Nouvelles

Un avocat-locateur débouté en Cour

Main image
Élisabeth Fleury

Élisabeth Fleury

2025-10-28 15:00:30

La Cour supérieure refuse à un avocat une injonction contre une locataire commerciale ayant déguerpi pour des « motifs sérieux »…

Un avocat et homme d'affaires qui tentait d'obtenir une injonction interlocutoire provisoire pour forcer sa locataire à continuer l’exploitation de son commerce de toilettage pour animaux et à payer son loyer a vu sa demande rejetée par la Cour supérieure.

Daniel Rochefort - source : Rochefort & Associés

Dans une décision rendue le 21 octobre, le juge Jérôme Frappier a statué que Me Daniel Rochefort n'a pas réussi à démontrer une forte apparence de droit ni un préjudice irréparable.

Me Daniel Rochefort, le demandeur, se représentait seul, alors que Les Top Modèles à quatre pattes, Top Cabo et Carolyn Leblanc, les demanderesses, n’étaient pas représentées.

Un bail commercial rompu pour non-conformité

Me Rochefort est propriétaire d'un centre commercial qui louait un espace à Carolyn Leblanc pour l’exploitation de son salon de toilettage. Les parties étaient liées par un bail commercial valide jusqu'en mai 2026.

Après quatre années d'exploitation, Mme Leblanc a informé Me Rochefort qu'elle quittait les lieux au début de septembre 2025.

Jérôme Frappier - source : archives

La défenderesse a justifié son départ en invoquant l'exception d'inexécution, arguant que le propriétaire avait gravement manqué à son obligation de lui fournir la jouissance paisible du local, prévue à l'article 1854 du Code civil du Québec.

Les manquements allégués étaient sérieux :

  • le local n'avait pas d'adresse civique officiellement reconnue par la municipalité, de sorte qu’aucun permis d'exploitation valide ne pouvait être émis;
  • le commerce était introuvable pour la clientèle et la locataire n'a pu en jouir paisiblement;
  • l'alimentation électrique était partagée avec un commerce voisin, plaçant l'entreprise dans une situation précaire face aux assureurs.

Mme Leblanc a soutenu que cette situation, en plus de lui faire perdre de la clientèle et de lui causer des problèmes de santé, avait placé son entreprise dans une situation précaire, justifiant ainsi la résiliation du bail malgré les tentatives tardives du propriétaire de régulariser la situation.

Me Rochefort a demandé une injonction interlocutoire provisoire mandatoire pour forcer la locataire à reprendre ses activités et à payer le loyer. Pour réussir, il devait démontrer une forte apparence de droit, un préjudice sérieux ou irréparable et une balance des inconvénients en sa faveur.

Absence de forte apparence de droit

Le demandeur s'appuyait sur la clause du bail exigeant l'occupation continue des lieux. Le juge Jérôme Frappier a cependant constaté que Mme Leblanc disposait d'un argument tout aussi valable en droit : l'exception d'inexécution découlant du manquement essentiel du propriétaire à ses propres obligations.

À ce stade, avec une preuve sommaire, aucun argument ne l'emportait clairement sur l'autre; il n'y avait donc pas la forte apparence de droit requise, a conclu le tribunal.

Préjudice compensable en argent

M. Rochefort alléguait également un préjudice sérieux découlant du retard de loyer et du risque de défaut hypothécaire. Le tribunal a aussi rejeté cet argument.

Le juge Frappier a souligné que le préjudice invoqué était essentiellement monétaire et, par conséquent, compensable en argent par des dommages-intérêts, ce que le demandeur réclame d'ailleurs au fond. Par définition, un préjudice compensable n'est pas considéré comme « irréparable ».

La Cour supérieure a aussi exprimé des doutes quant à la crédibilité du risque soulevé : il paraissait improbable qu'un retard de loyer de seulement deux mois, provenant d'un seul locataire, puisse réellement menacer la stabilité financière d'un propriétaire qui gère un important centre commercial comptant 75 autres locataires.

Balance des inconvénients en faveur de la locataire

Sur la balance des invonvénients, le juge Frappier a établi que les inconvénients du propriétaire étaient de nature monétaire, alors que ceux de Mme Leblanc, une personne physique, impliquaient de la contraindre à exercer sa profession dans un lieu qu'elle jugeait non conforme et préjudiciable.

Le tribunal a rappelé la grande prudence dont il doit faire preuve avant de forcer l'exécution en nature d'une obligation qui touche à la participation personnelle d'un individu. L'ordonner dans ce contexte aurait constitué une atteinte excessive à ses libertés individuelles, a estimé le juge Frappier, qui a conclu que la balance des inconvénients favorisait la défenderesse.

Le tribunal a donc rejeté la demande de Me Rochefort, estimant qu’il avait échoué à satisfaire aux critères de l’injonction provisoire.

Me Rochefort n’avait pas donné suite à notre courriel l’invitant à commenter cette décision au moment de mettre en ligne cet article.

896
Publier un nouveau commentaire
Annuler
Remarque

Votre commentaire doit être approuvé par un modérateur avant d’être affiché.

NETiquette sur les commentaires

Les commentaires sont les bienvenus sur le site. Ils sont validés par la Rédaction avant d’être publiés et exclus s’ils présentent un caractère injurieux, raciste ou diffamatoire. Si malgré cette politique de modération, un commentaire publié sur le site vous dérange, prenez immédiatement contact par courriel (info@droit-inc.com) avec la Rédaction. Si votre demande apparait légitime, le commentaire sera retiré sur le champ. Vous pouvez également utiliser l’espace dédié aux commentaires pour publier, dans les mêmes conditions de validation, un droit de réponse.

Bien à vous,

La Rédaction de Droit-inc.com

PLUS

Articles similaires