, alors le fait qu'il manque de juges et de procureurs pour faire fonctionner la Cour criminelle n'empêche personne de dormir.»

Cela empêche toutefois les victimes d'un acte criminel de faire la paix.

«Il y a quelque chose qui ne fonctionne pas», dit le producteur François Rozon, père de Justine. Lui aussi croyait qu'il s'agissait de septembre 2011. Jusqu'à ce que Nicola Di Iorio lui téléphone.

«Va relire le courriel.»

«Ce qui est le plus décourageant, c'est qu'on reste dans l'attente, poursuit Me Di Iorio. Je me sens mal vis-à-vis de ma fille. Elle ne comprend pas les délais.»

L'avocat de l'accusé, Laurent Raymond, a demandé trois remises «pour étudier les nouveaux éléments au dossier».

«Tous les prétextes sont bons», dit Me Di Iorio. Par un grand hasard, celui-ci avait été en lien peu de temps avant l'accident avec le père de Raymond, avocat comme lui, dans le cadre d'une affaire commerciale.

«Des paroles de regret ou d'excuses de l'accusé ou de sa famille auraient mis un peu de baume sur nos plaies», souligne M. Di Iorio.

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