Un juge administratif encore suspendu!

Élisabeth Fleury
2025-06-17 15:00:09

Un juge du Tribunal administratif du Québec a été suspendu pour une deuxième fois pour avoir eu une attitude «vexatoire, blessante et humiliante» à l’égard d’une plaignante avocate.
Dans une décision rendue le 30 mai, le comité d’enquête du conseil de la justice administrative suspend à nouveau Carl Leclerc sans rémunération pour une durée de trois mois.
Les nouveaux manquements reprochés au juge administratif ont eu lieu lors d’audiences tenues les 25 et 26 avril 2022.
Dans cette affaire, la plaignante, Me Sarah Thibault, agissait à titre de représentante du Centre intégré de santé et de services sociaux de l’Outaouais, la partie intimée.
Au cœur du débat: le dépôt de pièces par la partie requérante, une RPA représentée par Me Sylvain Lemyre. Me Sarah Thibault s’opposait audit dépôt ou réclamait une remise si celui-ci devait être accepté.
Selon le comité, Carl Leclerc a adopté une attitude «agressive» et «indélicate» et tenu des propos «culpabilisants» et «menaçants» à l’endroit de la plaignante.
«Son comportement est disproportionné, dépasse les normes attendues. Aucune justification valable n’explique de manière satisfaisante ce manque de sérénité et de dignité du juge administratif», écrivait le comité dans sa décision sur les allégations de manquements déontologiques rendue le 7 novembre dernier.
Confiance ébranlée
Lors de l’audition sur la détermination de la sanction, la plaignante a souligné que l’audience devant le juge administratif l’avait beaucoup ébranlée et qu’elle l’avait menée à exercer sa profession avec une confiance fragilisée et davantage de nervosité.
Carl Leclerc a pour sa part fait état de difficultés personnelles et d’un arrêt de travail de trois mois peu de temps avant les audiences en cause. Il s’est dit «profondément désolé» que la plaignante ait pu être perturbée par son comportement, assurant que cela n’avait jamais été son intention.
«Bien que le comité soit sensible à la situation personnelle du juge administratif, qu’il soit rassuré sur sa reconnaissance du manquement et de son souci d’améliorer son comportement et son attitude, les facteurs aggravants pèsent lourds», écrit le comité dans sa décision sur la sanction.
Le comité cite à ce chapitre les conséquences vécues par la plaignante sur le plan professionnel et personnel. «Son intégrité a été mise en doute et elle s’est sentie rabaissée et humiliée devant ses clients. Cette expérience lui a créé beaucoup de stress et d’incertitude face à son futur», souligne-t-il.
L’inconduite de Carl Leclerc est également de nature à miner la confiance du public à l’égard du système de justice et d’en ternir l’image, estime le comité, qui retient également l’antécédent déontologique du juge administratif.
«De toute évidence, la première sanction, qui était déjà importante, n’a pas eu l’effet escompté sur son comportement», se désole le comité avant d’imposer au juge administratif une suspension de trois mois sans rémunération.
Une première suspension de deux mois
Carl Leclerc avait déjà été suspendu une première fois en juillet 2016 pour avoir eu un comportement «très grave, voire inacceptable» envers une mère de famille venue régler la garde partagée de sa fille en juillet 2015.
Le juge administratif de la division des affaires sociales du TAQ s’était montré «impoli», «agressif» et «sarcastique» à l’endroit de cette plaignante qui se représentait seule et qui tentait d’exposer ses points au tribunal.
Pour ce manquement déontologique, le comité d’enquête du conseil de la justice administrative avait ordonné à Carl Leclerc une suspension de deux mois sans solde, sanction confirmée plus tard par la Cour supérieure.
Le comité avait songé à destituer le juge administratif, mais il avait finalement opté pour une suspension, estimant qu’il s’agissait là d’un «message fort» envoyé au public et aux juges administratifs québécois.
Il semble que le message n’ait pas été encore assez fort pour le juge administratif.
Carl Leclerc n’a pas souhaité commenter cette décision, a-t-il fait savoir à Droit-inc par l’intermédiaire de son avocate, Me Caroline Gravel.
Il n’avait pas été possible non plus de nous entretenir avec la plaignante au moment de mettre cet article en ligne.