L’épouse d’un avocat prête à verser 2,5 M$ pour sa libération
Radio Canada
2025-12-15 12:00:15

La femme d'un avocat notoire se dit prête à débourser 2,5 millions de dollars – et donc à renoncer à son luxueux train de vie – pour payer la caution de son époux en attendant l'audience sur son extradition aux États-Unis pour de présumés liens avec le baron de la drogue canadien Ryan Wedding.
Ce dernier est soupçonné de diriger un réseau international de trafiquants. Mandy Paradkar témoignait à l'audience sur le cautionnement de Deepak Paradkar, jeudi à Toronto.
Elle a énuméré tous les avoirs qu'elle possède pour payer la caution de son mari. Outre les propriétés et les quatre voitures de luxe du couple, elle a cité des bijoux, des paires d'escarpins et 20 sacs à main de marque, notamment Manolo-Blahnik, Gucci et Chanel. Ce sont des cadeaux de ma fille, mais mon mari m'en a offert également, dit-elle.
Mme Paradkar reconnaît qu'elle a voyagé au cours des dernières années avec son conjoint et ses filles au Mexique, aux Bermudes et aux États-Unis pour des sommes évaluées entre 10 000 et 40 000 $ par déplacement.
Elle évalue à près de 250 000 $ sa fortune personnelle, mais elle assure qu'une grande partie lui a été versée par héritage.
Honoraires payés en argent liquide
Elle affirme en outre qu'elle n'a jamais vu son mari recevoir, au cours de leurs 22 années de vie commune, des cadeaux onéreux ou des sommes d'argent suspectes de la part des clients de son cabinet d'avocat. Il recevait des chocolats et des bouteilles d'alcool, mentionne-t-elle. Mme Paradkar, qui est parajuriste, mentionne qu'il est normal que les clients de la firme de son mari payent ses honoraires en argent liquide et qu'elle ne s'en est jamais inquiétée.
L'audience a montré que Deepak Paradkar avait acheté ou reçu sept montres Rolex d'une valeur évaluée chacune entre 10 000 et 20 000 $.
Je l'ai vu en acheter deux ou trois en ma compagnie, poursuit-elle. Les autorités américaines soupçonnent Deepak Paradkar d'avoir conseillé Ryan Wedding concernant le meurtre d'un témoin fédéral et d'avoir été payé en espèces ou en biens de luxe, par exemple des montres. Mme Paradkar se dissocie par ailleurs de toute implication dans les activités criminelles alléguées de son mari.
Mme Paradkar mentionne qu'elle reconnaît la gravité des accusations auxquelles son mari fait face, qu'elle est inquiète mais qu'elle est prête à obéir aux ordonnances des tribunaux. Je comprends que mon train de vie en subira les répercussions dès aujourd'hui parce que mon mari est le pourvoyeur principal de notre famille, admet-elle.
Elle conclut qu'elle comprend bien également que son conjoint aura mené une double vie pendant une vingtaine d'années s'il s'avère que les allégations des autorités américaines sont fondées. Mark Gallagher, un cousin des Paradkar, s'est aussi porté garant de l'avocat en proposant une caution de 250 000 $. Il souligne qu'il est prêt à aider les membres de la famille Paradkar à surveiller l'avocat s'ils sont dans l'incapacité de le faire.
Plan de sortie de prison de l'accusé
Deepak Paradkar, qui a été temporairement suspendu du Barreau ontarien, a consenti hier à se soumettre à de strictes conditions des tribunaux pour être libéré sous caution. Comme sa femme, il a offert de verser une caution de 2,5 millions de dollars, soit un total de 5 millions de dollars pour le couple.
Son avocat, Ravin Pillay, a déjà fait savoir qu'il comptait s'opposer à toute ordonnance d'extradition prononcée contre son client. Dans la première partie de l'audience, la défense de Paradkar a proposé qu'il reste assigné à résidence en tout temps et qu'il soit accompagné par une des personnes qui se sont portées garantes de lui s'il devait quitter son domicile pendant quelques heures.
Deepak Paradkar a également accepté d’être placé sous surveillance électronique et de remettre son passeport aux autorités canadiennes. Il a enfin consenti à renoncer à se servir de tout appareil électronique, à l’exception du téléphone portable de son épouse, qu'il ne pourra utiliser qu’en sa présence et pour des raisons spécifiques.
Dans ses arguments finaux, Me Ravin Pillay affirme jeudi que le plan de sortie de M. Paradkar est solide et que son client est prêt à risquer toutes ses économies pour être libéré sous caution. Me Pillay rappelle que son client a immigré au Canada avec ses parents lorsqu'il était enfant, qu'il a de très forts liens avec sa communauté et qu'il n'a aucun antécédent judiciaire.
Il ajoute que son confrère connaît la loi et qu'il ne risque donc pas de s'enfuir du pays pour échapper à la justice. Rien ne suggère qu'il compte quitter le Canada et les craintes de la Couronne à ce sujet ne sont pas fondées, dit-il. Me Pillay rappelle en outre que son client a 62 ans, qu'il a des problèmes de santé, par exemple du diabète, et qu'il serait plus approprié qu'il soit soigné à la maison et non en prison. L'avocat mentionne enfin que les conditions d'incarcération de l'avocat sont difficiles.
Refus catégorique de la Couronne
Une partie des arguments des deux parties a été présentée à huis clos, visiblement pour des raisons de sécurité. Dans ses arguments finaux, la procureure de la Couronne, Milica Potrebic, soutient que Paradkar représente au contraire un risque à trois égards : le risque de fuir le Canada s'il devait être libéré, le risque de récidiver et de mettre en danger le public ainsi que le risque de miner l'administration de la justice et la confiance du public.
Me Potrebic laisse entendre que Paradkar pourrait se réfugier au Mexique, où il a déjà passé des vacances et où il a des contacts dans le réseau allégué de Ryan Wedding. Sa santé ne devrait pas entrer en ligne de compte, selon elle. La Couronne conclura la présentation de ses arguments vendredi.
Ryan Wedding est toujours en cavale quelque part en Amérique latine. Ce Canadien est notamment accusé aux États-Unis de trois meurtres et de conspiration dans le but de faire du trafic de cocaïne à partir de Colombie jusqu'au Canada en passant par la Californie.
Le FBI a offert une récompense de 15 millions de dollars pour toute information qui pourrait mener à sa capture. Wedding et son lieutenant, le Canadien Andrew Clark, sont aussi accusés d'avoir orchestré au moins quatre meurtres en Ontario, y compris la fusillade contre une famille indienne innocente à la suite d'une erreur sur la personne.